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Crash du MH17 : le scénario qui accuse les séparatistes

Après le crash du vol MH17 de la Malaysia Airlines jeudi, l’enquête sur place se révèle des plus compliquées. Barack Obama met la pression sur Vladimir Poutine au risque d’accentuer la crise.

François Clemenceau (avec Emmanuel Grynszpan, à Donetsk) , Mis à jour le
À droite, des émissaires de l’OSCE chargés d’enquêter sur le site du crash de l’avion, à proximité de Chakhtarsk, vendredi. Une ville aux mains des rebelles prorusses
À droite, des émissaires de l’OSCE chargés d’enquêter sur le site du crash de l’avion, à proximité de Chakhtarsk, vendredi. Une ville aux mains des rebelles prorusses © DOMINIQUE FAGET/AFP PHOTO

 Comment croire une seconde que les plus hautes autorités des grands pays concernés par la crise ukrainienne n'en savent pas plus que ce que leurs représentants ont bien voulu dire depuis deux jours? "Obama et Poutine savent très bien à quoi s'en tenir", affirme au JDD le député européen Arnaud Danjean, grand spécialiste des questions de défense et ancien cadre de la DGSE. "Les Russes ont dû savoir dans l'heure ce qui s'est vraiment passé, nous sommes en 2014, tout est écouté jusqu'au moindre talkie-walkie, et le SBU, les services ukrainiens qui ont été formés par le KGB, sait s'y prendre en matière d'interception", poursuit l'élu, qui a l'expérience de la guerre des Balkans. Danjean fait allusion à ces fameuses transcriptions d'écoutes réalisées et rendues publiques par le SBU, selon lesquelles, le jour du crash du Boeing de la Malaysia Airlines, l'un des leaders des séparatistes, Igor Strelkov, avoue à son officier traitant des services de renseignement russes que ses hommes ont abattu un avion.

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Ce qui s'est passé le 26 juin

La base militaire 1-1402, située près de l'aéroport de Donetsk, a été capturée par les rebelles le 26 juin. Ils se sont immédiatement vantés d'avoir mis la main sur "au moins 20 batteries de missiles Buk et 9 radars mobiles Kupol" (faisant partie du système Buk). Alexeï Dmitrachovsky, porte-parole du ministère de l'Intérieur pour les opérations antiterroristes, affirmait alors dans la foulée qu'une seule batterie Buk était restée sur place, mais qu'elle n'était pas opérationnelle. "Je ne pense pas qu'ils [les séparatistes] en aient besoin."

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Est-il possible que la ­batterie puisse fonctionner sans son système de radar de guidage, ou qu'entre le 26 juin et le 17 juillet elle ait été rendue opérationnelle? Selon Douglas Barrie, spécialiste de défense aérienne à l'International Institute for Strategic Studies, "le lanceur peut être utilisé seul, indépendamment de son véhicule d'accompagnement, ce qui aura rendu difficile pour ceux qui ont procédé au tir la distinction entre un avion de ligne commercial et un appareil militaire". Dans les jours qui ont suivi le 26 juin, certains sites Internet séparatistes ont effacé les messages triomphants relatifs à la prise de guerre, certains accompagnés de photos de la batterie antiaérienne.

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La veille de la tragédie, ce n'est évidemment qu'une coïncidence, la société russe OAO Concern PVO Almaz-Antei, qui fabrique et commercialise les batteries antiaériennes Buk, a rejoint la longue liste des entreprises russes sanctionnées par le département du Trésor américain, au titre des sanctions infligées à Moscou tant que Vladimir Poutine ne se montrera pas plus influent pour faire baisser les tensions dans l'est de l'Ukraine.

Le trajet de la batterie Buk

Selon les services de sécurité ukrainiens et plusieurs témoignages recueillis par la presse ukrainienne et par le New York Times, une batterie Buk installée sur un engin de transport à roues a été aperçu jeudi matin, quelques heures avant le crash du Boeing 777, dans les rues de Snijne, qui se trouve à une vingtaine de kilomètres du site où les restes de l'appareil ont été retrouvés. Dans les conversations des rebelles interceptées par le SBU, l'un des séparatistes indique à son supérieur que "ce sont les gars de Chornukhine qui ont descendu l'avion". Allusion à une ville qui se trouve à l'intersection de deux routes nationales, à 40 km au nord du site du crash, et où les séparatistes disposent encore d'un check-point militaire.
Reste enfin cette vidéo d'une vingtaine de secondes postée sur le site personnel d'un conseiller du ministre de l'Intérieur ukrainien et dont les autorités affirment qu'elle a été tournée par un de leurs informateurs. À 4 h 50 le lendemain de la tragédie, une batterie Buk, toujours sur sa plate-forme de transport est filmée dans une rue de la ville de Krasnodon, à 5 km de la frontière russe. On voit clairement sur photo arrêtée qu'il manque deux missiles sur les quatre que comporte normalement ce genre de système d'armes.

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Qui est Igor Strelkov?

Celui que les autorités ukrainiennes dénoncent comme le responsable du tir du missile est âgé de 43 ans. Il est né en Crimée et a étudié en Russie avant d'intégrer l'armée russe et de revenir en Ukraine en 2003. Les yeux bleus, moustachu, autoproclamé ministre de la Défense des forces locales, c'est donc lui qui aurait posté jeudi en fin d'après-midi sur Internet un cri de victoire après avoir fait abattre par ses miliciens "un ­Antonov 26". Mais après avoir compris qu'un avion de ligne s'était écrasé, il a retiré sa revendication initiale, comprenant sans doute qu'elle allait le desservir.

L'enquête impossible

Cadavres calcinés, pièces de l'avion, boîtes noires : Kiev accuse les séparatistes d'avoir déjà fait disparaître ou transférer vers la ­Russie un certain nombre de preuves avant que les experts néerlandais, malaisiens et, surtout, ceux de l'Organisation de l'aviation civile internationale ne débarquent sur place. François Hollande et le président ukrainien, Petro Porochenko, n'accepteront "aucune entrave au travail des enquêteurs" et soulignent "l'importance cruciale" de "preuves indiscutables", indiquait samedi l'Élysée à l'issue d'un entretien entre les deux hommes. Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, a appelé de son côté Vladimir Poutine à "prendre ses responsabilités" pour faciliter l'accès au site de l'accident, après avoir eu une "conversation téléphonique très intense avec le président russe".
 

 

Source: JDD papier

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