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Comment devenir une étape mythique du Tour de France

La Grande Boucle arrive lundi en haut de la Planche-des-Belles-Filles, dans le massif des Vosges. Un coup de poker pour cette petite station, qui rêve de devenir un haut lieu du cyclisme de montagne.

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En 2012, Chris Froome remportait sa première victoire d'étape sur le Tour de France à la Planche-des-Belles-Filles et Bradley Wiggins endossait le maillot jaune

Par Nicolas Richaud

Publié le 14 juil. 2014 à 09:00

« La Planche-des-Belles-Filles, c’est un peu notre Alpe d’Huez à nous », lance Yves Krattinger, le président du Conseil général de la Haute-Saône. Ce lundi, le peloton arrive à la Planche des Belles-Filles. Située 30 kilomètres de Belfort, dans l’est de la France, l’étape offre un menu des plus copieux : pas moins de six ascensions précédant la montée de 5,9km à 8,5%, que les coureurs dégusteront en dessert.

Yves Krattinger, qui sera de l’étape, croisera les doigts pour qu’il y ait du spectacle, des renversements de situation et des écarts significatifs à l’arrivée. Car un scénario haletant pourrait faire entrer l’ascension de plain-pied dans le panthéon des ascensions mythiques du Tour de France aux côtés du Mont Ventoux, du Tourmalet ou encore de l’Alpe d’Huez.

Il y cinq ans seulement, peu de monde connaissait cette montée, hormis quelques cyclistes du dimanche et gens du coin qui y faisaient du ski l’hiver. Mais en 2010, Yves Krattinger rencontre Christian Prudhomme, le directeur du Tour de France. Ce dernier finit par le questionner sur la montée de la Planche-des-Belles-Filles qui fait figure à l’époque d’arrivée de la cyclosportive “Les Trois ballons”, depuis une quinzaine d’année.

« A la fin, il m’a dit que le Tour allait bientôt passer dans l’Est et qu’une arrivée aurait lieu à la Planche des Belles-Filles. Sur le coup, je n’y ai pas cru. » Mais Christian Prudhomme le rappellera quelques mois plus tard pour lui confirmer qu’une étape du Tour de France 2012 arrivera bien en haut de la station culminant à 1.148 mètres. Un évènement. Lors de ses 98 premières éditions, jamais le Tour de France n’a fait étape dans le département de la Haute-Saône.

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Travaux

La Grande Boucle est une énorme machine itinérante déplaçant quotidiennement 4.500 personnes, près de 200 véhicules, et regroupent plusieurs milliers de spectateurs au bord des routes. La Planche-des-Belles-Filles doit s’y préparer. Durant l’automne 2011, des travaux sont donc engagés dans la station de ski familiale comptant trois tire-fesses pour six pistes, et où se vendaient alors en hiver 200 forfaits par jour lors des bons week-ends.

Le coût de l’opération ? « Le ticket d’entrée reversé à ASO était à l’époque de 108.000 euros. Au total, cela nous est revenu à près de 600.000 euros, avec les travaux. Deux tiers de cette somme ont été pris en charge par le Conseil général et le reste l’a été par le Conseil régional de Franche-Comté », affirme Yves Krattinger.

Un montant bien supérieur selon Eva Pedrocchi, secrétaire régionale d’EELV dans le département voisin de Belfort qui s’est opposée à ces travaux il y a deux ans et demi. « Selon mes calculs, les coûts se sont montés à près d’un million d’euros si on comptabilise aussi le rond-point en bas de la station, ou encore la salle de presse pouvant accueillir plus de 400 personnes et dédiée spécialement au Tour de France. »

« Une invasion de cyclistes »

Ds l’annonce de la venue du Tour en 2012, la station de ski suscite de l’intérêt. « La semaine suivante, il y a eu une invasion de cyclistes, on était sorti de l’anonymat », se rappelle Michel Galmiche, maire de Plancher-Les-Mines, commune dominée par la Planche-des-Belles Filles. L’édile confie qu’au début, « il y a eu un certain scepticisme de la population locale. Les gens n’y croyaient pas, se disaient que ça n’allait pas marcher, qu’on serait incapable de gérer un tel évènement. »

Puis vient le jour J. « Toute la ville a participé à la décoration, il y a eu un vrai engouement. Le jour de l’étape, il y a eu un afflux incroyable de camping-car. On a recensé 50.000 personnes dans l’ascension et les 15 kilomètres de vallée précédant l’arrivée », raconte Michel Galmiche.

« Un frémissement »

Depuis ce premier galop d’essai, le département poursuit le développement de sa stratégie axée sur le cyclisme « à destination des cyclistes amateurs. La 21eme étant la Boucle des Belles-Filles », avance Yves Krattinger. Dans l’ombre du Tour de France, les coureuses et coureurs professionnels y ont aussi fait escale en 2012 lors du Tour de la région Franche-Comté, ou durant la Route de France féminine. Progressivement, la Planche-des-Belles-Filles devient un rendez-vous du vélo dans le circuit.

