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Rugby féminin : les Bleues partent à la conquête de leur Coupe du monde

Les joueuses du XV de France se lancent à l’assaut de la Coupe du monde en France, vendredi, face aux Galloises. Dans l’indifférence quasi générale.

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Publié le 23 juillet 2014 à 14h08, modifié le 19 août 2019 à 14h48

Temps de Lecture 5 min.

La capitaine française Gaëlle Mignot en pleine action contre les Anglaises, lors du tournoi des Six nations 2014.

« Cet été, dans l’une des résidences où je travaillais, des clients m’ont dit, sans connaître mon parcours chez les Bleues : “Les rugbymen sont surpayés, et même les joueuses de rugby, tiens !” Je lui ai répondu : “Ah bon ? C’est pour ça que je suis peintre en bâtiment alors”. » Comme les autres joueuses de l’équipe de France, Lise Arricastre ne vit pas du rugby. Un sport qu’elles pratiquent au plus haut niveau, mais dans l’amateurisme.

Les Françaises prendront donc sur leur temps personnel pour participer à la septième Coupe du monde féminine du vendredi 1er au 17 août, dans le décor confiné de Marcoussis (Essonne) d’abord, puis à Paris à partir des demi-finales le 13 août. Elles ouvriront leur compétition face aux Galloises, ce soir, à partir de 20 h 45.

Un premier sacre récompenserait bien des sacrifices, à entendre Lise Arricastre :

Quand elle n’est pas en sélection, la jeune femme de 23 ans s’entraîne deux ou trois fois par semaine avec le RC Lons, au poste de pilier. Le reste du temps, dans la banlieue de Pau, elle monte dans une nacelle pour repeindre des façades d’immeuble. « Je ne pensais pas me diriger vers une activité comme celle-ci, mais je l’ai choisie parce que je savais que mon employeur accepterait de me libérer à plusieurs reprises dans l’année pour jouer au rugby. »

870 EUROS PAR MOIS

Sa coéquipière Sandra Rabier a fait ses comptes : « Depuis le début de la saison, il y a eu déjà plus de quatre-vingt-dix jours alloués aux XV de France », récapitule la troisième ligne de 29 ans. Depuis cinq ans, cette joueuse de l’Ovalie caennaise se considère comme une privilégiée. « Moi, j’ai de la chance, je travaille dans l’administration pour la Marine nationale, qui m’a offert un contrat de sportive de haut niveau. »

Ses revenus « ne volent pas très haut » – avec 870 euros par mois, elle évolue à des années-lumière du Top 14, le championnat de France masculin, où le salaire moyen avoisine les 11 000 euros mensuels – mais elle bénéfice d’un agenda sur mesure. Son temps partiel au Centre d’information et de recrutement des forces armées (Cirfa), à Caen, ne comprend que vingt heures hebdomadaires. Et son employeur ne lui impose aucune perte de salaire lorsqu’elle doit rallier l’équipe de France.

Christelle Chobet, 28 ans, arrière du RC Lons et ambulancière de son état :

« J’ai aussi besoin d’autre chose que du rugby pour mon équilibre », confirme Coumba Diallo, pilier de l’AC Bobigny. La Francilienne de 23 ans est étudiante : sept des 26 internationales tricolores sont dans ce cas-là. L’an prochain, elle entrera en école d’ergothérapie. « Ensuite, quand elles sont en situation professionnelle, nous appelons leurs employeurs pour qu’ils les mettent à disposition plus facilement. Pour les grandes compétitions, on parvient toujours à être au complet », indique Christian Galonnier, coordinateur du secteur féminin à la Fédération française de rugby (FFR).

« LES FILLES VEULENT GARDER LES PIEDS SUR TERRE

Malgré la précarité de leur situation, « les filles ne revendiquent pas le statut de joueuse professionnelle, elles veulent garder les pieds sur terre », assure la sélectionneuse des Bleues, Nathalie Amiel. « De toute façon, les clubs n’ont pas les moyens de les financer », explique avec pragmatisme Nathalie Janvier. La chef de délégation des Bleues sait que le groupe part de loin. Superbement ignorées à leurs débuts, les féminines n’ont été reconnues par les instances fédérales qu’en 1989. Leur championnat de France, que Montpellier vient de remporter pour la deuxième année d’affilée, existe pourtant depuis quatre décennies.

