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Récit

Sur le Tour, les grimpeurs français à la fête nationale

Tour de France 2014dossier
Avec quatre coureurs dans le top 10, les Français ont rarement été aussi bien placés dans la course au maillot jaune. Suffisant pour déstabiliser Vincenzo Nibali ?
par Sylvain Mouillard, envoyé spécial à la Planche des Belles Filles
publié le 14 juillet 2014 à 20h01

Surtout, ne pas se fier au soleil qui s'est décidé à chauffer le sommet de la Planche des Belles Filles sur les coups de 18 heures. Les coureurs du Tour de France ont vécu une journée éprouvante sur les routes vosgiennes, entre pluie, brume, et températures frisquettes. Alberto Contador, qui rêvait d'attaquer son rival italien Vincenzo Nibali, a même quitté la course après une chute et 20 kilomètres de poursuite tibia fracturé (!). L'abandon de l'Espagnol inspira cette réflexion de mauvais goût au speaker du Tour sur la ligne d'arrivée : «Les pronostiqueurs qui auront misé sur un autre vainqueur que Contador à Paris auront gagné chez nos amis de PMU.fr [un des sponsors du Tour, NDLR].»

Ceux qui auraient parié sur une grosse cote française peuvent aussi se frotter les mains : les grimpeurs tricolores sont passés entre les gouttes en ce 14 juillet. Leurs trois représentants les plus sérieux pour le classement général ont même réussi un joli tir groupé au sommet de la Planche et ses six kilomètres d'ascension à 8,5% de moyenne : Thibaut Pinot (FDJ.fr) termine deuxième à 14 secondes de Nibali, vainqueur de l'étape. Jean-Christophe Péraud et Romain Bardet (AG2R La Mondiale) bouclent respectivement à 20 et 22 secondes.

Au général, les voilà bien installés dans le top 10. Bardet est quatrième (et maillot blanc de meilleur jeune en prime), Pinot sixième et Péraud huitième. Gallopin, l'ancien maillot jaune, est encore cinquième. Pareille présence était plutôt rare ces dernières années. Même Bernard Hinault, quintuple vainqueur du Tour et prompt à torpiller il y a quelques années des Bleus un peu trop «fainéants» à son goût, n'y trouve «rien à redire». «C'est bien», lâche-t-il quelques minutes après l'arrivée. Et le «Blaireau» de leur conseiller de «ne pas avoir peur» et d'aller «chercher les étapes».

«Ne pas s'emballer»

Marc Madiot, patron de la FDJ.fr, reste prudent. «La consigne pour Thibaut sera de suivre», explique-t-il. C'est vrai qu'au rythme où les favoris passent par la fenêtre (Froome et Contador sur abandon, Talansky lâché dès l'avant-dernier col), les tricolores pourraient vite se retrouver à la lutte pour une place sur le podium. A condition que «l'homme marteau» (l'expression est du volubile patron d'Omega-Pharma Quick-Step, Patrick Lefévère) continue à les épargner.

Thibaut Pinot embrasse lui aussi cette ligne conservatrice : «Mes ambitions restent les mêmes : intégrer le top 10 à Paris, explique-t-il. Je ne vais pas tout changer à cause de l'abandon de Contador. Surtout qu'on n'est qu'à mi-course, il ne faut pas s'emballer.» Les organismes sortent aussi passablement fatigués des dix premiers jours de course, disputés sous une météo capricieuse et marqués par moult coups de Trafalgar (chutes, pavés, coups de bordure).

«Tous les voyants au vert»

Même si le maillot jaune Nibali dispose d’un matelas confortable sur ses poursuivants, il va devoir assumer durant deux semaines le poids d’une course que plus personne ne maîtrise et satisfaire à toutes les obligations protocolaires qui vont avec la place de leader. A-t-il le coffre pour tenir ? Surtout, son équipe Astana, qui travaille déjà depuis une semaine, ne va-t-elle pas de s’épuiser ? Les risques sont partout : son lieutenant Michele Scarponi a failli passer par la fenêtre après un spectaculaire culbuto dans la descente du col des Chevrères.

Un collectif paraît en mesure d'ennuyer la formation kazakhe : AG2R La Mondiale. Avec deux hommes en embuscade au général, elle va pouvoir «peser sur la course», indique Christophe Riblon, un des baroudeurs de l'équipe. «On arrive à la journée de repos avec tous les voyants au vert, se félicite-t-il. On n'a pas subi de casse, on compte encore nos neuf coureurs et on en place deux dans dix premiers.» AG2R complète le tableau en dominant le classement par équipes.

Romain Bardet, quinzième l'an passé pour son premier Tour, compte bien profiter des cinq étapes de montagne restant à disputer : «J'ai été un peu timoré dans le dernier replat, je pense que j'avais les moyens d'accompagner Thibaut (Pinot), j'ai encore un peu de mal à prendre les bonnes décisions dans les derniers moments. Mais les jambes sont là. J'ai envie de passer à l'offensive dès que possible.»

Thibaut Pinot, lui, devra se débrouiller seul au sein de la FDJ.fr. Mais son frère et entraîneur, Julien, estime qu'il devrait trouver terrain davantage à sa convenance dans les Alpes et les Pyrénées: «Il n'est pas toujours très explosif. Les cols plus longs, avec des efforts de 30 à 40 minutes, lui vont mieux.» Même si d'autres adversaires, comme l'Australien Richie Porte (2e au général) et l'Espagnol Alejandro Valverde (3e) pourraient «monter en puissance».

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