Pour la première fois, des “superbactéries” résistantes aux
antibiotiques ont été découvertes dans un fleuve britannique. La source ? Sans
doute une station d’épuration, indiquent les chercheurs. Ils ont trouvé ces
microbes résistants dans des sédiments, en aval de l’usine de traitement de River
Sowe, près de Coventry, signale The Independent. L’équipe, menée par
le professeur Elizabeth Wellington
, de l’université de Warwick, cherchait
justement des indices de la dissémination dans l’écosystème des antiobiotiques
et des bactéries qui leur résistent. Pour cette biologiste, le fait de trouver
des micro-organismes ayant intégré dans leur génome la résistance à la
céphalosporine et à l’imipénem, un antiobiotique de première ligne, “est
un coup de massue”. Cela démontre que “nous avons complètement
sous-estimé le rôle des usines de traitement des eaux usées dans l’acquisition
des résistances”, poursuit-elle dans une interview accordée au quotidien
britannique.

Bouillon de cultureEn effet, les tests démontrent que la concentration de micro-organismes
résistants est bien plus importante en aval de la station qu’en amont. La station
agit comme un véritable bouillon de culture, dans lequel les bactéries
apportées par différents effluents se mélangent et échangent leurs gènes. Le
problème, rappelle le professeur, c’est que les eaux fluviales sont utilisées
pour irriguer les cultures, que les gens se baignent dans le fleuve… Enfin
bref, que c’est un vecteur pour répandre ces bactéries. “Nous sommes au
seuil de l’apocalypse. Les antibiotiques pourraient tout simplement cesser
d’être efficaces”, avertit-elle.

Ce cri d’alarme n’est pas nouveau, mais il semble que la prise de conscience
du problème que pose la multirésistance de certaines bactéries progresse enfin.
Le 2 juillet, le Premier Ministre David Cameron a annoncé que le Royaume-Uni allait
mener le combat contre ces superbactéries, afin que le monde ne retourne pas
“aux temps obscurs de la médecine”, titrait The
Times
. Le Premier ministre britannique est le premier dirigeant mondial à
s’exprimer sur cette question, soulignait le quotidien britannique. Et il était très alarmiste : “Si nous n’agissons pas, nous nous
dirigerons vers un scénario impensable : celui dans lequel les antiobiotiques
seraient inefficaces, et où l’on reviendrait au Moyen-Age de la médecine, dans
lesquels les blessures et les infections qui sont aujourd’hui traitables
conduiraient à nouveau à la mort”.

Des traitements du cancer à l’obstétriqueLa résistance aux antibiotiques ne nuit pas seulement à notre capacité à
traiter les infections autrefois mortelles, mais menace presque tous les
aspects de la médecine moderne : des traitements du cancer à l’obstétrique,
rappelait à l’occasion Jeremy Farrar, directeur du Wellcome Trust, qui consacre 500 000 livres (630000
euros) à un programme de recherche contre les bactéries résistantes.

David Cameron, de son côté, a appelé à une action concertée,
internationale, dont le Royaume-Uni prendrait la tête, indiquait The Guardian.

Certes, mais c’est pourtant dans les pays en développement que la crise est
la plus aigüe, indique Nature. “Le monde est sur
le point d’entrer dans une ère post-antibiotiques”, répète l’OMS, qui a à nouveau sonné l’alarme le 30 avril dernier. “A certains endroits, cette ère est
déjà là”, renchérit la revue scientifique britannique. Ainsi, au Nigéria, des etudes
suggèrent que 88% des infections à staphylocoques dorés ne peuvent pas être
traitées par la méticilline. Mais ce sont les pays des BRICS qui seraient
le plus concernés, rappelle dans Nature Keith Klugman, un épidémiologiste de la
fondation Bill & Melinda Gates. De fait, 95 % des adultes en Inde et au
Pakistan abritent des bactéries résistantes aux médicaments de la classe des β-lactamines,
souvent utilisés en dernier recours. Par comparaison, seuls 10 % des adultes du
Queens et de New-York sont porteurs de tels micro-organismes. Par ailleurs, “on
manque de programmes de recherche sur de nouveaux antibiotiques”, alerte le
magazine scientifique.

Les pistes de recherchesPourtant, les laboratoires pharmaceutiques – en particulier les entreprises
de biotechnologies – ont entendu le message, et se remettent sur la piste de
nouveaux antibiotiques, comme
l’indique le Temps
. Plusieurs laboratoires helvète ont annoncé des
investissements dans ce domaine thérapeutique, indiquait le quotidien suisse le
30 juin dernier.

De fait, ce ne sont pas des antiobiotiques que viendront le salut, mais peut-être de
nouvelles méthodes de lutte contre les infections, détaille dans son numéro
d’août la revue américaine Popular Science : les nouvelles stratégies de lutte passent par des virus bactériophages, des peptides ciblés et des enzymes.

Bref, aucune piste n’est à négliger.