112
Malgré l'interdiction de la manifestation en soutien à la Palestine, entre 3 000 et 5 000 personnes se sont réunies place de la République à Paris dès 14 h 30. S'il était d'abord question de rejoindre la place de la Nation, les organisateurs se sont résolus à accepter l'idée d'un rassemblement statique.
Les mêmes slogans se répètent d'une manifestation à l'autre : « Nous sommes tous des Palestiniens » « Israël casse-toi, la Palestine n'est pas à toi » « Israël assassin », « de Paris à Gaza, résistance, résistance ! ». Les pancartes reprennent le même discours, ou presque. L'une d'elle affiche le hashtag #FreePalestine, vu sur les réseaux sociaux. Beaucoup portent des keffiehs, en vente sur la place, 5 ou 10 euros. Des jeunes filles se plaignent du coût trop élevé – 20 euros disent-elle - du parapluie Palestine, blanc et noir à losanges.
MANIFESTANTS DE TOUS ÂGES
Plusieurs manifestants, de tous âges, sont présents pour exprimer leur indignation ou leur impuissance. C'est ce qui a poussé Cheikha, 29 ans responsable des services généraux dans le BTP, à venir avec 25 masques peints aux couleurs palestiniennes. Vendus 5 euros pièce, elle espère pouvoir ainsi récolter des fonds pour les Gazaouis. « C'est frustrant de ne pas pouvoir les aider, j'ai peu de moyens alors je me suis dit que j'allais faire ça et voir si ça fonctionne. »
Deux fois, elle est interrompue dans son récit par des acheteurs. La jeune femme a aussi prévu du maquillage pour réaliser des peintures sur le visage de ceux qui le désirent moyennant un don libre, toujours pour des ONG palestiniennes dit-elle.
Vanessa, 38 ans, agent administrative, est elle venue avec sa fille de 9 mois, endormie dans sa poussette couverte d'un keffieh. « Ma fille est vivante et en sécurité alors que les enfants de Gaza sont morts. » Elle était présente à Barbès la semaine dernière, déjà avec son bébé. « Je ne suis pas là pour m'exposer » et elle jure qu'elle partira si des heurts devaient se produire. De toute façon elle ne compte pas s'attarder, elle souhaite aller soutenir les Chrétiens d'Irak dans un autre rassemblement. Convertie à l'islam, elle précise aussi que ce n'est pas sa religion qui conditionne son soutien aux Palestiniens.
« J'EMMERDE LE CRIF »
Beaucoup comme Mohcine, 36 ans, médiateur social, ont recours à des métaphores pour exprimer leur colère face à un « conflit déséquilibré ». Selon lui, les Palestiniens n'ont aucun moyen de se défendre contre les « éléphants armés », comme il les appelle. Une autre manifestante résume l'offensive israélienne ainsi : « je te frappe avec ma main, tu me frappes avec un rocher. »
Serge Grossvack, qui se présente comme juif, tient à se désolidariser de la politique d'Israël. Il a souhaité être présent pour exprimer son désaccord avec les institutions juives de France. Sur sa pancarte, on peut lire « J'emmerde le Crif ». Aux quelques curieux qui s'étonnent de sa présence et le remercie d'être là, il répond « je suis un pacifiste ».
Une cinquantaine de jeunes grimpent sur la statue centrale et brandissent des drapeaux. Ils lancent aussi des fumigènes aux couleurs de la Palestine, verts, blancs et rouges. La plupart ont le visage dissimulé par des keffieh, par peur dit l'un deux d'être reconnu par ses parents. Ils brûlent un drapeau israélien. Nancy, 33 ans fond en larmes : « Ils sont cons, tout le monde ne va retenir que ça ! ».
150 « JEUNES À RISQUE »
Durant plus de deux heures, le calme domine. Les organisateurs ont mis en place un service d'ordre, reconnaissable à leurs gilets jaunes. L'un d'entre eux appelle les manifestants à « ne pas céder aux provocations ». Un peu plus tard, des jeunes brûlent un drapeau israélien au pied de la statue de la Place de la République. Très vite, une dizaine de membres de ce service d'ordre accoure pour qu'ils cessent. L'un des organisateurs fulmine car, dit-il, deux des membres chargés d'apporter pancartes et sonos auraient été arrêtés par la police, privant ainsi les organisateurs de trois mégaphones indispensables pour apaiser les tensions.
Les organisateurs ont tablé sur une dispersion vers 17 h 30. Ce mot d'ordre a été est entendu par Nadia, 30 ans, assistante administrative venue avec deux amies. Précautionneuse, l'une d'entre elles a même apporté des lunettes de natation au cas où des gaz lacrymogènes seraient tirés. Les trois jeunes femmes veulent à tout prix éviter d'être prises dans les débordements et prisonnières du lieu.
De fait, la tension est montée d'un cran en fin d'après-midi. Alors que les CRS bloquaient toutes les avenues partant de la place de la République, des pétards et fumigènes ont été lancés dans leur direction. Ils ont répliqué avec des grenades lacrymogènes. Quelques personnes munis de poings américains ou en possession de produits stupéfiants ont été interpellés. Une source policière rapporte la présence de 150 « jeunes à risque ».
« QUELQUES EXCITÉS » MAIS UN « FORMIDABLE RASSEMBLEMENT »
Un Abribus a été a détruit, quelques poubelles renversées. Certains manifestants ont jeté sur les CRS des pierres, des bouteilles, des pétards, des morceaux de terre sèche récupérés au pied des arbres. Fait inédit, des morceaux de verre placés dans des sacs en plastique ont été aussi utilisés comme projectiles. A l'écart du tumulte un sittin pacifiste s'est organisé. Un jeune homme interpellait les manifestants les enjoignant à se tenir la main, à former une ronde et à s'asseoir pour la Palestine. Au fil du temps, la place s'est vidée.
Ne restaient plus que les irréductibles. Un manifestant a été blessé. A un moment, des jeunes se sont précipités dans la bouche de métro, au centre de la place. « On va rue des Rosiers pour casser du feuj », entend-on.
Du côté des organisateurs, on ne nie pas la présence de « quelques excités » mais on se félicite aussi de ce « formidable rassemblement ». « On ne pouvait pas ne pas être là », justifie le porte-parole du Collectif, Youssef Boussoumah.
L'interdiction du rassemblement a été motivée par le manque d'expérience et la faiblesse des organisateurs en matière de sécurité. M. Boussoumah rappelle que plus de 80 personnes ont été mobilisées pour contenir les heurts. A partir de 18 h 30, les CRS ont repris progressivement le contrôle de la place avec l'aide des organisateurs.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu