Affaire Bygmalion : ce que risque Nicolas Sarkozy

L'ancien chef de l'État est de nouveau devant les juges qui cherchent à savoir si un financement illicite de sa campagne présidentielle est avéré.

Propos recueillis par

Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire sur le paiement par l'UMP des pénalités infligées à Nicolas Sarkozy après l'invalidation des comptes de sa campagne présidentielle de 2012.
Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire sur le paiement par l'UMP des pénalités infligées à Nicolas Sarkozy après l'invalidation des comptes de sa campagne présidentielle de 2012. © AFP

Temps de lecture : 4 min

Après dix-huit heures de garde à vue, Nicolas Sarkozy a été mis en examen, dans la nuit du mardi 1er au mercredi 2 juillet 2014, pour "corruption active", "trafic d'influence" et "recel de violation du secret professionnel" dans l'affaire des écoutes. Il saura le 22 mars s'il est renvoyé en correctionnelle. Il est aussi entendu ce mardi par les juges dans le cadre d'une autre affaire, celle de la société Bygmalion, tout aussi explosive.

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Au coeur de ce scandale se pose la question des relations financières entre la société de communication Bygmalion, l'UMP et l'équipe de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012. Trois juges financiers enquêtent actuellement sur les comptes de l'UMP et sur les soupçons de financement illicite de la campagne présidentielle de l'ancien locataire de l'Élysée. En effet, l'avocat de Bygmalion a affirmé que la société de communication - tenue par deux proches de l'ex-patron de l'UMP Jean-François Copé - aurait réalisé de fausses factures afin de maquiller le dépassement des frais de campagne présidentielle de Sarkozy. Le parquet de Paris vient par ailleurs d'ouvrir une enquête sur un éventuel "abus de confiance" sur le paiement par l'UMP des pénalités infligées à Nicolas Sarkozy. La juriste Roseline Letteron, professeur de droit public à la Sorbonne, estime que l'ancien président n'est pas à l'abri de poursuites pénales en cas d'infraction. Voilà une bombe à retardement qui pourrait encore davantage compliquer l'éventuel retour de Nicolas Sarkozy en politique. Entretien.

Le Point.fr : Dans l'affaire Bygmalion, Nicolas Sarkozy est-il protégé par l'immunité dont il bénéficiait en tant que président de la République ?

Roseline Letteron : L'immunité du président de la République signifie seulement qu'il ne peut être soumis à aucun acte de procédure pénale durant son mandat. À l'issue de ses fonctions, en revanche, il redevient un citoyen ordinaire. Nicolas Sarkozy, comme n'importe quel citoyen, peut donc désormais être poursuivi pour d'éventuelles infractions pénales commises pendant ses fonctions.

Nicolas Sarkozy reste silencieux sur cette affaire en arguant qu'il n'a jamais été informé d'un éventuel dépassement du plafond de ses frais de campagne, qui aurait été maquillé grâce à Bygmalion. Sa responsabilité personnelle peut-elle tout de même être engagée ?

Il va y avoir une instruction pénale puisque trois juges ont été nommés pour instruire cette affaire : ce sera à eux de dire si les faits sont constitutifs d'une ou plusieurs infractions pénales. Nicolas Sarkozy a lui-même engagé sa responsabilité personnelle en signant son compte de campagne. En effet, le compte de campagne n'est pas signé par un parti, mais par un candidat, procédure parfaitement cohérente puisque n'importe quel citoyen français peut se présenter à l'élection présidentielle, y compris sans le soutien d'un parti politique. En signant son compte de campagne, Nicolas Sarkozy a donc engagé sa responsabilité, car sa signature vaut engagement sur la véracité de la déclaration. Il lui sera donc bien difficile d'invoquer une quelconque ignorance de la fraude, si celle-ci est avérée.

Que risque Nicolas Sarkozy dans cette affaire ?

Certes, le Conseil constitutionnel a déjà rendu sa décision et invalidé son compte de campagne. Il est vrai qu'il n'a été invalidé que pour un dépassement modeste alors que l'affaire Bygmalion semble orienter l'enquête vers une fraude de grande ampleur qui a certainement eu des conséquences graves sur l'égalité des candidats durant la campagne électorale. Quoi qu'il en soit, la procédure devant le Conseil constitutionnel est close. Pour autant, Nicolas Sarkozy n'est pas à l'abri de poursuites pénales, en particulier si la justice prouve que la société Bygmalion lui a permis de dépasser ses frais de campagne en recourant à des moyens illégaux. Ce sera à l'enquête de les découvrir et de leur donner une qualification pénale : fausses factures, faux en écriture, etc.

Suite à l'invalidation des comptes de campagne de Sarkozy, l'UMP a lancé le "Sarkothon" pour rembourser les 11 millions d'euros (correspondant à l'avance forfaitaire de l'État pendant la campagne présidentielle). Dans cette somme, une partie (environ 300 000 euros) correspondait à une sanction personnelle infligée par le Conseil constitutionnel. Le remboursement par l'UMP est-il illégal ? L'UMP avait-elle à payer pour Nicolas Sarkozy ?

À ce sujet, la question se pose en termes différents pour les fonds versés à titre personnel par les militants et pour ceux versés par le groupe parlementaire UMP. Le "Sarkothon", qui a sollicité les militants pour qu'ils paient à la fois l'amende personnelle due par Nicolas Sarkozy et le dépassement sanctionné par le Conseil constitutionnel, n'avait rien d'illégal. Quant aux versements effectués par le groupe parlementaire UMP pour rembourser une partie des frais de campagne, il appartiendra aux juges d'instruction de déterminer s'ils étaient licites ou s'ils s'inscrivaient dans un processus de fraude. Pour le moment, leur opacité même tendrait à privilégier la seconde hypothèse, mais seule l'enquête permettra d'éclaircir ce point.

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Commentaires (205)

  • bobnaro3737

    Il me semble quand même que revenir en arrière sur des affaires très anciennes ou il y a à boire et à manger c'est vraiment chercher par tous moyens à l'éliminer définitivement de la politique ! Si c'est le seul motif évoqué par le PS et ses partisans pour que Hollande reste au pouvoir ce serait une catastrophe car il est possible que Sarkozy ait triché mais il est également certain que Hollande n'est pas fait ni ne l'a jamais été pour Présider la République française !
    Il ne reste plus qu'à attendre l'évolution de l'affaire Sarkozy et la fin du mandat de notre super Président pour y voir plus clair !

  • philippe nivet

    Il y a des sarkozistes inconditionnels qui vont jusqu'à nier la réalité, et pourtant j'ai voté deux fois pour Sarko : cette affaire est une grave affaire d'état, trucage sur la principale élection du pays, trucage avec système de fausses factures. Dans quel pays un tel scandale n'exclue pas définitivement le candidat concerné.

  • le couperet

    Au pire il sera évincé pour la présidence mais il vivra comme un roi avec le gros paquet de thunes "mis a sa disposition " (on ne peut dire "gagnées) par l'état (donc les français qui payent) et a part la grosse blessure d'orgueil et d'égo il va quand même super bien s'en tirer ! Elle est pas belle la vie !