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Le jour où… Beuve-Méry recruta ses premiers compagnons

A la fin de la guerre, rue des Italiens défilent dans le bureau du fondateur du « Monde » des résistants, des prisonniers de guerre, « des planqués ». Dans cette PME de bric et de broc, « Beuve » veut réconcilier la France.

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Publié le 22 juillet 2014 à 12h54, modifié le 03 mars 2021 à 17h53

Temps de Lecture 13 min.

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Ce matin d’octobre 1945, pour son premier jour de classe, « Théo » s’est assis devant le bureau qu’on lui a réservé, au deuxième étage d’un immeuble haussmannien. A côté de quelques autres bizuts, une dizaine de messieurs dignes, rosette rouge glissée à la boutonnière, souvenir de la IIIe République. De la fenêtre, le jeune homme aperçoit l’artère en coude qui donne déjà son surnom au « quotidien-de-la-rue-des-Italiens ». Il plonge sa plume Sergent-Major dans l’encrier qu’un garçon d’étage est venu remplir, et s’applique devant sa feuille de papier râpeux. La peau de sa main est douce et lisse, comme celle d’un garçon de 20 ans.

Il est arrivé en avance, patientant le ventre serré au coin des Grands Boulevards. Les cafés servaient leurs premiers « petits noirs », avec parfois un peu de gnôle au fond de la tasse. Quelques voitures à gazogène et autres tractions avant passaient le long du trottoir. Dans la nuit, une énorme horloge en faïence bleue et aux aiguilles dédorées lui a servi de pôle magnétique. Puis, sur une façade, deux mots en lettres gothiques : « Le Temps ». Le titre d’un quotidien installé là en 1911, qui a fini par se saborder à Lyon, en 1942. Ses murs et ses rotatives ont été réquisitionnés, car il s’est mal conduit pendant la guerre. Dans l’urgence de la reconstruction, on n’a pas encore eu le temps d’effacer son nom.
« Théo » trempe à nouveau maladroitement sa plume dans l’encre violette. Certains disent qu’il lui manquait « un bout d’index », d’autres « des ongles ». Les phalanges de ses doigts semblaient en tout cas « raccourcies ». Même parmi les plus jeunes ou les derniers arrivés, rares sont ceux qui se souviennent précisément des mains de Jean-Marc Théolleyre. « J’observais à la dérobée, fasciné, ces doigts raides comme des spatules qui écrasaient le Bic, raconte Pierre Georges, une des « plumes » du quotidien et son premier fan. Jamais pourtant je n’aurais osé l’interroger là-dessus. D’ailleurs, il n’aurait pas répondu. » Les mains de « Théo », un non-dit enfoui dans la mémoire du Monde ; le stigmate d’un journal qui a voulu, comme la France, tirer un trait sur cinq années de guerre.

« LE MONDE », EN TOUTE IMMODESTIE

A son retour de Buchenwald, quelques semaines plus tôt, le jeune garçon a eu vent de la création d’un quotidien tout neuf, né dans la foison des titres de la Libération, et baptisé Le Monde, en toute immodestie. Ce n’est pourtant qu’un quatre-pages austère, au format peu pratique et sans photos, imprimé à 147 000 exemplaires – le maximum autorisé par la loi. Chaque jour, à 13 h 10, les rotatives font vibrer les soutes de l’immeuble de la rue des Italiens comme les machines d’un cargo. Le Monde est un nouveau-né encore fripé né le 18, mais « daté 19 », décembre 1944, un drôle de tic de quotidien parisien du soir.

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