C’est par où la vraie Cinecittà ?

Cinécure, le blog d'Aurélien Ferenczi.

Par Aurélien Ferenczi

Publié le 22 juillet 2014 à 15h00

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 05h17

L'entrée du parc Cinecittà World reprend les décors du premier péplum de l'histoire du cinéma, Cabiria, de Giovanni Pastrone, tourné en 1914.

L'entrée du parc Cinecittà World reprend les décors du premier péplum de l'histoire du cinéma, Cabiria, de Giovanni Pastrone, tourné en 1914. Alessandro Serrano/AGF/SIPA

Cinecittà… Le nom fait rêver. Il évoque le célèbre plateau 5, celui où Federico Fellini inventait ses mondes fantasmagoriques, la ville imaginaire où, disait-il, il faisait meilleur vivre qu'à Rome ou Paris. Et aussi les tournages mythiques du « Hollywood sur Tibre » des années 60 quand les productions américaines venaient trouver en Europe de la main-d'œuvre moins chère et des artisan doués comme des artistes… La cité du cinéma du Sud de Rome, on l'avait visitée il y a une dizaine d'années et, franchement, elle faisait un peu pitié, les restes de la splendeur d'antan confinés dans un petit musée « sauvage » tenu par les gardiens du lieu.

Le décorateur Dante Ferretti est l'un des maîtres d'œuvre de Cinecittà World.

Le décorateur Dante Ferretti est l'un des maîtres d'œuvre de Cinecittà World. Domenico Stinellis/AP/SIPA

Y aura-t-il de sa magie perdue dans le Cinecittà World que des entrepreneurs italiens ouvrent ce mercredi ? Un parc d'attractions dédié au cinéma, dont l'un des maîtres d'œuvre s'appelle Dante Ferretti, décorateur génial de Pasolini, Fellini, aujourd'hui Scorsese, très fier de l'éléphant géant qu'il a imaginé en hommage à Cabiria, le premier péplum de l'histoire du cinéma. La presse italienne accompagne l'événement : dans La Repubblica, on loue les « dimensions pharaoniques [d'un projet] qui associe toboggans et montagnes russes à un concept intelligent et 100% italien », on salue les investissements, « associés » eux aussi, du PDG de Tod 's, de celui de la Banca Nazionale del lavoro, bref le courage d'un financement 100% privé – loin de notre dyonisienne Cité du cinéma…

Surprise : quand on se penche sur la question, Cinecittà World ne s'est pas bâti à Cinecittà même, mais trente kilomètres plus au sud, dans les studios concurrents, depuis longtemps abandonnés, que le producteur Dino de Laurentiis avait fait construire au temps de sa splendeur – on les avait baptisés Dinocittà… Sis sur le territoire de la commune de Castel Romano, au milieu d'une réserve naturelle – j'aimerais bien voir les permis de construire – le parc offrira diverses attractions, plus ou moins typiques : un saloon diffusera en permanence les musiques léoniennes d'Ennio Morricone, mais, plus loin, un vaisseau spatial et un sous-marin n'auront plus grand-chose à voir avec le cinéma local. Cité du cinéma mondial – ego hollywoodien – et non du cinéma italien ? Sauf présence encore passée sous silence d'une attraction néo-réaliste…

Ne brûlons pas ce que nous n'avons pas encore visité, et félicitons-nous plutôt que la vraie Cinecittà, celle qu'on atteint par la Metropolitana, le métro romain, entrée sur la Via Tuscolana, soit préservée et encore en service. On n'y tourne plus guère de films, c'est vrai – plutôt des séries et des pubs. Elle garde ses fans, comme Wes Anderson, qui y a tourné La Vie aquatique, ou, plus récemment, un délicieux court-métrage pour Prada, Castello Cavalcanti.

Il paraît que l'auteur de Grand Budapest Hotel traînait sur les lieux il y a quelques jours à peine.

DR

La vraie Cinecittà, on la retrouve dans une exposition à Gênes qu'on aimerait bien voir venir en France : La Nascita di Cinecittà raconte la construction ultra-rapide, à fins de propagande fasciste, de studios high-tech au sein desquels on tournait déjà en 1938, un an après leur ouverture, quarante-neuf films. Sur la photo ci-dessus, le type au menton volontaire à qui on montre le fonctionnement d'une caméra, ne me dites pas que vous ne l'avez pas reconnu, oui c'est le Duce en personne…

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