Nathalie Amiel :

Pour l’heure, l’effectif français ne compte qu’une joueuse dans ce cas-là : Elodie Guiglion, maman d’une fille de deux ans et demi. A 24 ans, elle est aussi la seule à ne se consacrer qu’à son sport. « J’ai décidé de mettre ma vie professionnelle entre parenthèses depuis deux ans en vue de la Coupe du monde, explique la rugbywoman de l’Union sportive Arlequins Perpignan (USAP). Heureusement, mon mari est restaurateur et je bénéficie aussi des indemnités que me verse l’équipe de France. »

Soit 129 euros de défraiements journaliers durant une compétition. Et 77 euros lors des stages de préparation, comme celui qui vient de s’achever à Falgos (Pyrénées-Orientales), durant lesquels les beaux-parents d’Elodie Guiglion ont joué les nounous. Des sommes modestes, sans rapport avec l’investissement dont sont capables les Bleues.

 LOIN DU CADRE PRESTIGIEUX DU STADE DE FRANCE

« Les joueuses passent au-delà de leur fatigue physique et mentale, comme si l’équipe de France décuplait leur envie », confie Thomas Darracq, le préparateur physique de l’équipe.

Pour le début de la Coupe du monde, on sera bien loin du cadre prestigieux du Stade de France. C’est à Linas-Marcoussis, à 26 kilomètres de Paris et quasiment à l’abri des regards, hormis celui des caméras de France 4 et d’Eurosport, que les Tricolores entreront en scène. Le Centre national du rugby, où stationnent d’ordinaire les diverses équipes de France, ne permet que des affluences limitées. Il suffit de voir la tribune de son terrain d’honneur : à peine plus de 1 000 places. « Une Coupe du monde intégralement à Paris aurait été compliquée, là, au moins, à Marcoussis, les équipes seront logées dans le même complexe », botte en touche Nathalie Janvier.

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Ce n’est qu’à partir des demi-finales qu’il sera question de migrer vers le stade Jean-Bouin et ses 20 000 places, l’antre des joueurs du Stade français, dans le XVIarrondissement de la capitale. « Franchement, ça ne me dérange pas, ma famille a déjà pris tous ses billets pour me voir jouer [entre 5 et 7 euros pour Marcoussis, entre 5 et 25 euros pour Jean-Bouin] », affirme Lise Arricastre d’une délicate pirouette.

LE GRAND CHELEM LORS DU TOURNOI DES SIX NATIONS 2014

Opposées aux Galloises, aux Sud-Africaines et aux Australiennes en phase de poules, les Bleues redoutent déjà une possible confrontation face à la Nouvelle-Zélande. Aussi habiles que leurs homologues masculins, les représentantes des « All Blacks » ont remporté les quatre précédentes éditions de la Coupe du monde. La France, en revanche, n’a jamais fait mieux qu’une médaille de bronze (1991, 1994, 2002 et 2006).

Patrice Doctrinal, vice-président de la FFR, déclarait voilà quelques mois :

Ce qui reste à faire pour le XV de France féminin comme masculin. Mais à la différence des Bleus, quatrièmes du Tournoi des six nations 2014, les féminines ont obtenu des résultats plus prometteurs. Grâce à leur Grand Chelem – le quatrième depuis 1999 –, elles abordent le Mondial dans de très bonnes dispositions. Seule ombre au tableau, l’ancienne capitaine Marie-Alice Yahé a préféré mettre fin à sa carrière, en mai, à la suite d’une énième commotion cérébrale. 

Les 14 000 licenciées de la FFR – l’une des fédérations de l’Hexagone qui comptent le plus faible taux de femmes (moins de 5 %) – profiteront sans doute de la Coupe du monde pour se trouver une nouvelle « vedette ». Mais pas trop star quand même. « Jusqu’à présent, je travaille dans le bar de ma maman, témoigne Laetitia Grand (RC Lons), bientôt 24 ans, troisième ligne du XV de France. A la rentrée de septembre, comme j’ai déjà un BEP cuisine, j’essaierai de rentrer dans la cantine d’un collège, si c’est compatible avec le rugby. »

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