L’homme a un nom qui sonne bien. On serait presque tenté d’y changer un petit
quelque chose, une toute petite lettre et on se retrouverait avec Bardot. Après
tout, celle-ci demeure une sorte de symbole de la France, elle qui a jadis incarné la
modernité et exercé une influence considérable sur l’âme française. C’est ce
que fait aujourd’hui Romain Bardet à un autre niveau.

Bardet, un grand ? En tout
cas, il est désormais connu de tous les amateurs de sport français et même un
peu au-delà. A 23 ans, il fait partie d’une jeune garde de cyclistes
professionnels ambitieux grâce à qui le Tour de France redevient enfin le Tour
des Français. Après nombre d’épisodes douloureux, Bardet s’apprête à donner au
pays un nouveau visage dans le monde du cyclisme professionnel et la “grande nation” est ravie. Il se bat avec acharnement, pour le moment avec succès : il a
maîtrisé les cols des Alpes, farouchement défendu sa troisième place, derrière
Vincenzo Nibali et Alejandro Valverde, malgré une fatigue énorme due en partie à
la chaleur. “Je ne savais pas que le Tour passait dans le Sahara cette
année”, a-t-il déclaré après cette galère.Amour contrarié

La France et le vélo : c’est
une histoire d’amour particulière, un calvaire aussi, surtout le Tour. En 1998,
une équipe française (Festina) a valu au cyclisme le plus gros
scandale de dopage de son histoire. Et aucun Français n’a gagné le Tour depuis
1985, l’époque du Breton Bernard Hinault [quintuple vainqueur de la Grande Boucle]. Une longue période de vaches maigres,
qui durera probablement encore un peu – de toute façon le maillot jaune devrait
être hors de portée pour Bardet, qui a presque cinq minutes de retard sur
Nibali et devrait également être nettement plus faible que lui dans l’épreuve du
contre-la-montre. Le Français, qui est sous contrat avec l’équipe AG2R La
Mondiale, a déclaré récemment : “Je ne me suis jamais imaginé
battre Nibali.”

Hinault, le champion d’hier,
est très présent sur le Tour. Chaque jour, il joue les maîtres de
cérémonie sur le podium, récompense de bisous les belles filles qui posent avec les coureurs, le tout aux côtés des invités d’honneur qui tentent de
grappiller un peu de prestige. Hinault a souvent critiqué ses successeurs : il
leur reprochait de ne pas être assez durs, et même d’avoir une mentalité de
fonctionnaire. Monsieur* est entre-temps devenu plus clément et reconnaît les
performances de Bardet et autres, surtout les victoires d’étape de ses
compatriotes. “J’aime leur manière de s’imposer, a-t-il confié. Ça
montre qu’ils ont du caractère.” Le vieux maître y voit un bon signe pour
l’avenir.Fini la dépression

Le Tour compte quatre
Français parmi les dix premiers : Bardet, Thibaut Pinot, Jean-Christophe Péraud
et Pierre Rolland ont pu entrer dans ce cercle choisi, sans doute en partie
grâce à l’abandon du Britannique Chistopher Froome et de l’Espagnol Alberto Contador. Une forte phalange
française donc, qui ne donne pas vraiment dans la solidarité mais affiche une
rivalité ouverte, en partie sans doute parce que ses membres appartiennent à
des écuries différentes – seuls Bardet et Péraud (qui a 37 ans) sont
dans la même équipe, ce qui ne signifie pas obligatoirement qu’ils coopèrent.

Quoi qu’il en soit, la
fierté est revenue en France, la grande dépression du cyclisme semble terminée.
Vive la nouvelle génération !