Les miettes du pacte européen de croissance de Hollande

La France a lancé la première "obligation de projet" dans le domaine du numérique. Une initiative qui pourrait préfigurer un plan de relance européen.

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Arnaud Montebourg et Michel Sapin, à gauche, pour la signature de la première obligation de projet européenne dans le domaine du numérique. Au centre, la commissaire européenne Neelie Kroes, chargée du numérique. À droite, l'ancien secrétaire général de l'Élysée, Pierre-René Lemas, qui a pris la tête de la Caisse des dépôts et consignations.
Arnaud Montebourg et Michel Sapin, à gauche, pour la signature de la première obligation de projet européenne dans le domaine du numérique. Au centre, la commissaire européenne Neelie Kroes, chargée du numérique. À droite, l'ancien secrétaire général de l'Élysée, Pierre-René Lemas, qui a pris la tête de la Caisse des dépôts et consignations. © AFP

Temps de lecture : 6 min

C'est une des maigres traductions concrètes du pacte de croissance de François Hollande. Alors, autant en faire une bonne promotion ! Mercredi, pas moins de trois ministres étaient présents pour présenter le tout premier "project bond" français issu du "pacte pour la croissance et l'emploi" de François Hollande, plus de deux ans après son annonce censée justifier sa ratification du traité de stabilité budgétaire européen.

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Dans l'hôtel Pomereu de la Caisse des dépôts du 7e arrondissement de Paris, le ministre des Finances, Michel Sapin, son collègue de l'Économie, Arnaud Montebourg, et la secrétaire d'État chargée de l'Économie numérique, Axelle Lemaire, ont communiqué sur l'émission d'une obligation de 189 millions d'euros lancée par la société privée Axione Infrastructure* avec l'aide de la Banque européenne d'investissement (BEI). Détenue par Bouygues Énergie et services, les Caisses d'épargne, mais aussi la Caisse des dépôts, cette société participe au déploiement de l'accès à l'Internet haut débit dans les zones les plus isolées du territoire.

20 millions d'euros de garanties de la BEI

Si le symbole est là, la relance des investissements européens tant réclamée par la France n'est pas encore sur les rails. Loin de là. L'institution publique puise en fait dans une enveloppe minuscule de 230 millions d'euros du pacte de croissance de 2012, censée permettre d'expérimenter les "project bonds". Grâce à cet argent, la BEI apporte sa garantie à l'émission d'obligations privées afin d'améliorer leur notation et réduire le coût pour les émetteurs sans pour autant mettre à mal sa propre notation financière (AAA), attribuée par les agences de notation. Lancée par la Commission européenne - bien avant l'élection de François Hollande -, l'initiative était censée générer 4 milliards d'investissements privés sur un total de 120 milliards promis par le président français.

Le projet français va bénéficier de l'intégralité de l'enveloppe des "project bonds" destinée au financement du numérique : une garantie de 20 millions d'euros de la BEI. Soit un effet multiplicateur de 9 puisque cela devrait permettre à l'entreprise de lever 189 millions d'euros sur les marchés, se félicite l'institution européenne. Le reste de l'argent public européen mobilisé pour les "project bonds" doit être consacré aux infrastructures de transport transeuropéennes (200 millions d'euros) et d'énergie (10 millions d'euros). Deux autres projets européens en ont déjà profité : une autoroute en Belgique et la connexion d'un parc éolien marin au réseau électrique britannique (10 millions d'euros). Et l'autoroute Lyon Saint-Étienne pourrait bientôt devenir le quatrième projet à bénéficier de l'expérimentation des "project bonds", selon le vice-président de la BEI, Philippe de Fontaine Vive Curtaz.

Une relance de l'investissement à moindres frais ?

Pourquoi recourir à ce type de montage financier complexe pour financer des infrastructures ? Il s'agit de permettre "de réussir, avec un minimum de moyens budgétaires, à réunir un maximum de financements", a expliqué le français de la BEI, en assurant que l'institution était "prête à lancer un grand plan de développement des project bonds" en cette période de "disette budgétaire".

Arnaud Montebourg l'a pris au mot. "Nous allons revenir vous voir, parce que ce project bond est de 189 millions, mais nous avons des projets qui dépassent plusieurs milliards", lui a-t-il lancé. Avant de rêver : "Si nous décidons de donner de l'ampleur à cet exemple et de le multiplier comme des petits pains, cela permet d'imaginer une relance de l'investissement privé sous impulsion publique ou parapublique."

