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Portrait

Jean-Christophe Péraud, le «vieux» qui grimpe sans faire de bruit

Tour de France 2014dossier
A 37 ans, le grimpeur d'AG2R, ingénieur chez Areva et ancien vététiste, est le Français le mieux placé pour finir sur le podium du Tour de France.
par Sylvain Mouillard, Envoyé spécial à Saint-Lary
publié le 23 juillet 2014 à 19h26

Jean-Christophe Péraud est quelqu'un d'«étourdi», capable d'oublier ses «chaussures et son passeport» avant de partir disputer une course. L'anecdote est de Julien Jurdie, directeur sportif d'AG2R La Mondiale.

«Étourdi», Péraud l'est parfois une fois la ligne d'arrivée franchie. Ce mercredi, au sommet de Saint-Lary Plat d'Adet, le leader de la formation chambérienne a esquivé tous les journalistes qui l'attendaient pour recueillir ses impressions après une dernière montée idéale, qui l'a vu suivre le maillot jaune Vincenzo Nibali et distancer tous ses rivaux pour le podium du Tour (Valverde, Pinot, Van Garderen). Faisant fi des dizaines de personnes qui lui couraient après, il a dévalé la pente vers la vallée, sans un mot.

Le gaillard est parfois taciturne. Pas du genre à masquer sa mauvaise humeur, quand, épuisé au sommet d'un col, les questions – certes un peu bateau – ne le motivent pas. S'agace-t-il d'une trop grande place réservée à la nouvelle génération de grimpeurs français (Thibaut Pinot, Romain Bardet) qui crève l'écran sur ce Tour de France ? Car Péraud, 37 ans, est bel et bien le mieux placé, à quatre jours de l'arrivée sur les Champs-Elysées, pour devenir le premier tricolore à monter sur le podium final depuis Richard Virenque en 1997. Julien Jurdie le consacre même comme «le plus fort dans les cols» après Nibali. A Risoul déjà, il avait été le seul à suivre l'Italien. Un «acte de bravoure», selon lui.

Au classement général, Péraud pointe en quatrième position, à seulement 42 secondes d'Alejandro Valverde (2e) et huit secondes de Thibaut Pinot (3e). «Je suis très content de mon niveau», a-t-il déclaré, avant de se féliciter d'être parvenu à «accrocher Nibali en troisième semaine». L'objectif initial d'entrer dans le top 10, voire dans le top 5, a été nettement revu à la hausse chez AG2R. «On croit au podium depuis une semaine, signale Julien Jurdie. On serait déçus si on n'y parvenait pas.» Pour combler l'écart qui le sépare de ses concurrents, Péraud pourrait tout miser sur le contre-la-montre de samedi et se contenter de suivre lors de la dernière étape de montagne, jeudi, entre Pau et Hautacam. «L'idéal serait de rester à ces positions, appuie Jurdie. Car on sait que «Jicé» apprécie les chronos accidentés et très longs comme celui entre Bergerac et Périgueux. Il a battu Valverde dans cet exercice au Tour du Pays basque, il a un avantage psychologique sur ses adversaires.»

En argent aux Jeux de Pékin

Autre atout : sa «fraîcheur», selon son directeur sportif. Car malgré ses 37 ans, Péraud ne fréquente le cyclisme professionnel sur route que depuis 2010. «En fait, il a 30 ans dans les jambes, illustre Jurdie. Pendant longtemps, ses saisons ne comptaient qu'une cinquantaine de jours de course, et non 80 comme les coureurs du peloton.» Si Péraud n'a rejoint la route que sur le tard, c'est d'abord pour ses études. Diplômé de l'Insa de Lyon, il devient ingénieur chez Areva, et mène en parallèle une carrière de vététiste.

Avec succès, puisqu’il devient vice-champion olympique aux Jeux de Pékin en 2008, derrière son compatriote Julien Absalon. La route n’est alors qu’un «hobby», mais pris très au sérieux. En 2009, bien qu’amateur, il dame le pion aux pros et devient champion de France du contre-la-montre.

Un leader qui s'affirme

Son passage sur la route se fait par le biais de l’équipe belge Omega Pharma-Lotto. L’expérience n’est pas concluante : la cohabitation avec le leader Jürgen Van den Broeck s’avère difficile, et Péraud manque le Tour en raison d’une septicémie mal prise en charge. Le grimpeur rejoint AG2R l’année suivante. Toujours placé dans les courses d’élite du calendrier, il devient l’assurance tous risques pour son équipe, à la recherche des précieux points pour rester en première division. En 2011, il boucle son premier Tour de France en neuvième position. En 2013, il laisse une clavicule lors du contre-la-montre entre Embrun et Chorges et doit laisser sa place (honorifique) de premier Français à son coéquipier Romain Bardet.

Cette année, la hiérarchie entre les deux coureurs d'AG2R s'est dessinée «à la pédale». Désormais au pied du podium, Péraud est bel et bien le leader unique. Un rôle de coureur protégé qu'il semble désormais endosser sans rechigner, affirme son directeur sportif Julien Jurdie : «Il a pris conscience de l'importance d'une équipe, il se comporte comme un leader. Il fédère.» L'intéressé, lui, reste prudent : «On ne va pas faire de plans sur la comète, je peux avoir un retour de manivelles dès demain [jeudi]

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