"Les Guignols" : quand Duflot riait de sa marionnette d'"ado attardée"

Elle ne renie rien de son expérience au gouvernement, assume sa loi tant décriée et rêve de fédérer les déçus du hollandisme à gauche. Franc-parler garanti.

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Cécile Duflot est redevenue députée de Paris.
Cécile Duflot est redevenue députée de Paris. © Stéphane de Sakutin/AFP

Temps de lecture : 6 min

En juillet 2014, Cécile Duflot se confiait au Point, notamment sur son emblématique marionnette des Guignols, qui « fait rire » ses enfants. Ce jeudi matin, la leader écolo s'est fendue d'un tweet pour défendre l'émission phare de Canal+, menacée de disparition la rentrée .

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« C'est quoi, votre truc, vous voulez faire de moi une néo-Mélenchon ? » nous demande Cécile Duflot en riant. Ce 23 juin, en fin d'après-midi, elle s'assoit à la terrasse du Concorde, près de l'Assemblée nationale, commande un sirop d'orgeat et plie une invitation qu'elle doit envoyer à une camarade de sa fille, qui fête ses six ans le samedi suivant. L'écolo, qui porte une estivale robe couleur « vert pelouse », n'est plus ministre depuis le remaniement du 2 avril. Par choix, elle est redevenue députée de Paris.

Notre « truc » n'est pas d'en faire une « néo-Mélenchon ». Contrairement au survolté leader du Front de gauche, ancien PS, Duflot n'a pas claqué la porte de son parti. Elle est revenue « au coeur » d'Europe Écologie-Les Verts, dit-elle. Surtout, après deux ans sous les dorures de la Rue de Varenne comme ministre du Logement, elle ne renie rien, jure même que c'est bien là que sont les manettes. « Être au gouvernement m'a rendu lisible que ce qui se passe est décidé, qu'on ne subit pas les événements », confie-t-elle.

« J'accumule les tares »

Un jalon dans un plan de carrière ? Elle s'insurge : « Tout le monde pense que la mère Duflot s'est vendue pour un poste, qu'elle est sortie pour se préparer à 2017, ce qui fait d'elle une opposante. Tout est faux ! » De sa voix haut perchée, lunettes de soleil relevées sur ses cheveux attachés, la démissionnaire, à qui Jean Pierre Chevènement a soufflé un « nous ne sommes pas nombreux dans ce club select », poursuit : « De toute façon, je sais que je suis insupportable pour beaucoup. J'accumule les tares. Je suis une femme, jeune, écolo, mère de famille et je sais cheffer, comme disait Chirac. »

Les Guignols l'ont capté, qui font sur Canal+ leur miel de cette forte personnalité de 39 ans, dépeinte en gamine capricieuse accro au téléphone. Sa marionnette « fait rire [ses] enfants », avoue-t-elle. Et elle a même trouvé « marrante » la scène où son double de latex débarque à Matignon en skateboard dans un des sketches. « Mais ça fait bizarre de se voir en ado attardée », nous lâche la mère d'Émile, qui a passé son bac S cette année, Bleuette, Anémone et Térébentine. Ce qu'elle concède, c'est son addiction au portable et à Twitter.

Ces tweets que vous n 'avez pas lus

Combien de fois par jour se retient-elle de poster sur le réseau social boutades et piques à l'encontre de ses camarades... En vacances dans le Sud-Ouest, peu de temps après sa démission, elle se prend en photo au volant d'un combi Volkswagen. Son envie ? Publier le cliché avec cette légende : « Je m'entraîne pour devenir Première ministre. » À Jean-Vincent Placé, numéro deux des Verts, dont elle fut très proche et avec qui elle s'est brouillée parce qu'il voulait céder aux sirènes de Manuel Valls, elle envoie en mai par SMS un tweet qu'elle ne rendra pas public : « Urgent AFP : Jean-Vincent Placé appelle Léonarda à manifester pour défendre la réforme territoriale. »

Plus récemment, c'est au député Jean-Jacques Urvoas qu'elle rêve de répondre. Ce proche du Premier ministre tweete : « Mieux vaut le péage de transit imaginé par Ségolène Royal que l'écotaxe regrettée hier par Cécile Duflot. » « Ma réponse était toute prête ! Je voulais lui écrire : Après vérification, je n'ai jamais été ministre de l'Écologie. Bisous », nous raconte-t-elle en riant franchement.

Elle n'a jamais craqué - « preuve que je vieillis ! » -, d'ailleurs, après son départ, elle s'était même juré de se taire, de ne pas dire tout haut ce qu'elle reproche si fort au pouvoir, d'avoir « dévié de sa ligne pour prendre un vrai virage ».