Un enthousiasme vite tempéré par Michel Sapin. Le ministre des Finances a rappelé que le projet avait mis plus de deux ans à se concrétiser, provoquant des "frustrations". Une façon pour lui de rappeler que ce genre d'initiatives, même décuplé, ne pourra pas être la solution miracle pour faire repartir la croissance en Europe. Car cela nécessite de trouver des projets porteurs de croissance durable et non de financer des dépenses courantes.

Et pour que le rêve d'Arnaud Montebourg devienne réalité, les dirigeants européens devront aussi y mettre les moyens. Le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, promet bien un second plan de relance européen de 300 milliards d'investissements publics et privés sur trois ans pour lutter contre le chômage. Un chiffre semble-t-il issu de discussions nourries avec la BEI, mais qui laisse encore sceptique le ministre de l'Économie française. "Ce matin le président de la République française a dit ces 300 milliards, il ne faudrait pas que cela soit de l'argent public recyclé de ce qui avait été déjà annoncé, mais pas dépensé. Je trouve que le président a raison d'être impertinent comme ça. Je me sens tout à fait dépassé dans l'exercice. Ce serait bien si en effet ces 300 milliards étaient injectés très vite dans nos économies. Envoyez le message au nouveau président de la Commission ", a ironisé Arnaud Montebourg dans son style inimitable. La représentante de la Commission européenne sortante, Neelie Kroes, venue promouvoir elle aussi le premier "project bond" européen dans le domaine du numérique, a dû apprécier ! Mais la pique pouvait aussi viser François Hollande, dont le premier pacte de croissance s'est perdu dans les sables de la rigueur européenne


Que sont devenus les 120 milliards d'euros du pacte de croissance de François Hollande ?

Outre les maigres financements de l'expérimentation des "project bonds", le pacte de croissance et pour l'emploi reposait surtout sur deux piliers. Le premier de 55 milliards d'euros, était en fait censé venir des "fonds structurels" européens du budget 2007-2013 non dépensés faute de cofinancement des États ou de projets crédibles.

Avant même l'annonce du pacte, 16 milliards avaient d'ailleurs commencé à être été réaffectés dans les huit pays les plus touchés par le chômage des jeunes. La France, qui ne fait pas partie de cette liste, peine toujours à utiliser ses "fonds structurels". "Par rapport à l'enveloppe disponible, par rapport à l'urgence de l'année dernière, nous n'avons pas constaté la mobilisation de la structure administrative à la hauteur de l'impulsion politique qui avait été donnée", expliquait fin juin 2013 une source européenne proche du dossier au Point.fr. François Hollande lui-même en a fait l'aveu depuis, lors d'une table ronde à Metz organisée en septembre dernier. "J'ai été très surpris de constater que la France ne consommait pas tous les fonds structurels européens et que le pacte de croissance que j'ai pu obtenir en juin 2012, et bien ce n'est pas en France qu'il est le plus utilisé, c'est en Allemagne", a reconnu le président avec une naïveté déconcertante.

Second pilier du pacte de croissance : l'augmentation du capital de la Banque européenne d'investissement pour 10 milliards d'euros (pour un total porté à 242 milliards), financé à crédit par les États membres (1,6 milliard environ pour la France), semble avoir été un peu plus efficace. Cette somme devait autoriser la BEI à prêter 60 milliards d'euros supplémentaires sur trois ans aux acteurs privés. Les fonds alloués à la France ont augmenté de 80 % l'année dernière, passant de 4,3 milliards d'euros à 7,8 milliards, selon le rapport annuel de l'institution.

Axione* a développé une plateforme industrielle de mutualisation des infrastructures numériques pour permettre aux opérateurs internet de délivrer leurs services aux entreprises et ménages même dans les zones les moins rentables.

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Commentaires (55)

  • jopic

    A part les menbres du parti socialiste, qui y croit ?

  • gust901

    Plus rien ne peut aller.

  • letarf

    Parce qu'ils savent qu'un bon buffet les attend !
    Que je suis médisante ! Période de crise, donc : chips, saucisson, gros rouge et quelques tomates cerises, le tout acheté dans la supérette du coin.