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Avenir du Web

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Publié le 07 juillet 2014 à 17h00, modifié le 19 août 2019 à 14h49

Temps de Lecture 5 min.

Les experts voient l’avenir du Net en noir, ou tout au moins en gris foncé. C’est la conclusion à laquelle parviennent les experts ayant contribué au rapport Net Threats (« les menaces du Net »), troisième volet d’une série de rapports sur ce à quoi ressemblera le World Wide Web d’ici 2025, publié le 3 juillet aux Etats-Unis par le très respecté Pew Research Center, think tank apolitique basé à Washington.

 Les 1 400 sondés sont des professionnels, universitaires, chefs d’entreprise, tous chevronnés et quasiment tous américains. Parmi eux figurent des pointures comme Vint Cerf, vice-président de Google, ou encore Jeff Jarvis, enseignant et spécialiste des médias.  

L’enquête met en évidence un certain nombre de risques identifiés par les personnes interrogées, qui pourraient mettre en péril le rêve d’un Internet « ouvert », où l’information, quelle qu’elle soit, circule librement. Si la majorité des sondés estiment que l’innovation permettra une amélioration continue dans la façon dont les internautes « obtiennent et partagent des contenus en ligne », leurs inquiétudes se concentrent autour de quatre grandes questions.

- En premier lieu figurent les craintes liées au contrôle exercé par les Etats et les agences gouvernementales sur le réseau, contrôle qui implique le blocage de certains sites, leur filtrage, et donne accès une information fragmentée, segmentée, « balkanisée », écrit le rapport. Ces inquiétudes ont été considérablement renforcées ces dernières années par la multiplication des affaires d’espionnage par les agences de renseignement américaines, sous couvert de lutte antiterroriste. Dernier épisode en date : les révélations du Washington Post selon lesquelles la grande majorité des « écoutes » de la NSA auraient touché des personnes ne présentant aucun risque terroriste potentiel. 

« Le nationalisme, les intérêts souverains », ainsi que les « différences régionales en matière de politique et de culture » sont autant de menaces pesant sur le « flux » de données accessibles en ligne.

Le rapport pointe à ce titre la menace de censure dans les pays ayant connu récemment des révolutions, des émeutes, ou encore des basculements politiques dictés par la rue, tels ceux ayant pris part au « printemps arabe ». 

Le blocage de Twitter en Turquie dans la foulée d’un scandale mettant en cause le premier ministre est régulièrement cité en exemple. Le « Great Firewall » chinois, qui bannit nombre de réseaux sociaux occidentaux, est également dénoncé. Les initiatives menées par l’Union européenne pour garantir un droit à la vie privée sur Internet - par exemple le « droit à l’oubli » imposé depuis quelques mois à Google - sont également pointés comme des restrictions à la liberté de circulation de l’information sur Internet. 

Au delà du blocage, la crainte de la surveillance pourrait réfréner les internautes dans leur volonté de partager et communiquer sur la Toile. 

- Autre préoccupation majeure des experts interrogés, la monétisation croissante des activités en ligne : cette « pression commerciale » menace, selon eux, les initiatives en faveur d’un Internet ouvert et peuvent « entrer en contradiction » avec la neutralité du Net. Ce principe de non discrimination, selon lequel la circulation de l’information sur Internet doit se faire à la même vitesse quelle que soit le type d’information, ne va pas de soi : le gendarme américain des télécoms a préconisé mi-mai d’y mettre fin et d’autoriser les « traitements préférentiels », ce qui avantagera forcément les internautes prêts à mettre la main à la poche pour s’offrir des forfaits plus chers, avec un débit plus élevé pour les sites qui les intéressent (par exemple, des sites de vidéos).  

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- Les droits d’auteur et les brevets constituent, eux aussi, une forme de barrière, à la fois sur les contenus et sur la façon dont ils sont diffusés. De la même façon, la mainmise des grands opérateurs télécoms sur la fourniture des accès à Internet doit, selon les sondés, être combattue afin de garantir « le droit de remplacer un service, même s’il provient d’un fournisseur important, par un service équivalent fourni par une start up plus innovante ». « Cela veut dire moins de monopoles, ajoute encore ce participant à l’enquête, moins de lobbys, moins de licences, et moins de pots-de-vin ». 

Sur la question des licences et des droits d’auteur, plusieurs sondés plaident pour le développement des « Commons », ces licences qui permettent le partage, dans certains cas, de contenus sans enfreindre le principe du copyright.  

- Dernière menace identifiée par le rapport, les efforts pour juguler la masse d’informations circulant sur Internet pourraient contraindre le nombre de données disponibles en ligne. L’exemple cité est principalement celui des algorithmes de recherche qui, tout en permettant à l’utilisateur de filtrer au maximum la masse de contenus pour les limiter aux plus pertinents, sélectionnent les résultats en fonction de leurs intérêts économiques.    

« 90 % des internautes en Europe obtiennent leurs informations à travers les résultats de recherche d’un seul moteur, cela doit changer », estime à ce titre l’un des sondés.

Un autre souligne qu’après l’époque de la compétition, qui a vu les premiers acteurs de l’Internet s’emparer du marché, est arrivée l’époque de la consolidation, qui voit les gagnants de la compétition se regrouper pour sécuriser leurs intérêts et leurs parts de marché. Sauf que, sur ce marché, pointe-t-il, les barrières à l’entrée restent faibles, d’où de nombreuses raisons d’espérer, qui viennent largement nuancer les conclusions pessimistes du rapport. 

Des raisons d’espérer : pour chaque restriction mise en place, une initiative est lancée pour la contrer : les logiciels open source, le cryptage des données pour contourner la censure, les experts en recommandation (qui feront le travail des bibliothécaires d’autrefois) qui éduqueront les internautes à la navigation et les aideront à personnaliser leurs outils de recherche. 

Dessiner les contours de l’Internet « du futur » suscite de profonds débats au delà des frontières américaines. Une initiative avait été lancée en France par Silicon Sentier, la Fing et l’Isoc France pour définir les problématiques auquel le secteur devra répondre dans les prochaines années : parmi elles émergent le besoin de connexion lié à l’essor des objets connectés, les problèmes d’engorgement du réseau et ceux liés à la sécurité des données. Le document final de l’initiative pointe lui aussi les risques liés à la censure, en soulignant que certains régimes autoritaires parviennent bel et bien à considérablement limiter l’accès à Internet sur leur territoire. Il met également en exergue la gestion de l’identité sur Internet, « guère satisfaisante » à l’heure actuelle car trop liée « aux conditions physiques et contractuelles d’accès au réseau ou à un service ».  

 

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