“Les journalistes de Bild ont établi leur pronostic”, titre fièrement le tabloïd : “3 à 1 pour l’Allemagne”. Le quotidien, plus gros tirage de la presse d’outre-Rhin, est l’un des rares à consacrer sa une au quart de finale qui doit opposer, ce 4 juillet à Rio, les Bleus à la Mannschaft.

“Il est temps de mettre le coq au four !” claironne pour sa part la Berliner Zeitung, certaine que les “aigles allemands” ne feront qu’une bouchée des “coqs gaulois”.

Les tabloïds sont cependant les seuls à fanfaronner. Pour le reste de la presse allemande, il ne fait aucun doute que les Bleus sont, certes des outsiders, mais des outsiders redoutables, “rapides, stables et difficiles à stopper”, commente Der Spiegel. 

“Et dire, que pour un peu, les Français n’étaient même pas qualifiés pour le Mondial”, soupire en écho la Süddeutsche Zeitung. “Et les voilà aujourd’hui en quarts de finale, parmi les favoris pour le titre.” Comme ses confrères, le quotidien de Munich n’en finit pas de détailler les atouts qui, ce soir, pourraient faire basculer le match en faveur des Français.


1. Un danger nommé Benzema


“Pour remporter ce quart de finale, les attaquants allemands devront réussir à prendre le dessus sur l’attaquant français le plus dangereux : Karim Benzema”, prévient la Süddeutsche Zeitung. ”Le danger s’appelle Benzema”, acquiesce Die Welt.

“Karim Benzema n’a jamais été en meilleure forme que maintenant”, renchérit Der Spiegel : “Et il est d’autant plus dangereux que Didier Deschamps a compris comment utiliser au mieux le joueur de 26 ans. Non pas ailier gauche mais avant-centre, à la place de Giroud. En huitièmes de finale face au Nigeria, ce changement a fait basculer le match, même si Benzema n’a pas marqué.”


2. Gare aux ballons perdus


“Récupérer le ballon et passer aussitôt à l’attaque, c’est ce que les Français réussissent de façon exemplaire”, reconnaît Der Spiegel, statistiques à l’appui. “Pogba remporte 64 % de ses duels, Matuidi, 66 %. Des taux exceptionnels pour des milieux de terrain qui évoluent à l’arrière. (…) Les deux joueurs ne sont pas seulement forts en duels, ils sont aussi une menace pour les filets adverses. Chacun a marqué un but, Pogba ayant également à son actif deux passes décisives.”

“La France est, avec les Pays-Bas, l’équipe la plus dangereuse en contre de ce Mondial”, estime aussi la Süddeutsche Zeitung. Le quotidien bavarois nuance toutefois ce constat : “Le jeu des Bleus n’est pas sans taches. Ils ont déjà fait 46 fautes, et cinq joueurs ont reçu un carton jaune – contre 39 fautes pour l’équipe allemande et deux cartons jaunes. Ce peut être un léger avantage pour Löw, car les cinq joueurs prévenus doivent avoir peur de récolter un second carton jaune qui les priverait des demi-finales.”


3. Une cage sous bonne garde


Dans les buts français, Hugo Lloris impressionne. “Le gardien de but est un capitaine qui pèse ses mots et compte sur son comportement exemplaire pour cimenter son équipe”, reconnaît Sport Bild, numéro un de la presse sportive en Allemagne.

“Les Français ont une défense stable” dont la force “ne se résume pas au faible nombre de buts encaissés lors de la première phase”, précise toutefois Der Spiegel : “Le jeune défenseur Raphaël Varane laisse peu d’espace de jeu à l’adversaire. En phase de poule, il y a eu en tout huit tentatives contre la France, et deux en huitièmes de finale de la part du Nigeria. A titre de comparaison, face à l’Allemagne, l’Algérie a tiré quatre fois au but.”


4. Deschamps, “le nettoyeur”


La Frankfurter allgemeine Zeitung ne peut s’empêcher de relever que “pour l’instant, en tant que joueur puis entraîneur, Deschamps n’a pas perdu un seul match de Coupe du monde”. Et ce n’est pas pour rassurer le quotidien de Francfort que l’entraîneur des Bleus soit visiblement “très bien informé sur l’équipe allemande” – y compris sur les débats qui divisent les supporters allemands quant au positionnement de Lahm. “Je pense que Lahm jouera le plus souvent au centre, même si la presse allemande voudrait qu’il évolue arrière latéral. Je ne m’attends pas à des surprises”, a en effet commenté l’ancien champion du monde.

“Quand l’équipe de France a été reprise en mains par Deschamps, elle passait pour un groupe hétéroclite, rebelle et ingérable. L’ancien international en a fait une équipe homogène, n’ayant pas peur de recourir à des mesures surprenantes ou impopulaires pour atteindre cet objectif”, souligne pour sa part la Berliner Zeitung, qui décerne à l’entraîneur des Bleus le titre de “nettoyeur”.


5. Dissensions allemandes


Et si, finalement, les Allemands étaient leurs pires ennemis ? “Grippe, frissons, maux de gorge” : dès le 2 juillet, l’hebdomadaire Focus lançait un signal d’alarme sur l’état de santé des joueurs. Certes, tous se sont entraînés jeudi, mais des doutes subsistent sur les choix de Joachim Löw, l’entraîneur.

“Est-ce que nous pestons trop sur les victoires remportées par l’Allemagne ?” titrait ainsi Bild en milieu de semaine. Le tabloïd annonçait vouloir faire le point sur la “grande polémique” suscitée par “le discours de colère de Mertesacker”. Interrogé par la chaîne ZDF sur le difficile succès remporté contre l’Algérie (2-1 après prolongations), le défenseur central a en effet éructé : “Qu’est c’ q’ vous v’lez d’ moi à la fin ? (…) Vous auriez préféré qu’on joue du bon foot et qu’on soit éliminés ?” Cette intervention est aussitôt devenue culte, la phrase : “Wat woll’n Se jetzt von mir ?” tournant en boucle sur les réseaux sociaux et étant reprise en cœur dans toutes les cours d’école.

Bild s’est donc fendu d’un éditorial pour défendre “Merte” qui, encore “dégoulinant de sueur et plein d’adrénaline”, n’avait bien sûr que faire des “critiques de canapé”. Le quotidien conclut : “Bien perdre est pire que mal gagner. Nous voulons devenir champions du monde. Peu importe avec quel football.”