Un néonazi entre à la commission des libertés du Parlement européen

Udo Voigt siége à la Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures [Marek Peters/Wikimedia]

Le néonazi Udo Voigt siégera au sein de la commission des libertés civiles du Parlement européen. Martin Schulz, le président du Parlement européen, et des organisations juives sont indignés par la désignation de l’élu, connu pour ses propos racistes et antisémites.

L’ancien président du Parti national-démocrate d’Allemagne (NPD), Udo Voigt, est connu pour avoir entre autres rendu hommage à Adolf Hitler, glorifié la Waffen SS, et être un révisionniste. Il avait en effet affirmé en 2007 que « maximum 340 000 juifs » avaient péri dans l’holocauste. Or les historiens sont unanimement d’accord pour dire qu’environ six millions de juifs ont été exterminés sous le IIIe Reich.

Le premier eurodéputé allemand de l’histoire du NPD a dirigé le parti néonazi de 1996 à 2011. Les services de renseignements allemands classent l’organisation comme un parti d’extrême droite. L’Allemagne avait tenté, en vain, d’interdire le parti en 2003. Un nouveau recours a été déposée auprès de la Cour de Karlsruhe pour prouver que l’idéologie du parti est identique à celle d’Hitler.

Martin Schulz, président du Parlement européen et membre du Parti social-démocrate allemand, avait lors de son discours inaugural condamné les positions de l’extrême-droite.

« Celui qui renie l’holocauste et qui est contre la dignité humaine, la démocratie et la pluralité, aura à faire à la résistance la plus acharnée de ma part.

« Le Parlement européen est l’endroit où les représentants des Européens œuvrent pour garantir un avenir pacifique pour tous sur notre continent. Il n’y a pas de place dans cette assemblée pour les racistes et les antisémites ».

La commission des libertés civiles, justice et affaires intérieures est responsable du respect des droits des citoyens, des droits de l’Homme et de la lutte contre toute forme de discrimination.

À l’instar d’Udo Voigt, les eurodéputés qui ne font partie d’aucun groupe politique au sein du Parlement européen, se sont vus attribuer une série de sièges au sein des différentes commissions. Udo Voigt, qui a notamment envisagé de proposer Rudolf Hess, proche d’Adolf Hitler, au prix Nobel de la paix, n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations.

Congrès juif européen

Un porte-parole du Congrès juif européen s’est indigné : « la présence d’individus au sein de la commission des libertés civiles, qui ont clairement montré n’avoir aucun intérêt pour les libertés civiles, mais qui en plus cherchent à les minorer, enfin qui ont tenu un discours d’intolérance et de racisme durant toute leur carrière politique jette le discrédit sur le Parlement européen.

Nous demandons aux membres de la commission des libertés civiles, mais aussi à tous les groupes parlementaires du Parlement européen, de s’assurer que M. Voigt ne soit pas médiatisé pour ses propos répugnants qu’il cherche à placer dès qu’il en a l’occasion ».

Michael Privot, directeur du Réseau européen contre le racisme a déclaré à EURACTIV : « Il est profondément inquiétant qu’un eurodéputé issu du parti néonazi allemand, le NPD, mais aussi qu’un petit nombre d’autres eurodéputés, qui véhiculent des thèses, des lois et des politiques racistes et xénophobes, puissent statuer sur les droits fondamentaux des Européens.

Nous espérons qu’ils ne perturberont pas et ne feront pas de l’obstruction parlementaire dans le cadre du travail de la commission, et nous faisons confiance pour que les eurodéputés progressistes, dont le président Claude Moraes, garantissent qu’une telle situation n’ait lieu ».

Le groupe des Conservateurs et réformistes européens regrette qu’il ait été élu par les électeurs allemands.

Le porte-parole de Nigel Farage, du Groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe a indiqué pour sa part que «  dans une culture politique qui rejette la démocratie directe et l’autodétermination nationale, les électeurs déçus soutiennent des partis extrémistes tels que le NPD.

C’est particulièrement inquiétant qu’un être humain rationnel, avec un tant soit peu de connaissances historiques, puisse défendre les positions de M. Voigt. Hitler et le nazisme représentent le mal absolu. Ils ont rejeté le droit naturel, les droits de l’Homme et nourrissaient le désir d’un Empire européen uni. Hitler et ses partisans sont dangereux pour les citoyens européens ».

Le scrutin électoral allemand modifié

Lors des européennes, le NPD a obtenu 1 % des suffrages en Allemagne, soit 0,3 % de moins que lors des élections législatives. Un arrêt rendu par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a contraint l’Allemagne de changer le mode de scrutin pour les européennes. Avant, seuls les partis qui dépassaient le seuil des 3 % pouvaient prétendre à un siège au sein du Parlement européen. Sans ce changement récent, Udo Voigt n’aurait jamais pu siéger au Parlement européen.

>> Lire : L’Allemagne abolit le seuil électoral aux européennes

Monika Hohlmeier, du Parti démocrate-chrétien allemand (CDU), est porte-parole du Parti populaire européen pour la commission des libertés civiles. Elle demande que les mêmes règles électorales soient appliquées partout au sein de l’Union européenne.

Ainsi, elle considère que « l’arrêt de la Cour constitutionnelle allemande a ouvert les portes aux partis extrémistes et nationaux-socialistes. Je pense que les conséquences de cet arrêt, ainsi que le mode de calcul électoral allemand sont hautement problématiques. Il est temps de parler de normes électorales communes pour les européennes.

Je regrette profondément que des partis radicaux et extrémistes puissent accéder à une plateforme au sein du Parlement européen. Les partis démocratiques sont tous d’accord : il n’y aura aucune forme de collaboration avec ces partis extrémistes ou nationalistes et nous résisterons contre toute forme d’extrémisme, de nationalisme d’extrême droite ».

Jan Philipp Albrecht est un eurodéputé vert et est vice-président de la commission. Il affirme qu’il est peu probable qu’Udo Voigt puisse influencer le processus législatif. Cependant, il reconnaît que sa présence pourrait amener les citoyens à s’interroger sur le Parlement européen.

« Je pense qu’il est étrange de l’avoir au sein d’une commission qui lutte contre l’extrémisme et promeut la lutte contre la discrimination. Les gens pourraient penser qu’il est inapproprié d’avoir une telle personne au sein de la commission, mais nous ne devons pas oublier que des citoyens ont voté pour lui. C’est une question qui doit être débattue.

Ce débat doit avoir lieu au niveau de la société. Il y a des gens qui élisent des représentants qui incarnent ces croyances », conclut l’Allemand. 

Les dernières élections européennes ont été le théâtre d'une forte poussée des partis d'extrême droite, tels que le Front national. Udo Voigt a par exemple été élu au Parlement européen après que son parti a obtenu 1 % des suffrages exprimés en Allemagne, soit 0,3 % de moins que lors des élections législatives. 

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