« Il est encore trop tôt pour affirmer que nous avons bénéficié de retombées économiques majeures, mais on sent un frémissement. Cela permet de préparer l’avenir, on se positionne sur le long terme », soutient Michel Galmiche qui ajoute qu’il faut maintenant « développer les centres d’accueils. Beaucoup de cyclistes et spectateurs viennent ici mais se logent dans d’autres départements car nous ne pouvons pas les accueillir. » Ce qui engendre des fuites de revenus conséquentes pour la station comme pour la commune.

Retombées économiques

Si aucune étude, en bonne et due forme, mesurant l’impact économique du passage du Tour en 2012 n’a été réalisée, les retombées seraient déjà concrètes, selon Yves Krattinger, « Avant, c’était un lieu intime, y compris en Franche-Comté. Aujourd’hui, 200 à 300 cyclistes escaladent les 6 kilomètres d’ascension tous les samedis à la belle saison. Parmi eux, on compte beaucoup de Belges, de Suisses et de Hollandais. »

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L’hiver, la fréquentation serait aussi sur une tendance haussière d’après le président du conseil général de Haute-Saône. « Je mets de côté celui de 2013 où il n’y a pas eu de neige, mais en 2012, le nombre de skieurs dans la station a triplé, on écoule désormais de 500 à 600 forfaits par jour le week-end. »

Des chiffres gonflés artificiellement selon Eva Pedrocchi. « La façon de calculer la fréquentation de la station l’hiver a été modifiée. Avant, on comptait le nombre de forfaits vendus, désormais, on mesure cela avec le nombre de fois où une remontée mécanique est utilisée. »

« ASO a été très emballée »

Cette guerre des chiffres n’a pas empêché la Grande Boucle d’inscrire de nouveau la Planche-des-Belles-Filles sur son parcours pour cette édition 2014, deux ans seulement après la première étape. « En 2010, Christian Prud’homme m’avait dit aussi que le Tour reviendrait à la Planche tous les 5-6 ans. Mais l’équipe d’ASO a été très emballée par le scénario de 2012 », répond Yves Krattinger. Et pour cause : l’arrivée au sommet du col vosgien en 2012 est plus spectaculaire et décisive que prévu : Bradley Wiggins s’empare du maillot jaune de leader qu’il conservera jusqu’aux Champs-Elysées, et l’étape est remportée par un certain Chris Froome – futur vainqueur de l’édition 2013 – qui décroche là son premier succès sur la Grande Boucle.

« Le soir même, on est allé faire un tour des lieux avec Christian Prudhomme et son équipe », se souvient Yves Krattinger. C’est là que le staff d’ASO découvre le col des Chevrères, un « raidard » terrible de 3,5 kilomètres à 9,5% que les coureurs empruntent ce lundi avant de redescendre vers Plancher-les Mines et d’arriver en haut de la Planche-des-Belles-Filles. « Six mois plus tard, ASO m’a annoncé que le Tour allait revenir en 2014. En empruntant cette fois le col des Chevrères pour durcir l’étape. Ils voulaient concocter un parcours où les Vosges pourraient être vraiment décisives pour le classement général », poursuit-il.

50.000 euros de travaux

Des travaux sont à nouveau engagés pour le Tour 2014, cette fois en vue d’élargir la chaussée du col des Chevrères trop étroite pour qu’elle soit empruntée en l’état par la caravane et les coureurs. 50.000 euros ont été nécessaires et, cette année, le ticket d’entrée d’ASO pour l’arrivée s’est monté à 120.000 euros. Pour Yves Krattinger, « Il faut voir tout cela comme un investissement, le Tour est un formidable produit d’appel permettant de vendre tout un pan de territoire ».

Un territoire qui a souffert de la désindustrialisation. « De nombreuses usines ont quitté le département dans les années 1970-1980 », énonce Michel Galmiche. La situation a continué de se dégrader ensuite. Ces 20 dernières années, la population de Plancher-les-Mines est passée de 2.500 à 1.100 habitants. Certains habitants du coin ont aussi craint que la station ne ferme ses portes.

Yves Krattinger rêve désormais que la Planche-des-Belles Filles devienne un haut lieu de la Grande Boucle. Et d’embrasser un destin semblable à celui de l’Alpe d’Huez. Une station dont la renommée est due en grande partie à la Grande Boucle qui, depuis 1952, a emprunté 29 fois (30 fois si on compte la double ascension en 2013) les 21 virages de la montée. La Planche-des-Belles-Filles ne demande pas mieux. Mais il va falloir être patient : la légende des cols de la Grande Boucle ne s’est pas faite en une fois.

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Nicolas Richaud

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