Si le débat sur le contrôle sur le port des armes aux Etats-Unis a du mal à avancer sur le plan politique, la société civile américaine, elle, commence à prendre des initiatives qui visent à le limiter. Le troisième distributeur américain, Target, a ainsi demandé, mercredi 2 juillet, à ses clients de venir dans ses magasins sans arme.
Si, pour un regard européen, la demande paraît tomber sous le sens, le patron de Target, John Mulligan, a toutefois pris d'infimes précautions pour faire cette annonce, précisant d'emblée qu'il s'efforçait de se conformer aux lois de chaque Etat. « Mais, à partir d'aujourd'hui, nous demandons aussi respectueusement à nos clients de ne pas apporter d'armes chez Target, même là où c'est autorisé par la loi, affirme-t-il. Nous suivons avec attention les subtilités de ce débat et respectons la protection des droits de chacun. En retour, nous demandons de l'aide dans la réalisation de notre objectif de créer une atmosphère qui soit sûre et accueillante pour nos clients et les membres de nos équipes. »
FUSIL EN BANDOULIÈRE DANS LE SUPERMARCHÉ
L'initiative de Target, dont ironiquement le logo est une cible rouge et blanche, intervient après des actions spectaculaires menées par des partisans du port d'armes, qui avaient posté sur Internet des photos les mettant en scène dans des allées de supermarchés près de Dallas au Texas, fusil en bandoulière.
En réaction, l'association Gun Sense in America, qui milite pour un contrôle plus strict des armes, avait appelé au travers des réseaux sociaux à boycotter l'enseigne, qui regroupe 1 700 magasins à travers le pays. La pétition avait reçu 400 000 signatures.
Devant la mobilisation, la National Rifle Association (NRA) avait été obligée de présenter ses excuses par rapport à ce qui s'apparentait à une provocation. Ce groupe, nommé « Open Carry Texas », a dit qu'il regrettait la décision de Target, tout en précisant que ses membres se conformeraient à la demande du distributeur.
MYRIADE DE LÉGISLATIONS
Gun Sense in America, qui avait été créé au lendemain de la tuerie de l'école de Newtown (Connecticut), en décembre 2012, s'est félicité de l'annonce de Target : « Les mamans sont reconnaissantes que Target ait répondu à l'appel de 400 000 Américains, a déclaré Shannon Watts, la cofondatrice de l'association. Toutes les mères ont été horrifiés de voir des images de personnes portant des fusils d'assaut chargés au milieu des allées où nous achetons les couches et les jouets. »
Le port d'armes aux Etats-Unis est régi par une myriade de législations. Sur les 50 Etats, 44 l'autorise dans certaines conditions. Ainsi, au Texas, il est théoriquement interdit de porter une arme dans un magasin qui vend de l'alcool (ce qui est d'ailleurs le cas de Target dans cet Etat). La Géorgie a adopté une loi qui permet, depuis le 1er juillet, aux titulaires d'un port d'arme de les avoir sur eux dans les magasins, les restaurants et les bâtiments gouvernementaux, à moins qu'il y ait une interdiction explicite.
Contrairement à son concurrent Walmart, qui reste le premier distributeur d'armes aux Etats-Unis, Target n'en vend plus depuis la fin des années 1970. Costco, une chaîne de magasins à bas prix, interdit explicitement à ses employés d'apporter leurs armes au travail.
MOUVEMENT DU MILIEU ÉCONOMIQUE
Plusieurs distributeurs ou chaînes de restauration ont récemment annoncé qu'ils demandaient à leurs clients de venir dans leurs enseignes sans leurs armes. Comme Chipotle, en mai (pour les mêmes raisons que Target), Jack in the Box, Sonic, Chili's ou bien encore Starbucks. Le PDG de ce dernier, Howard Schultz, avait pris cette initiative en septembre 2013, quarante-huit heures après la fusillade sanglante qui avait fait 12 victimes dans les locaux de la Navy à Washington. Dans une lettre ouverte, il expliquait que les armes ne sont pas bonnes pour le commerce. Elles troublent la tranquillité des clients venus se détendre.
En réponse à Target, Open Carry Texas rétorque que « maintes et maintes fois, les entreprises qui ont demandé à leurs clients de ne pas apporter leurs armes d'autodéfense dans leurs établissement ont vu leurs employés et leurs clients victimes de criminels qui s'en prennent ouvertement à des personnes sans défense », résumant ainsi toute l'essence du Deuxième amendement de la Constitution américaine, qui justifie le port d'armes au nom de la légitime défense.
En déplaçant le débat sur le terrain économique, les entreprises espèrent avoir plus de succès que Barack Obama. Après avoir échoué à contrôler la circulation des armes au travers d'une loi rejetée par le Congrès, le président avait appelé début juin les Américains à un « examen de conscience » sur les armes à feu.
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