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Conservateurs de jeux vidéo au Japon
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Au Japon, avec les conservateurs de jeux vidéo

Par Nicolas Datiche
Publié le 17 juillet 2014 à 12h02, modifié le 17 juillet 2014 à 12h35

Temps de Lecture 2 min.

« Si on ne fait rien, tout est programmé pour que cela disparaisse. » Joseph Redon est exilé au Japon depuis déjà treize ans. Depuis son plus jeune âge, il s'est passionné pour les jeux vidéo japonais, les consoles (en particulier la PC Engine) mais aussi les jeux d'arcade (aussi bien les jeux que le matériel en lui-même). C'étaient déjà ses principales préoccupations dans sa région natale d'Evian, puis à Paris quand il y emménage à l'âge de 16 ans. Il est arrivé au Japon en 2000 pour accomplir son rêve d'enfance, mais également pour étudier l'histoire du jeu vidéo, et tout particulièrement les jeux qui n'ont jamais été plus loin que l'archipel - dont une grande part de jeux PC.

Rapidement, il a constaté qu'historiquement, le Japon ne faisait pas grand cas de la sauvegarde de sa culture populaire, et que le jeu vidéo ne faisait malheureusement pas exception. Manquant de place au sein de l'habitat traditionnel japonais, le jeu vidéo est surtout considéré comme un produit sans valeur, et il ne reste quasiment plus rien des premières machines datant des années 1970 et 1980. Les médias utilisés à l'époque (disquette, cassette), couplés aux conditions climatique de l'archipel (100 % d'humidité en été) ont considérablement réduit les chances de conservation. Aucune initiative, qu'elle soit publique ou privée, n'a été prise.

Pire, les collectionneurs sont culturellement anti-préservation, et ne veulent que trop rarement donner accès à leurs archives. Ils pensent souvent, également pour des raisons religieuses, que moins l'objet est partagé et connu et plus il a de la valeur pour son propriétaire. Joseph Redon va cependant rencontrer Fukuda, un Japonais qui partage la même vision que lui, et qui ressent aussi le besoin de préserver ce patrimoine culturel japonais. Ensemble, ils fondent en 2011 la « Game Preservation Society », une association à but non lucratif.

Dans la maison louée dans un quartier résidentiel de Tokyo, Joseph stocke précieusement les jeux vidéo.
Une partie du laboratoire de l'association.
La salle des archives commence à être trop petite dans la maison de l'association.
Des bacs de stockage.
Chaque pièce de la maison qui abrite la Game Preservation Society a son hydromètre accroché au mur.
Un collector Super Mario.

L'association compte maintenant 16 membres, et son objectif est de cataloguer de manière exhaustive la richesse de cette culture, puis de mettre la main sur de rares et authentiques reliques encore en état de fonctionnement. Le plus impressionnant, c'est qu'ils recherchent, dans leur laboratoire installé dans une maison d'un quartier résidentiel de Tokyo, toutes les techniques pour préserver et remasteriser ces vieux jeux qui sont en train de disparaître. Le défi est de taille, et les deux associés ont pour sacerdoce de n'utiliser que les originaux, au lieu d'une quelconque copie. Ils analysent, décodent, documentent des technologies déjà oubliées, restaurant également le matériel original tels des archéologues fouillant les vestiges de l'aube de notre civilisation numérique.

La Game Preservation Society travaille aussi sur la préservation des jaquettes et livrets des jeux vidéo.
Mastubara Keigo est membre de l'association, et collectionne tous les magazines et livres en lien avec les jeux vidéo japonais.
Une partie des livres et magazines de l'association.
A l'opposé des grandes salles de jeux vidéo, les salles de rétro-gaming attirent des Japonais plus âgés et nostalgiques.
Toujours à la recherche de perles rares, Joseph se rend dans différents magasins d’occasion pour fouiner.
Kobahyashi Masakuni, membre du bureau de l’association a crée une entreprise de revente d’occasion lui permettant de mettre la main sur des pièces manquantes.
L’atelier de la Game Preservation Society réunit des techniciens, mais aussi des passionnés qui sont prêts à apprendre.
Les entreprises n’étant plus là, tous les circuits imprimés et autres parties hardware des machines doivent être réalisés à la main.
Un bac de jeux sur cassettes.
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Leur grande fierté, c'est d'aller jouer dans la salle de rétro-gaming « Natsuge Museum » (Natsuge est un néologisme formé par un caractère évoquant un souvenir nostalgique et la première syllabe de jeux en japonais, qu'on peut donc traduire par « jeux évoquant la nostalgie ») d'Akihabara, où on peut s'asseoir à une borne du système « DECO » (développé par Data East en 1980), qu'ils ont réussi à restaurer.  « Restaurée avec amour, comme une Bugatti des années 1920 », précise Joseph. L'achat récent de jeux vidéo par le MOMA de New-York les conforte dans ce qu'ils considèrent comme le travail de toute une vie. Joseph prend souvent l'exemple des Ukiyo-e, ces « images du monde flottant » qui n'étaient d'aucune valeur pour les Japonais jusqu'au jour où les occidentaux commencèrent à les collectionner, en pensant à la valeur culturelle. Aujourd'hui, les Ukiyo-e sont considérées comme des trésors nationaux.

Joseph vient souvent jouer dans la salle Natsuge Museum, où la Game Preservation Society a restauré des bornes DECO.
Oubliés des jeunes générations, les vieux jeux vidéo, disponibles dans certaines salles d'Akibahara, attirent des Japonais nostalgiques.
Le Genesis bar, en banlieue de Nagoya, réunit des passionnés de vieux jeux vidéo.

Nicolas Datiche

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