VIDEO. 14 Juillet : le dernier vol du Mirage F1

Adieux. Cet avion légendaire volera ce matin pour la dernière fois. Nous étions à bord, mercredi, pour une ultime mission.

VIDEO. 14 Juillet : le dernier vol du Mirage F1

    A 13 km d'altitude, le Mirage F1 B-502 du capitaine Rodolphe Goin se retourne et part soudain en tonneau pour se rétablir... 200 m plus bas. Sur la radio crépite la voix de Soubi, le leader : « Formation flèche. Top ! » En trois secondes, cinq appareils rapprochent leurs ailes à moins de 3 m l'une de l'autre. Les pilotes de l'escadron 2.33 de Mont-de-Marsan poussent leur réacteur à plus de 900 km/h, direction Caen (Calvados). Ce mercredi, pour cette ultime mission, les aviateurs flirtent avec les côtes normandes. Une dernière fois avant que le légendaire Mirage F1 ne tire sa révérence.

    Cet appareil est l'un des rares avions à pouvoir atteindre deux fois la vitesse du son, soit plus de 1 200 km/h. Au début des années 1970, l'armée de l'air française et ses ingénieurs planchent sur la conception d'un avion supersonique. Un appareil d'attaque et de reconnaissance capable d'évoluer en basse altitude et par tous les temps.

    Utilisé encore pour Serval

    Fin, étroit, taillé comme une flèche, le Mirage F1 entre en service fin 1973. Le fleuron de l'armée française sera de toutes les missions, jusqu'à récemment au Mali pour l'opération Serval. « Nous étions les premiers à nous poser sur Bamako, glisse le capitaine Goin. Notre mission était de contrer l'avancée des jihadistes. »

    Au-dessus de Caen, les cinq officiers commencent leur exercice de reconnaissance. La radio crachote dans les casques : « ici Leader pour Doumé ! » Doumé, c'est le commandant Masso. Chaque pilote est affublé d'un surnom. Pour le capitaine Goin, c'est Cochon. Ebloui par les rayons du soleil, perçants à cette altitude, il abat la visière fumée de son casque d'un geste rapide. « Dislocation ! » ordonne Soubi à travers son masque à oxygène. L'instant d'un virage à 90 o, à retourner l'estomac des moins aguerris, les quatre pilotes suiveurs séparent leurs aéronefs pour former une fleur dans le ciel normand. 150 m plus bas, l'archange doré du Mont-Saint-Michel scintille au-dessus d'une mer de sable.

    Cochon, Doumé, Pablo et Little amorcent soudain un virage pour coller au train du leader. Les corps s'alourdissent, la combinaison anti-G (gravitation) se gonfle. Elle évite au sang de s'accumuler au niveau des jambes pour maintenir le cerveau irrigué. « Quand tu prends jusqu'à 6 G, soit six fois le poids du corps, le risque c'est la syncope, commente Cochon, qui s'apprête à devenir instructeur sur avions Alpha Jet. D'abord tu vois gris, ensuite c'est le voile noir et la perte de connaissance. C'est arrivé à des pilotes... » s'émeut ce père de deux jumeaux de 8 ans.

    « Demande autorisation de faire un passage sur vos installations », interpelle Soubi à l'aéroport de La Rochelle. « Autorisation accordée ! », répond une voix féminine. Les cinq Mirages frôlent la tour de contrôle avant de se cabrer vers les nuages. Un petit « Merci ! » s'échappe de la bouche de la contrôleuse aérienne. Elle sait que c'est la dernière fois qu'elle verra l'escadron des Mirages F1 passer au-dessus de sa piste. « Il faut en profiter ! » lâche-t-elle. Cochon sourit : « Elle est amoureuse ! »

    Au milieu d'une forêt de pins, la tache jaune de la dune du Pilat annonce la fin de la mission. Quelques derniers tonneaux, deux virages à droite, puis à gauche en direction de Mont-de-Marsan, Pablo observe à travers sa verrière la carlingue grise de son voisin. Sur la dérive est dessinée une croix de Lorraine, avec un drapeau et une mouette, l'emblème des aviateurs de l'escadron 2.33, dernier de la lignée des pilotes de Mirage F1. Ce soir, ils fêteront la dissolution de l'escadron à Paris, dans un restaurant « de barbouzes ».

    VIDEO. Le Mirage F1 tire sa révérence