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Billet de blog 24 juillet 2014

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Bob Dylan, 1961-1971. La révolte sans la révolution (14)

En 1966, la guerre du Vietnam bat son plein. Dans les universités, les étudiants de gauche font grève sur grève et organisent des « teach-ins » (des forums, des débats sans ordre du jour). D’autres, plus radicaux, quittent les campus et constituent des communautés rurales et urbaines

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

En 1966, la guerre du Vietnam bat son plein. Dans les universités, les étudiants de gauche font grève sur grève et organisent des « teach-ins » (des forums, des débats sans ordre du jour). D’autres, plus radicaux, quittent les campus et constituent des communautés rurales et urbaines (un exemple ici). Haight Ashbury à San Francisco, l’East Village à New York deviennent des pôles d’attraction pour les hippies.

Face à ce phénomène de rejet radical, le pouvoir reste quelque temps perplexe. Puis il entrevoit une possibilité de récupération. Ces jeunes commettent en effet trois « maladresses ». Au lieu de porter la bonne parole dans tous les coins et recoins du pays, ils s’isolent du reste de la société. Face à la brutalité et l’ampleur de l’engagement militaire au Vietnam, ils restent passifs, préférant un message « d’amour et de paix » à l’action militante. Enfin, au lieu de démystifier le matérialisme et le puritanisme de leurs parents, ils se jettent dans les bras de Vichnou ou dans le giron d’autres croyances exotiques.

En bonne logique, les grands noms de la pop music du moment créent des œuvres exprimant une posture du retrait (“ She’s Leaving Home ” des Beatles), des sentiments pacifistes (“ San Francisco ” de Scott McKenzie, le goût pour les voyages hallucinogènes : “ Mr Tambourine Man ” de Dylan :

Take me for a trip upon your magic swirling ship

All my senses have been stripped

My hands can't feel to grip

My toes too numb to step

Wait only for my bootheels to be wandering

[…]

Then take me disappearin' through the smoke rings of my mind

Down the foggy ruins of time, far past the frozen leaves

The haunted, frightened trees, out to the windy beach

Far from the twisted reach of crazy sorrow

Emmène-moi dans un voyage  dans ton bateau magique tourbillonnant

Tous mes sens ont été dépouillés

Mes mains ne peuvent agripper

Mes orteils sont trop engourdis pour faire un pas

Ils attendent seulement que les talons de mes bottes vagabondent

[…]

Puis fais-moi disparaître dans les volutes de fumée de mon esprit

Dans les ruines brumeuses du temps, loin des feuillages gelés

Des arbres effrayés et hantés, vers la plage venteuse

Hors de l’atteinte tordue du chagrin fou

On pense aussi à la critique prêchi-prêcha du système : “ Subterrenean Homesick Blues ” de Dylan ou, caricature de toutes les chansons « engagées » de l’époque, “ The Eve of Destruction ” de Barry Mc Guire :

The eastern world, it is explodin'.


Violence flarin', bullets loadin'


You're old enough to kill, but not for votin'


You don't believe in war, but what's that gun you're totin'


And even the Jordan River has bodies floatin'


Le monde oriental, il est en train d'exploser

La violence s'embrase, les balles sont dans le chargeur

Tu es assez vieux pour tuer, mais pas pour voter

Tu ne crois pas en la guerre, mais c'est quoi ce flingue que tu trimballes ?

Et même sur le fleuve Jourdain flottent des cadavres

Par l’art, le champ des luttes fut intégré à la pop music. La musique devint un message en soi. Le talent, la poésie, le génie de vulgarisateur d’un créateur comme Dylan (“ Subterranean Homesick Blues ”puise dans les romans de Kerouac, dans la chanson “ Taking it Easy ” de Woodie Guthrie et dans “ Too Much Monkey Business ” de Chuck Berry), incitèrent les jeunes à penser la pop music en termes de culture autonome. Ce qui permit à la culture traditionnelle, vu le rapport des forces, de la digérer.

On peut alors peut-être avancer que, tant que les artistes énonceront le monde au lieu de l’annoncer, il feront beaucoup de bruit pour rien.

FIN

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