Ils ont en commun leur folie meurtrière... mais aussi un goût prononcé pour le 7e art. Cet été, M va au cinéma avec les tyrans du XXe siècle. Tous les soirs, le Führer regardait un ou plusieurs films. Il pouvait pleurer devant Greta Garbo, se prendre pour King Kong ou exulter devant des dessins animés.
Tous les soirs, avant d'aller se coucher, Adolf Hitler regardait un ou plusieurs films. Il les choisissait en personne, à partir d'une liste soumise durant le dîner par son ministre de la propagande, Joseph Goebbels, puis il se rendait dans sa salle de projection privée. Il y avait celle de la chancellerie du Reich, à Berlin. Et celle de sa résidence secondaire, située dans les Alpes bavaroises, près de Berchtesgaden.
Un petit groupe, presque toujours le même, l'accompagnait : « Sepp » Dietrich, le chef des gardes du corps ; Julius Schreck, le chauffeur préféré du Führer ; Brückner et Schaub, ses aides de camp ; Otto Dietrich, le chef du service de presse ; Jakob Werlin, un des directeurs de Daimler-Benz, qui fournissait les voitures. Une fois tout le monde assis, la projection pouvait commencer.
LUI, SI PROLIXE, DEVENAIT MUET
Il se produisait alors un phénomène des plus étranges. Hitler, toujours prolixe, devenait muet. Un peu plus tôt, à dîner, il avait amusé - ou ennuyé à mourir - ses convives avec de longs monologues dictés, quelques heures plus tôt, à l'une de ses secrétaires. Mais là, d'un coup de baguette magique, il perdait sa voix, figé jusqu'à une heure avancée de la nuit devant les images projetées.
Le dictateur vivait toute la journée dans l'attente de ce moment. « Quand travaillait-il vraiment ? » se demandait dans ses Mémoires l'architecte en chef du parti nazi, Albert Speer, frappé par un Führer fainéant, qui se levait en fin de matinée, expédiait un ou deux entretiens puis, à partir du déjeuner, gâchait plus ou moins son temps.
Les débuts de la seconde guerre mondiale en 1939, puis l'invasion de l'Union soviétique en 1941 rendirent la vie cinéphilique du Führer de plus en plus anecdotique. Mais avant 1940, la vie commençait pour Hitler sur le coup de 20 heures, dès que s'éteignaient les lumières de sa salle de projection.
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