
La boucle est bouclée . Le 30 juin, Artémis Mattheopoulos a été le seizième et dernier député du parti néonazi Aube dorée à être inculpé. Désormais, la totalité du groupe parlementaire se trouve sous le coup de poursuites pour appartenance à "une organisation criminelle", conséquence de l'offensive judiciaire engagée après l'assassinat, le 18 septembre 2013, du rappeur antifasciste Pavlos Fyssas par un membre de ce parti. Huit députés ont été placés en détention provisoire et attendent en prison un éventuel procès. Les autres sont libres mais sous contrôle judiciaire strict. "Près de 30 personnes, députés, simples membres ou policiers complices de leurs exactions, sont aujourd'hui en prison et l'instruction concerne plus de 70 personnes", rappelle l'écrivain Dimitris Psarras, auteur d'Aube dorée. Livre noir du parti nazi grec (Syllepse). "Le procès n'aura pas lieu avant 2015 même si les juges essaient de devancer la fin de la détention provisoire du chef du parti Nikolaos Michaloliakos", estime-t-il. En Grèce, la durée maximale de la détention provisoire est de dix-huit mois.
Arrêté en septembre 2013, M. Michaloliakos pourrait donc être relâché en mars 2015. Toute la difficulté de cette instruction est d'établir la qualification d'"organisation criminelle" qui permettrait, aux termes du code pénal grec, de juger les membres du parti pour leur seule appartenance à cette organisation. Le journaliste Dimitris Psarras sera l'un des principaux témoins lors du procès. "J'ai remis aux deux magistrates les statuts du parti qui décryptent clairement l'organisation militaire de l'organisation, affirme-t-il. Dans cette hiérarchie, le chef sait tout, décide de tout et les phalanges exécutent ." Les avocats d'Aube dorée réfutent l'authenticité du document.
PRISON
Malgré l'accumulation d'éléments confirmant ses méthodes violentes, voire criminelles, ainsi que son idéologie néonazie, Aube dorée continue de s'enraciner dans le pays. Elle a récolté près de 10 % des suffrages aux élections européennes, ce qui lui a permis d'envoyer trois députés à Strasbourg. Une progression de plus de trois points par rapport aux législatives de 2012, qui avaient marqué son entrée au Parlement grec. "Ce résultat prouve l'ancrage d'Aube dorée dans la société grecque", constate Dimitris Psarras. Ses électeurs choisissent d'ignorer, voire de nier, son idéologie néonazie et s'attachent principalement à son discours antisystème. "Aux yeux de nombreux Grecs, Aube dorée reste une alternative sérieuse car les causes sociales qui poussent les gens à voter pour elle perdurent", soutient-il.
Le chômage explose à 28 % de la population active, alors que 24 % des Grecs sont passés sous le seuil de pauvreté. Les salaires ont diminué en moyenne de 33 %, dans le public comme dans le privé. Face à cette situation, les idées racistes et populistes s'expriment sans complexe. "Je n'ai pas honte de voter Aube dorée", revendique Fanny Tsilorianis. Cette cinquantenaire au chômage est de tous les défilés de soutien que le parti organise à chaque comparution de l'un de ses membres devant les juges. "Avant je votais Nouvelle Démocratie [le parti conservateur actuellement au pouvoir] mais ils sont aussi pourris que les autres ; à Aube dorée, au moins, ils prennent soin de nous, les Grecs, en priorité", précise Fanny. "Pourquoi voter pour une copie quand je peux avoir l'original ?", résume brutalement cette mère de deux grands enfants.
Alors que le leader historique du parti, Nikolaos Michaloliakos, est en prison, la relève est déjà assurée par l'ambitieux porte-parole du parti, Ilias Kasidiaris. Lui aussi inculpé mais laissé en liberté surveillée, il tente de dédiaboliser l'image de son parti. Son objectif : rendre pérenne la présence d'une organisation qui, il y a seulement quatre ans, était parfaitement anecdotique sur l'échiquier politique grec.
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