Berlin juge le déficit français incompatible avec le poste de commissaire à l’économie

Foto: Der Rat der Europäischen Union

Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a émis des doutes sur la capacité de la France à gérer le portefeuille des affaires économiques et monétaires, au regard de son déficit excessif.

Un commissaire français aux affaires économiques et monétaires ? Le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, n’y est pas favorable.

Lors d’une réunion organisée par le Centre de politique européenne (CEP) à Fribourg, Wolfgang Schäuble, a émis des réserves quant à la candidature française pour prendre les rênes de direction générale des affaires économiques et monétaires de la Commission.

Le ministre a notamment pointé du doigt les difficultés de Paris à ramener son déficit sous la barre des 3% du PIB, difficilement compatible, selon lui, avec un portefeuille économique au sein de la prochaine Commission européenne.

En France, l’ancien ministre français des Finances, Pierre Moscovici, est actuellement candidat à la succession d’Olli Rehn, le commissaire finlandais en charge de cet important portefeuille. De son côté, l’Élysée se refuse toujours à confirmer ou démentir le nom de Pierre Moscovici, mais milite activement pour que la France obtienne « un grand portefeuille économique au sein de la prochaine Commission ».

>> Lire aussi : Pierre Moscovici juge la « clusterisation » de la Commission indispensable

Dérapage budgétaire

La prise de position Wolfgang Schäuble n’est cependant pas surprenante, puisque le ministre est membre du parti politique d’Angela Merkel, l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU).

Au-delà de l’appartenance politique, c’est également la gestion économique du gouvernement français qui inquiète également outre-Rhin.

La France enregistre en effet depuis 2009 un déficit excessif que le gouvernement français peine à corriger dans le temps qui lui est imparti, soit d’ici 2015. En automne, la nouvelle Commission européenne devra examiner le plan budgétaire de la France. Si la Commission devait le rejeter, Paris s’exposerait alors à des sanctions.

>> Lire aussi : Bruxelles rend un verdict en demi-teinte sur le plan de réforme français

Or c’est au commissaire chargé des affaires monétaires de veiller au respect du pacte de stabilité. Dans un tel contexte, la question de la compétence de la France pour ce poste est posée, pour le ministre. « Des gens plus intelligents que moi devront trancher la question », a déclaré Wolfgang Schäuble.

En France, les eurodéputés de droite ont également brandi l’argument de la gestion économique de l’ancien ministre pour manifester leur opposition à sa candidature. « Quand il était ministre, Pierre Moscovici s’est constamment assis sur les recommandations de la Commission. Quelle légitimité aura-t-il pour imposer aux autres ce qu’il a refusé de s’imposer à lui-même ? » affirme Philippe Juvin, porte-parole des députés européens UMP-PPE.  

Le ministre allemand a toutefois précisé que, même si souvent il ne partageait pas l’avis de son homologue français, il avait une totale confiance en lui. D’autres éléments entrent en jeu sur la question de la distribution des postes aux commissaires.

Le pacte de stabilité remis en doute ?

Le parti libéral FDP a pour sa part fermement rejeté la candidature de Pierre Moscovici. Selon Alexander Graf Lambsdorff, président de la délégation du FDP au Parlement européen, l’ancien ministre français des Finances porte une part de responsabilité dans le déficit français. Par conséquent, les libéraux allemands ne voteront pas pour lui à la succession du Finlandais, Olli Rehn.

Lüder Gerken, économiste allemand, va encore plus loin. Il considère que la nomination de Pierre Moscovici pourrait « nuire considérablement » au pacte de stabilité et de croissance. L’économiste a également mis en exergue les responsabilités qui incombent aux commissaires. Il a précisé que le responsable des affaires économiques et monétaires est chargé d’imposer ou non des sanctions en cas de déficit excessif.

« Pierre Moscovici, en tant que ministre des Finances, a lui-même contribué à ce que la France ne respecte pas les délais en vue de résorber son déficit. Ceci montre clairement qu’il remet en question les principes du pacte. Cet état de fait laisse craindre qu’il n’impose pas la discipline budgétaire requise auprès des États membres s’il était amené à occuper ce poste.

>> Lire aussi : L’horizon s’éclaircit pour un assouplissement de la contrainte budgétaire 

Dans un entretien au Spiegel la semaine dernière, l’ancien ministre des Finances a défendu la politique qu’il avait menée : « Tout processus de réforme prend du temps », avait-il expliqué. « Au début de ce millénaire, l’Allemagne était considérée comme l’homme malade de l’Europe. L’économie a connu une embellie, seulement après des années de réformes strictes ».

Maintenant que le président de la Commission a été élu par le Parlement européen, il reste encore à trouver un accord avec les différents gouvernements des États membres pour distribuer les différents portefeuilles de l’exécutif européen. Chaque État membre doit présenter son candidat. Seul le Luxembourg n’aura pas à nommer quelqu’un, étant donné que le poste de candidat est déjà « occupé » par Jean-Claude Juncker. L’Allemagne a déjà proposé Günther Oettinger, l’actuel commissaire en charge de l’énergie.

Chaque candidat à un poste de commissaire devra se présenter devant les eurodéputés et passer une audition publique afin d’attester ses aptitudes et compétences pour le poste. Selon les prévisions, les auditions auront lieu au début d’octobre prochain. Le vote sur l’ensemble du collègue devrait se tenir lors de la session plénière du même mois. La nouvelle Commission pourrait se mettre au travail dès le 1er novembre 2014 dans les délais prévus.

Le Parlement élit à la majorité le président de la Commission sur la base d'une proposition du Conseil européen votée à la majorité qualifiée. Le choix du candidat à la présidence de la Commission devrait prendre en compte les résultats des élections du Parlement européen.

Ensemble avec le futur président de l'exécutif, le Conseil adopte ensuite la liste des autres membres du collège des commissaires. Ce sont les États membres qui proposent leur candidat commissaire. L’ensemble de la Commission est également soumis à l'approbation du Parlement européen. Le collège des commissaires est ensuite officiellement désigné par le Conseil européen à la majorité qualifiée.

 >> Lire notre LinksDossier hautes fonctions européennes : à qui le tour ? et notre page sur la nouvelle Commission

Inscrivez-vous à notre newsletter

S'inscrire