Quel show ! Imaginez un ministre de l'économie, Arnaud Montebourg, qui réquisitionne la salle des conférences de Bercy — du nom de « Pierre Mendès France » — pour présenter sa feuille de route pour le redressement économique de la France. Pas celle du gouvernement dont il fait partie : la sienne, qui appelle, à ses dires, « une évolution de notre stratégie macroéconomique ».
A la tribune, flanqué des drapeaux tricolore et européen, face à un parterre de six cents personnes au premier rang desquelles se mêlent le grand patron Serge Dassault et celui de FO, Jean-Claude Mailly, il lance un appel à « combattre le conformisme ». « Mon adversaire, c'est le conformisme. Il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti et pourtant il gouverne », lance-t-il, s'écartant un moment de son texte écrit. Chacun aura compris la référence à François Hollande, dont il ne prononcera pas une seule fois le nom.
HOLLANDE ÉCORCHÉ
Se réclamant de l'« esprit de Roosevelt », il s'en prend à une politique de réduction des déficits publics « moralement juste mais économiquement fausse ». « Cette politique ne permet pas la réduction des déficits car, en privant l'économie de croissance, elle empêche précisément le rétablissement des comptes publics », assène-t-il. Sévère réquisitoire à l'encontre d'une politique qui ressemble comme deux gouttes d'eau à celle suivie par l'actuel gouvernement.
Les proches du ministre de l'économie assurent qu'il ne s'agissait pas là d'un discours de « désertion ». « La désertion, c'est celle de notre électorat. Elle a eu lieu aux municipales et aux européennes. Ce discours, c'est à lui qu'il s'adresse », assure Arnaud Leroy, député des Français de l'étranger.
VALLS ÉPARGNÉ
En prenant publiquement date de la sorte, Arnaud Montebourg esquisse une autre politique possible, en prenant bien soin de ménager Manuel Valls, le premier ministre, sur le « courage » duquel il continue à compter. L'un et l'autre, l'un s'appuyant sur l'autre, pense-t-il, peuvent remiser « les préjugés, les certitudes, les croyances dans lesquels les cerveaux sont enferrés ».
Il veut pousser l'autre à prendre sa part de risques pour infléchir une politique qui porte par trop le sceau présidentiel. Tel le Grand Condé qui prit la tête de la Fronde des princes, il entend « sortir la France de ses archaïsmes ». Des archaïsmes dont on devine sans mal le siège.
L'opération est pour le moins osée. Les troupes d'Arnaud Montebourg sont clairsemées, l'intendance mal assurée, mais le propos est flamboyant et le duc de Bercy ne manque pas de panache.
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