Reportage

Quand l’extrême-droite française prête main forte aux Hongrois contre les réfugiés

Des envoyés spéciaux de L'important : Tiphaine Gosse et Jerôme Fourcade

Cet après-midi, une grande partie du village s’est rassemblée sur la place principale d'Asotthalom pour y célébrer la Saint Etienne. En ce jour de fête nationale, la ville arbore fièrement des dizaines de drapeaux hongrois. De la musique retentit dans les haut parleurs. Sur scène, des enfants dansent. A peine à quelques encablures de la fête, quatre jeunes syriens se font arrêter par des policiers. Quelques minutes plus tard, un bus déjà bondé les récupère dans une ruelle isolée. Tous seront conduits dans la ville de Szeged avant d’être répartis dans les différents camps du pays.

 

Un Français détonne dans l’assistance. Le président de l’association Nationalité, Citoyenneté, Identité (NCI), Philippe Gibelin est venu de Nîmes à Asotthalom soutenir le maire. Attentifs les villageois écoutent le discours du Français : «Les peuples d'Europe peuvent et doivent être solidaires, face à une invasion qui menace nos fondements même. C'est pour cela que nous avons réagi dans l'urgence. Avec de la solidarité et du courage, il est possible de faire face à cette invasion qui nous menace tous.»

 

Un 4x4 flambant neuf, enrubanné aux couleurs hongroises, trône en bas de la scène. Ce véhicule tout terrain est le fruit d’une collecte en ligne de l’association NCI. «C’est ce premier témoignage de notre solidarité, que nous avons voulu vous offrir afin de vous aider à sécuriser votre village et votre territoire» conclut Philippe Gibelin avant de laisser place à un concert de musique hongroise traditionnelle. Un peu plus tard, il nous confie : «Notre association a pour but de défendre nos racines et notre histoire. Les Hongrois ont raison d'agir. Nous espérons que nos partis politiques français auront honte de leur inaction dans cette situation. Les occidentaux jouent avec le feu en voulant appliquer des points de vues culturels à des gens qui ne le sont pas.»

 

 

Le véhicule acheté grâce à «des centaines de personnes à travers la France» sera bientôt conduit par les gardes champêtres de la ville, arme et paire de menottes accrochée à leur ceinture.

En 2014, ils ont été recrutés par la mairie. Depuis, ils parcourent à longueur de journée les forêts et les champs environnant la commune à la recherche de réfugiés. Ils ont pour mission d'avertir la police. Leurs armes, expliquent-ils, sont autant là pour «nous protéger en cas de danger que pour dissuader les réfugiés de s'enfuir

 

Au milieu du public, le maire distribue les poignées de mains. László Toroczkai dirige avec le soutien du Jobbik (parti d'extrême-droite) ce village agricole de 4 000 habitants. Il fut le premier à avoir suggéré la construction d'un mur à la frontière serbo-hongroise lors d'une précédente vague de réfugiés kosovars qui eût lieu fin 2014. 

En juin 2015, le gouvernement hongrois entamait les travaux d'une immense clôture de barbelés accompagnée d'une campagne d'affichage anti-immigration. Des inscriptions telles que : «Si vous voulez un travail, allez à Londres» ou encore «Si vous venez en Hongrie, vous ne pouvez pas prendre le travail des Hongrois» recouvrent désormais les murs du pays.

 

Le maire revient vers nous et reprend son discours xénophobe. «Plusieurs milliers de réfugiés foulent notre terre inlassablement depuis septembre 2014, c'est un gros problème. Ils laissent des déchets partout et détériorent certaines fermes de notre village. Bien que pour l'instant il n'y ait jamais eu d'agressions envers des citoyens hongrois, nous ne savons pas qui sont ces gens car ils détruisent leurs papiers d'identité afin que la police ne puisse pas les enregistrer. C'est dangereux, car certains terroristes peuvent se cacher parmi les réfugiés.»

 

A quelques mètres du mur de barbelés, un petit groupe de jeunes Afghans se réchauffe près d'un feu de fortune sur le bord de la route menant à Asotthalom. Tous viennent de se faire arrêter quelques minutes seulement après avoir franchi la frontière hongroise. Deux policiers les surveillent en attendant l'arrivée du bus devant les mener dans la ville de Szeged.

 

Du haut de ses 18 ans, Lina est la plus âgée du groupe. «Je suis très triste car nous allons être conduits dans un camp. Nous ne voulons pas y aller, nous ne voulons même pas rester en Hongrie. Pourquoi ne nous laissent-ils pas poursuivre notre route ? Pourquoi nous obliger à rester ici ?» soupire t-elle en s'asseyant près des flammes. «La vie est tellement dure chez nous, nous n'avons plus rien là-bas. Nous sommes venus ici pour y chercher un peu d'espoir.» conclut-elle avant de cacher sa tête entre ses bras.

 

A Asotthalom, la fête se poursuit jusque tard dans la nuit. Dans les bois environnants, ils sont des dizaines de réfugiés tapis dans l'obscurité. Tous savent qu'à Asotthalom, ils ne sont pas les bienvenus.

 
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