
En étudiant une vaste quantité de communications interceptées par la NSA entre 2009 et 2012, dont les copies intégrales ont été fournies par Edward Snowden, le Washington Post a découvert qu'elles concernaient très majoritairement des internautes ordinaires, Américains compris, et non des ressortissants étrangers ou des cibles que la NSA était alors censée surveiller.
Un responsable de la NSA avait déjà, en avril, admis que l'agence de renseignement américaine avait collecté des données sur des citoyens américains sans en avoir le droit, mais n'avait pas précisé leur nature.
Lors d'une enquête qui a duré quatre mois, publiée samedi 5 juillet, le Washington Post a pu détailler quels types d'information avaient été récoltés, en examinant environ 160 000 messages et documents enregistrés par la NSA.
Parmi eux, 121 000 « messages instantanés » (textos, tchats...), 22 000 emails, près de 8 000 documents stockés en ligne, ou encore 4 000 messages envoyés sur les réseaux sociaux (voir la liste complète des documents analysés).
89 % DE COMPTES ÉTRANGERS
Il s'agit, selon le Washington Post, du plus vaste ensemble de documents issus de la surveillance de la NSA ayant pu être examiné de manière indépendante par des journalistes. Ces 160 000 messages concernent en tout 11 400 personnes, ou plutôt, 11 400 « comptes personnels » utilisés pour avoir les conversations ou les activités enregistrés par l'agence américaine.
Résultat, selon le Washington Post :
« Neuf comptes sur dix – 89 % – trouvés dans [ce] vaste cache de conversations interceptées n'étaient pas les cibles désignées mais ont été pris dans le filet que l'agence avait tendu pour quelqu'un d'autre. »
Et près de la moitié des dossiers collectés par la NSA, écrit le journal, « contenaient des noms, des adresses email et d'autres détails notés comme appartenant à des citoyens américains ». Ce alors que, selon la justice américaine, la NSA n'a le droit de cibler que des citoyens étrangers à l'étranger, sauf dans le cas d'un mandat spécifique.
Les programmes de surveillance de la NSA (comme Prism, Upstream ou XKeyStone) sont toutefois tellement poussés qu'ils ont pu enregistrer de très nombreuses données supplémentaires, concernant des Américains ou des étrangers n'ayant parfois rien à voir avec des cibles habituellement surveillées.
D'autres dossiers ont été conservés par l'agence de renseignement alors qu'ils ne présentaient pas d'utilité aux dires mêmes des analystes de la NSA : selon le Washington Post, on trouve des photos de personnes devant leurs webcam, des conversations traitant de sujets intimes comme les relations amoureuses et sexuelles, de questions politiques, religieuses, ou liées à des problèmes financiers.
ARRESTATION D'UN SUSPECT
Le Washington Post précise que, parmi tous ces documents, figuraient bien des découvertes qui avaient été utiles pour les Etats-Unis, leur armée et leur politique étrangère. Parmi les documents récoltés entre 2009 et 2012, certains ont ainsi permis la capture de plusieurs terroristes présumés, comme Umar Patek, l'un des suspects des attentats de Bali en 2002.
Parmi d'autres exemples cités, diffusés en accord avec l'administration Obama, figurent « de nouvelles révélations sur un projet nucléaire secret outre-mer, le double jeu d'un prétendu allié, une catastrophe militaire qui est arrivée à une puissance inamicale et les identités d'intrus agressifs sur des réseaux informatiques américains ».
Mais le journal et Edward Snowden s'interrogent sur la nécessité de conserver et de stocker autant d'informations sur des personnes n'étant pas en lien avec de telles problématiques.
L'ancien collaborateur de la NSA, aujourd'hui réfugié en Russie, déclare au Washington Post :
« Même si on peut concevoir les besoins initiaux [liés à la surveillance], l'interception non voulue de photos d'enfants ou de lettre d'amours envoyées par des anonymes innocents, et leurs stockages dans les bases de données gouvernementales sont troublantes et dangereuses. Qui peut savoir comment de telles informations seront utilisées dans l'avenir ? »
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