La saison des résultats trimestriels bat son plein pour les banques, et permettent de le constater : après l'affaire de la BNP, celles-ci ont mis de côté de lourdes provisions en vue d'éventuels litiges à venir.
Certaines en donnent le montant, comme la BNP Paribas, qui a affiché jeudi dans ses comptes une charge exceptionnelle de 5,95 milliards d'euros, liée au règlement du litige qui portait sur des transactions faites avec des pays sous embargo économique américain et libellées en dollars.
La Société générale, qui a publié vendredi ses résultats, a également décidé d'augmenter de 200 millions d'euros, « dans un souci de prudence », le montant de sa provision collective pour litiges afin de la porter à un total de 900 millions. Son président-directeur général, Frédéric Oudéa, s'est ainsi justifié :
« Il n'y a aucun développement spécifique sur les litiges (…). Nous avons augmenté notre provision dans un environnement où l'on assiste à un certain durcissement des sanctions. »
D'autre ne livrent qu'une fourchette, comme la Deutsche Bank, qui a relevé de 1,8 à 2,2 milliards d'euros ses provisions pour ce type de risques au cours du deuxième trimestre, tout en prévenant que « le coût des litiges juridiques pour l'ensemble de l'année 2014 est imprévisible ».
Inflation des procès, valse des milliards
Reste que des estimations circulent chez les analystes financiers sur les montants déjà engagés et les volumes qui devraient être provisionnés.
155 milliards d'euros
Selon une note diffusée par Morgan Stanley à ses clients au début du mois de juillet, c'est le montant que les grandes banques américaines et européennes ont mis de côté depuis 2009. Et elles devraient encore provisionner 55 milliards d'euros supplémentaires en prévision des litiges à venir d'ici à 2016, selon les calculs de la banque d'affaires américaine.
Dans l'infographie, BofA signifie Bank of America ; RBS, Royal Bank of Scotland ; UBS, Union de banques suisses.
Les contentieux et les menaces de pénalités financières liés aux risques opérationnels et aux enquêtes des régulateurs jouent désormais un rôle de premier plan dans les spéculations des investisseurs quant au capital des banques. Selon les analystes de Morgan Stanley, ces nouveaux postes de dépense aiguisent les inquiétudes concernant les ratios de liquidités que les banques sont censées détenir et la rentabilité du secteur.
60 milliards d'euros
C'est ce qui a été provisionné sur le Vieux Continent depuis 2009. Manipulations des marchés des changes, des matières premières, des taux interbancaires (Libor et Euribor), vente de crédit hypothécaires pourris… le secteur bancaire européen se trouve largement concerné désormais par la force répressive de l'arsenal juridique américain.
Les banques britanniques sont particulièrement touchées. Lloyds Banking Group (LBG) a ainsi dû afficher jeudi une baisse de plus de moitié de son bénéfice net au premier semestre, en raison de charges exceptionnelles de 1,1 milliard de livres sterling (1,3 milliard d'euros), soit près de deux fois plus que l'an passé. La banque, dont l'Etat britannique possède encore près d'un quart des parts, a vendu abusivement des assurances-crédits PPI à ses clients, une affaire dont le coût a désormais dépassé 10 milliards de livres (12,6 milliards d'euros).
35 milliards d'euros
C'est la somme qui devrait encore être mise de côté pour les litiges à venir dans les deux prochaines années en Europe, estime Morgan Stanley, qui pointe la probabilité, d'ici à la fin de 2014, de dénouements judiciaires concernant les affaires de manipulation des cours sur le marché des devises. Trois parmi les quatre plus gros acteurs sur ce marché — la Deutsche Bank, Citigroup, Barclays et l'Union de banques suisses (UBS), qui ont reconnu être impliqués — sont européens.
Barclays pourrait en outre, prévient Morgan Stanley, être un des premiers établissements européens à faire les frais de la nouvelle rigueur à l'égard des transactions à haute fréquence (ces échanges dégageant de petits bénéfices mais multipliés à l'infini grâce à des programmations informatiques) et des darks pools (plateformes électroniques alternatives de trading, critiquées pour leur opacité).
La banque britannique a été accusée par les autorités américaines d'avoir favorisé les transactions à haute fréquence sur sa place de marché interne aux dépens de ses autres clients. Elle a dit mercredi qu'il lui était impossible pour l'instant d'estimer l'impact financier éventuel de cette affaire.
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