Jean-Pierre Pernaut, Jean-Marc Morandini, Sophia Aram, Mouloud Achour, Laurence Ferrari, Nabilla, Laurent Delahousse et Daniela Lumbroso comptent parmi les principaux lauréats malgré eux des 8e Gérard de la Télévision, prix irrévérencieux qui distinguent le "pire de la télévision".

Nabilla, star des "Anges de la télé-réalité" et héroïne d'"Allo Nabilla", incarne pour beaucoup la "bimbo" un peu gourde.

afp.com/Miguel Medina

Quelle image de la femme la télévision véhicule-t-elle? Le CSA vient de publier une première étude sur les stéréotypes dans les séries de fiction, les émissions de divertissement et d'animation. Le résultat de cette analyse de plus de 70 programmes audiovisuels intervient juste après l'adoption par l'Assemblée nationale du projet de loi sur l'égalité réelle entre les hommes et les femmes, qui entrera en vigueur dès septembre. Interrogée par L'Express, Sylvie Pierre-Brossolette, la présidente du groupe "Droits des femmes" au CSA, estime que ce travail était nécessaire pour évaluer la situation afin de lutter contre une vision stéréotypée des rapports entre les genres.

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Quel est l'objectif de cette étude?

Le projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes prévoit que le CSA veille à la lutte contre les stéréotypes. Avant d'entamer le dialogue avec les chaînes, je voulais avoir un état des lieux le plus impartial possible. On a lancé cette étude avec des critères objectifs, des indicateurs que nous avons mis au point sur la base des travaux du Haut Conseil de l'Egalité. Le but était donc de faire une photographie de la situation dans les programmes les plus vus.

Avez-vous reçu des recommandations de la part du gouvernement?

Non. En revanche, cette loi nous rend plus légitime pour aller demander aux chaînes de faire des efforts. J'espère, et j'ai commencé à le faire, créé aussi des liens avec les réalisateurs, les producteurs, sur qui je n'ai aucun moyen de pression légal, pour leur faire prendre conscience de l'image des femmes qu'ils peuvent véhiculer. À partir du moment où on s'attaque à l'origine du problème, les chaînes auront moins de programmes stéréotypés à l'antenne.

Avez-vous été surprise par le résultat?

Malheureusement non. La télé-réalité est bien évidemment le genre le plus stéréotypé. Je ne sais pas si on pourra changer les choses, mais on peut au moins éviter les situations les plus dégradantes. Pour les films d'animation, j'ai été un peu étonnée car les rôles des parents sont équilibrés. Les petits garçons et les petites filles sont représentés de manière stéréotypée, mais il y a une certaine égalité chez les adultes. Je suis sûre que les chaînes sont ouvertes au dialogue sur ce point. D'ailleurs France Télévisions a signé un contrat avec les entreprises qui produisent des dessins animés en y mettant comme condition la lutte contre les stéréotypes.

Les nouvelles séries de fiction tiennent-elles compte des débats sur l'égalité entre les hommes et les femmes?

Dans les séries les plus modernes, les femmes qui travaillent (enfin) le payent par une vie déséquilibrée. On les voit souvent se débattre avec une vie personnelle compliquée. Il y a une image de la femme sacrificielle. Qui fait bien son boulot mais qui se heurte à des problèmes personnels insurmontables. A l'inverse, les hommes ont très rarement des problèmes ménagers qui envahissent leur vie professionnelle. C'est ça la différence.

Dans les émissions de télé-réalité, la majorité des personnages ont une personnalité négative. Qu'entendez-vous par là?

Négative c'est dominant, brutal. Les femmes ont beau être des "bimbos" et des séductrices, elles ont cette même énergie violente que les hommes. Ce n'est pas l'image de la femme douce, soumise et cantonnée à la maison que certaines fictions véhiculent. Le stéréotype est différent, mais il est tout aussi réducteur.

Comment expliquez-vous le succès de la télé-réalité à une époque où l'égalité progresse?

On ne pourra jamais empêcher les gens d'aimer les programmes caricaturaux: on voit le pire chez certaines personnes, on rigole, c'est humain! Simplement, ce qu'on peut essayer de faire, c'est des émissions qui attirent autant de monde, tout en étant un peu plus vertueuses. Prenons l'exemple de Borgen. C'est une série qui évite l'écueil du stéréotype. Personne ne pensait qu'elle marcherait en France. Arte et France 5 ont prouvé le contraire. Je ne vais pas jeter la pierre à mes contemporains qui sont amusés par le spectacle de la télé-réalité. Mais je remarque qu'ils sont tout aussi intéressés par des programmes dénués de stéréotypes. Alors autant mettre la pédale sur ceux-ci, plutôt que sur ceux qui en contiennent le maximum.

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