Réforme territoriale : en Alsace, la guerre est déclarée
Les socialistes alsaciens montent au front aux côtés des élus UMP pour refuser une grande région avec la Champagne-Ardenne.

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Député du Bas-Rhin, Philippe Bies ne décolère pas dans la salle des quatre colonnes de l'Assemblée nationale. "On ne peut pas réorganiser le territoire sur des coups politiques, nous ne sommes pas une variable d'ajustement", s'exclame le parlementaire strasbourgeois. Cet élu socialiste n'a pas du tout apprécié - c'est un euphémisme ! - que ses collègues proposent d'adjoindre la Champagne-Ardenne à l'entité Alsace-Lorraine que prévoyait la carte des régions dessinée par François Hollande. Et il n'est pas le seul. Autre député socialiste alsacien, Armand Jung est sur la même longueur d'onde. Tout comme le sénateur et maire de Strasbourg, Roland Ries, socialiste lui aussi, qui s'était battu, grâce à ses relais auprès de l'exécutif, pour que la Champagne-Ardenne ne soit pas associée au territoire. Il craignait alors que Strasbourg perde son statut de capitale régionale. Dans cette croisade, il avait trouvé un allié de circonstance - et de poids lui aussi -, Philippe Richert, le président de l'Alsace, le seul patron UMP d'un exécutif régional, initiateur malheureux d'un Conseil d'Alsace englobant la région et les deux départements. "Il ne faut pas faire des régions trop grandes, peu puissantes, trop diluées et sans efficacité", plaidait alors Philippe Richert, qui avait fait montre de bonne volonté, intensifiant les relations avec son homologue lorrain, le socialiste Jean-Pierre Masseret, dès le lancement de la réforme territoriale.
Double "effet domino"
Las, les députés socialistes ont "déménagé" la Champagne-Ardenne. Sur la carte élyséenne, elle avait fusionné avec la Picardie. Le rattachement de celle-ci au Nord-Pas-de-Calais arrime la Champagne-Ardenne à l'Alsace et à la Lorraine. C'est ce qu'on appelle un double "effet domino". Colère des grands pontes alsaciens ! Roland Ries a fait savoir tout de suite qu'il était "hostile" à une grande région qui englobe la Champagne-Ardenne - et risque de déplacer le centre de gravité territorial vers Nancy. De leur côté, autour de Philippe Richert, les élus de la droite alsacienne ont exprimé par communiqué leur opposition "ferme et unanime" à la carte proposée par le groupe PS de l'Assemblée nationale.
Cependant, les positionnements sont plus complexes qu'ils peuvent paraître à première vue. Car ressurgit le vieil antagonisme socioculturel entre les "deux" Alsace (si l'on peut dire), celle du Bas-Rhin autour de la métropole européenne de Strasbourg, et celle du Haut-Rhin autour de Colmar et Mulhouse, qui avait déjà fait capoter le projet du Conseil d'Alsace. Ainsi, un parlementaire comme Jean-Louis Christ, député UMP du Haut-Rhin, finit par se résoudre à accepter l'union avec la Champagne-Ardenne. "L'Alsace a une identité aussi forte que la Corse ou la Bretagne, et mérite donc, comme ces régions, de se suffire à elle-même, glisse-t-il, dans les jardins de l'Assemblée nationale. Mais, puisque fusion il y a, nous aurons davantage de marge de manoeuvre dans une super-région à trois. Par défaut, nous préférons le mariage à trois qu'à deux." À moins que... À moins que l'Alsace ne reprenne son autonomie, et voit dans ce "pataquès" territorial l'opportunité de ressusciter son Conseil d'Alsace avorté...