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Pêche en eau profonde : la France accusée d'avoir menti

Selon des ONG, l'Etat a ignoré les données dont il disposait sur les dégâts de cette pratique sur la biodiversité.

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Publié le 09 juillet 2014 à 10h42, modifié le 09 juillet 2014 à 12h56

Temps de Lecture 3 min.

La France a-t-elle ignoré délibérément ses propres données scientifiques pour s'opposer au projet européen d'interdiction de la pêche en eau profonde ? Huit organisations non gouvernementales posent la question dans un communiqué rendu public mardi 8 juillet, en s'appuyant sur deux rapports inédits de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer).

Selon les ONG – dont Bloom, Greenpeace, le WWF ou encore la Fondation GoodPlanet –, les données de l'Ifremer sur la pêche profonde montrent que les dégâts environnementaux du chalutage profond sont aussi considérables que le nombre d'emplois dépendant de cette activité est faible.

Les tonnages débarqués par la pêche en eau profonde représentent à peine 1 % de la pêche française. « En 2012, seuls 12 chalutiers français fréquentaient des profondeurs de plus de 600 m plus de 10 % de leur temps. Et seulement 10 navires ont opéré à plus de 800 m plus de 10 % de leur temps », avancent les ONG. « Le nombre de navires ayant une activité au chalutage de fond en eau profonde est faible », conclut ainsi le rapport de l'Ifremer, cité par les ONG.

Celles-ci font valoir que la position officielle française, portée à Bruxelles par le secrétaire d'Etat chargé des transports, de la mer et de la pêche, Frédéric Cuvillier, est en opposition avec les données produites par l'Ifremer. « Une éventuelle interdiction de certains engins de pêche, sans discernement, aurait de très lourdes conséquences socio-économiques et ne serait pas acceptable », avait-il ainsi expliqué à la commissaire européenne à la pêche, Maria Damanaki, lors du Conseil européen du 17 juillet 2012 consacré au projet d'interdiction de la pêche profonde. M. Cuvillier n'a pas donné suite aux sollicitations du Monde.

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« Nous réclamions ces données depuis le Grenelle de la mer, en 2009, tempête Claire Nouvian, présidente de l'association Bloom. Ce sont pourtant des données publiques, produites par un établissement public, grâce à de l'argent public ! » De son côté, l'Ifremer précise que ses données scientifiques sont toujours accessibles, mais que « les avis et les rapports rendus à la demande des pouvoirs publics n'appartiennent pas à l'Ifremer, qui ne peut décider seul de les publier ».

Isabelle Laudon, coordinatrice des politiques publiques au WWF, confie que les associations ont saisi, en avril, la Commission d'accès aux documents administratifs pour obtenir l'accès aux deux rapports. « Maintenant que nous les avons, nous comprenons pourquoi il était si difficile d'y avoir accès », ajoute-t-elle. C'est finalement sur décision de Ségolène Royal, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, et ministre de tutelle de Frédéric Cuvillier, que l'Ifremer les a publiés le 2 juillet.

« CONFLIT D'INTÉRÊTS »

Ces rapports précisent également les données de capture des bateaux et, partant, certains des dégâts environnementaux liés au chalutage profond. Ces dégâts sont globalement bien documentés dans la littérature scientifique internationale mais, dit Claire Nouvian, « les chiffres de l'Ifremer nous ont estomaqués ». « En 2012, treize espèces de requins profonds ont représenté environ 6 % des captures réalisées par des chalutiers français spécialisés dans la pêche profonde et ont été rejetées mortes à la mer, indique-t-elle. Or 11 de ces 13 espèces sont menacées d'extinction, selon les critères de l'Union internationale pour la conservation de la nature. »

Dans une lettre ouverte à Ségolène Royal, les associations demandent que la France revoie sa position sur la pêche profonde pour le prochain Conseil européen, prévu le 16 juillet. D'autant que, depuis le début de l'année, l'enjeu économique représenté par la pêche profonde a encore perdu en importance.

Philippe Germa, directeur général du WWF, explique :

« Après la décision de Carrefour de retirer les produits de la pêche profonde de ses étals, Intermarché a annoncé que sa flotte ne pêcherait plus au-delà de 800 m, ce qui n'aura pas d'impact en termes d'emplois. Il ne reste aujourd'hui guère qu'un bateau directement concerné par une interdiction de pêcher au-delà de cette limite et son port d'attache est Boulogne-sur-Mer, ville dont Frédéric Cuvillier est élu. On est là dans une situation qui s'apparente à un conflit d'intérêts. »

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