Barack Obama s'en prend à Moscou après le drame du vol MH17

par Anton Zverev HRABOVE (Reuters) - La Russie doit cesser de soutenir les séparatistes de l'est de l'Ukraine, a déclaré vendredi Barack Obama en brandissant la menace de nouvelles sanctions après la destruction du Boeing 777 de Malaysia Airlines, abattu selon lui par un missile sol-air tiré d'un secteur aux mains des rebelles. Parlant d'un "outrage aux proportions épouvantables", le président des Etats-Unis ne l'a toutefois pas imputé directement à Moscou et a réclamé l'ouverture rapide d'une enquête crédible. "Nous n'avons pas le temps de plaisanter", a-t-il insisté. La mort des 298 personnes de 11 nationalités différentes qui se trouvaient à bord doit selon lui "réveiller" la communauté internationale et l'amener à faire davantage pour mettre fin au conflit. "Cet événement scandaleux montre que le moment est venu de rétablir la paix et la sécurité en Ukraine", a martelé Barack Obama. Si une intervention armée est exclue, les sanctions infligées à la Russie, qui ne fait rien pour empêcher les séparatistes d'obtenir des armes, peuvent en revanche être encore alourdies, a-t-il averti. A Moscou, on s'indigne de ces mises en cause et on estime qu'il ne faut pas préjuger de l'issue de l'enquête, qui s'est déjà heurtée à des difficultés. Des hommes armés ont empêché vendredi une vingtaine d'observateurs de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) de travailler sur le site où s'est écrasé le Boeing. Quatre-vingts enfants figurent parmi les victimes, ont fait savoir les Nations Unies. Selon Malaysia Airlines, 189 Néerlandais se trouvaient à bord de l'appareil, ainsi que 29 Malaisiens, 27 Australiens, 12 Indonésiens, neuf Britanniques, quatre Allemands, quatre Belges, trois Philippins, un Canadien, un Néo-Zélandais et un Américain. Trois passagers n'ont pu être identifiés, mais il n'y a pas de Français parmi eux, a assuré Paris. 181 CORPS RETROUVÉS Mêlés aux débris de l'appareil, les corps sont éparpillés près de Hrabove, à une quarantaine de kilomètres de la frontière russe et dans un rayon de plusieurs kilomètres. Cent quatre-vingt-un avaient été retrouvés vendredi après-midi, selon les autorités ukrainiennes. Les emplacements ont été marqués à l'aide de fanions blancs de fortune et certains corps dévêtus par la violence des chocs, sont recouverts de bâches en plastique. Une retraitée de la région a raconté que celui d'une femme avait traversé le toit de sa maison pour s'écraser dans la cuisine. Tandis que des enquêteurs américains s'apprêtaient à partir pour l'Ukraine, les observateurs de l'OSCE dépêchés sur place n'ont pu accéder au site de la catastrophe. "Nous nous attendions à avoir un libre accès, c'est comme cela que nous travaillons", a déclaré Michael Bociurkiw, porte-parole de l'organisation, lors d'une conférence de presse à Donetsk. "Malheureusement, notre tâche a été rendue très difficile. Lorsque nous sommes arrivés, nous avons rencontré des hommes armés qui se sont conduits de façon très impolie et nullement professionnelle. Certains semblaient légèrement ivres." Le Conseil de sécurité des Nations unies s'est lui aussi prononcé pour une enquête internationale "exhaustive, minutieuse et indépendante" et a appelé à un cessez-le-feu dans la région. Lors du débat, Samantha Power, ambassadrice des Etats-Unis à l'Onu, n'a pas exclu que la Russie ait fourni une aide aux séparatistes pour tirer un missile sol-air SA-11 qui est probablement la cause de la destruction de l'appareil, selon Washington. "En raison de la complexité technique du SA-11, il est peu probable que les séparatistes puissent faire fonctionner efficacement ce système sans l'assistance d'un personnel possédant des connaissances approfondies. Nous ne pouvons donc exclure l'assistance technique de personnels russes", a-t-elle déclaré. A Londres, un porte-parole du Premier ministre David Cameron a lui aussi jugé "de plus en plus probable que le vol MH17 ait été abattu par un missile des séparatistes". L'ONU VEUT DES RÉPONSES Les représentants de la "République populaire" et autoproclamée de Donetsk nient toute implication et rejettent la faute sur l'armée de l'air ukrainienne. Moscou a également pointé du doigt l'armée de Kiev, expliquant avoir perçu une activité radar correspondant à un système de missile ukrainien au sud de Donetsk au moment où l'avion a été abattu, rapporte la presse russe. Vladimir Poutine, qui parle d'une "tragédie", ne s'est pas prononcé sur l'origine du tir, jugeant seulement que les autorités ukrainiennes étaient indirectement responsables de la catastrophe par leur décision de relancer une offensive contre les insurgés après la trêve observée il y a deux semaines. Le président russe a lancé vendredi un appel à un nouveau cessez-le-feu et à l'ouverture de négociations de paix entre les parties. Berlin a également appelé à une trêve afin d'assurer l'accès au site de la catastrophe à des experts. Angela Merkel toutefois souhaité attendre les conclusions de l'enquête pour envisager de nouvelles sanctions. Barack Obama s'est entretenu dans la soirée avec la chancelière et le Premier ministre britannique. Ils ont jugé "nécessaire de rester en contact étroit pour déterminer quelles initiatives supplémentaires peuvent être prises" et "ont souligné que la Russie avait clairement la responsabilité d'empêcher les séparatistes de l'est de l'Ukraine d'accéder à des armes lourdes et à d'autres contributions en provenance de son territoire", rapporte la Maison blanche, évoquant l'entretien avec la première. Le vice-président américain Joe Biden et le président ukrainien Petro Porochenko ont quant à eux estimé que Moscou devait appeler publiquement les séparatistes à déposer les armes et à garantir un accès immédiat aux enquêteurs internationaux et ukrainiens. (Jean-Philippe Lefief pour le service français)