L’Allemagne est lanterne rouge de l’Europe. L’expression est rarement appliquée
à la première économie du continent, citée en exemple dans presque tous les
domaines. Le salaire minimum fait exception à la règle. Les syndicats et les
responsables politiques ont passé plus de dix ans à s’affronter sur la
question. Le débat aura été honteusement long.
Le Bundestag a adopté ce jeudi le principe du salaire minimum [535 voix
pour, 5 contre et 61 abstentions]. L’Allemagne devient ainsi l’un des derniers
pays européens à se doter d’une réglementation pour mettre fin aux pires abus en
matière de dumping salarial. Enfin ! Les responsables politiques se sont enlisés dans des débats pour déterminer quelles
dérogations accorder à cette loi. Divers scénarios catastrophe ont été évoqués
pour montrer le nombre d’emplois que cette mesure risquait de coûter si elle était
appliquée à l’ensemble des secteurs. Comme si 8,50 euros de l’heure
constituaient un salaire exorbitant. A la fin du mois, cela représente tout
juste 1 400 euros. Brut.Un peu de valeur et de fiertéLe salaire minimum s’imposait depuis longtemps. Cela peut sembler pathétique à
dire, mais cette décision redonne de la valeur au travail et un peu de fierté
au quelque 1,4 million d’Allemands payés moins de 5 euros de l’heure. Si
l’on y ajoute tous les travailleurs rémunérés entre 5 et 8,50 euros de
l’heure, on peut estimer à près de 4 millions le nombre de bénéficiaires
de cette mesure.De nombreuses entreprises dans les domaines de la culture et des arts, de la gastronomie ou des
services d’entretien ont fondé leur modèle économique sur l’exploitation
financière de leurs salariés. Les employés de ces secteurs dépendent presque
tous des aides de l’Etat. La collectivité finance donc ce modèle économique
douteux depuis des années.Le risque d’une augmentation des prixOn ne pleurera pas sur la disparition de ces entreprises qui voient leurs
calculs s’effondrer. Il y en aura suffisamment qui seront capables de s’en
sortir malgré la mise en place du salaire minimum. Celui-ci a déjà été introduit dans certains
secteurs, comme l’industrie de la viande et les métiers de la coiffure, avant
l’adoption de la loi. D’autres branches se sont dotées de conventions collectives
fixant un salaire minimum supérieur à 8,50 euros. On n’y observe pas de
bouleversement particulier. Ces secteurs ne comptent pas moins d’emplois, au
contraire, leur taux de chômage continue de baisser.
Certes, le prix de certains produits ou services risque d’augmenter. Ce ne sera
que le reflet de leur véritable valeur. Il serait indécent de s’en lamenter.
Après tout, le prix des cigarettes, de l’essence ou de la place de cinéma a
bien doublé en quelques années et les gens s’y sont habitués. Ils continuent
d’acheter ces produits sans se plaindre. Ils feront de même après l’adoption de
cette loi, tout en sachant qu’elle permet aussi à des millions d’exclus de
retrouver une place dans la société.