Mais il y a eu les critiques en pagaille contre sa loi Alur. Elles l'ont « réveillée ». La voilà qui accuse les lobbys qui règnent sur le marché de l'immobilier de vouloir ruiner son travail. Et elle accuse de « mystification » les professionnels qui lui reprochent d'avoir découragé les investisseurs avec « le triptyque réquisition, taxation, réglementation ».

« L 'autorité et les baisses d 'impôts, ça n 'a jamais été la ligne de la gauche »

Duflot mitraille et le gouvernement en prend pour son grade. Dans son viseur, d'abord, Manuel Valls, avec qui elle s'est affrontée sur la question des Roms. « L'autorité et les baisses d'impôts, ça n'a jamais été la ligne de la gauche », nous lâche-t-elle. « Et quand il évoque la possibilité de déchéance de nationalité, pourquoi personne ne dit rien ? Nous sommes sur des thématiques qui font prospérer le FN... » Plus généralement, rien ne va. Sur la réponse du gouvernement aux intermittents : « On crée du désespoir ou de la révolte. Les deux sont très dangereux pour le pays. » Sur le pacte de responsabilité : « Que va dire la caissière à 850 euros par mois quand M. Gérard Mulliez (patron d'Auchan, NDLR) va recevoir un chèque de 500 millions, payés avec ses impôts ? » Et les annonces de Ségolène Royal sur la transition énergétique ? « Il y a de bons objectifs, mais deux jours après, Valls va chez Areva dire Vive le nucléaire ! et file le budget de l'Écologie à la Défense. »

Il n'y a pas de mystère, Cécile Duflot s'organise pour prendre le leadership d'une majorité alternative, elle qui assène : « Nous pouvons prendre les plus hautes responsabilités. Il faut être écolo pour répondre à la crise. Au sein du gouvernement, ce n'était pas possible. Alors, prenons le pouvoir au Parlement. » Elle soutient les frondeurs du PS. Ils le lui rendent bien. « Le retour de Cécile Duflot apporte de l'air à l'Assemblée », nous explique Christian Paul, l'un des leaders de la révolte. « Elles contribuent à faire que le dialogue reparte du bon pied. Il ne faut pas abandonner les Verts à une image de petit parti sans allié. Ce serait très inquiétant. » Elle discute avec le leader du PCF Pierre Laurent, épargne le patron des socialistes, Jean-Christophe Cambadélis. Duflot répète que ses « deux matrices » sont « l'écologie et le rassemblement ».

Vision archéo-irréaliste

Ce rassemblement de la gauche se heurte pourtant à des divergences radicales. « Il faut que l'on fasse une politique à bas niveau de croissance et à haute intention d'emploi », martèle-t-elle. Au PS, les rénovateurs, dans la ligne du gouvernement, se gaussent d'une vision archéo-irréaliste de l'économie et minimisent l'influence de celle qui porte ce projet « dingue. » La preuve ? Alors qu'elle-même s'est abstenue, dix des dix-huit députés écologistes ont voté pour le budget rectificatif de l'État le mardi 1er juillet 2014... « Duflot n'est ni un problème ni une solution. Elle est une députée de base, sa notoriété n'est pas extraordinaire, elle n'est absolument pas en mesure d'être une alternative au PS », recadre un très proche de Manuel Valls.

À François Hollande, après son départ, l'écolo a glissé : « N'oublie jamais qui t'a élu, pourquoi et pour quoi faire. » De ses discussions qui se poursuivent avec le président, elle ne dit rien. Simplement que ce n'est pas lui qui la déçoit le plus, mais le système dans lequel il est enfermé. Dans le bloc-notes de son iPad blanc à l'écran cassé, Cécile Duflot a noté la phrase de Gambetta, qui justifie sa démission, elle la lit et la relit, la ressort plusieurs fois devant nous : « Ma conscience me fait un devoir de résigner mes fonctions de membre du gouvernement avec lequel je ne suis plus en communion d'idées ni d'espérance. »

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Commentaires (97)

  • jpleg

    Ca on le sait bien, c'est meme des impots, encore des impots, toujours plus d'impôts. Il faut meme ajouter que les ecolos qui sont des grattes miseres n'en payent pas, alors pourquoi se priver de faire payer les autres et de mener des politiques a l'envers du bon sens ! On l'a bien vu avec la, construction 50. 000 emplois perdus grâce aux décisions de MME
    DUFLOT. Les professionnels du batiment ne payent plus d'impots et les salaries du batiment qui ont grossi les chiffres de pole emploi touchent les assedics. Quelle belle politiques efficace !

  • socrate

    En quelque sorte. Pas surprenant que celle-ci ait adopté celle-là. Plus souple intellectuellement, on ne fait pas...

  • Transall

    Effectivement, la mariole tape-dur. C est une arriviste dans toute sa splendeur.