La Droite de Gouvernement et la Gauche de Gouvernement éliminées, la présence du Front National au second tour et l'émergence en un an d'une candidature "hors partis" doivent nous interpeller. Plus encore, la quadri-polarisation de la vie politique française, son extrême fragmentation ainsi que la relative radicalisation d'au moins trois des candidatures principales interrogent.
Notre République est malade. Malade depuis plusieurs décennies en réalité, sans que personne ne fasse rien pour la soigner, se contentant de la réanimer par à-coups, lorsque le cas devient trop critique. Ainsi, dans 15 jours, va-t-on de nouveau, comme en 2002, nous demander de nous mobiliser pour la sauver face au FN. Ce n'est pas moi, qui connais le FN de l'intérieur, qui ai pu constater tout le mensonge que représente la dédiabolisation annoncée et qui perçoit la place que prennent dans l'entourage de la candidate les éléments identitaires, racialistes, xénophobes et antisémites, qui nierais aujourd'hui ce besoin de faire barrage à Marine Le Pen. Entre celui dont le programme n'est pas le mien et celle dont l'élection conduirait à une crise de nos institutions et à une remise en cause de l'unité nationale, le doute n'est pas permis.
Pour autant, nous le sentons bien, ce sauvetage se fait dans une autre ambiance qu'en 2002. La mobilisation est moindre – on s'y est habitué ; le doute des électeurs quant au bien fondé de ce «Front républicain» est fort. Il ne fait qu'écho aux doutes de certains de nos dirigeants politiques; en dehors du camp des deux qualifiés (soit moins d'un électeur sur deux) le scepticisme et la résignation semblent l'emporter.
Face à cela, Emmanuel Macron a une responsabilité historique. Il ne peut pas, il ne doit pas, refaire les erreurs qui ont été faites en 2002. En 2002, tout s'est déroulé comme si, l'alerte passée, rien n'avait existé et l'Elysée remporté chacun est retourné à ses occupations..., le jeu des partis et le Gouvernement de quelques uns a repris ses droits. Si Emmanuel Macron gagne dans 15 jours, ce qu'il faut souhaiter pour la France et pour la République, il ne devra pas être l'homme d'un unique camp. Sa victoire ne pourra être celle de son parti seul, il devra s'adapter à cette élection si particulière, à cette défiance si grande, à ce qu'elle dit de notre société française fracturée. Si l'on veut soigner la France et non, seulement, la réanimer pour qu'elle poursuive son agonie, il conviendra de rassembler les talents et les valeurs, au delà des appareils politiques, de s'attaquer aux grandes réformes si longtemps repoussées par sectarisme idéologique ou frilosité électorale. Enfin, et peut être surtout, il faudra prendre en compte les raisons du vote FN et y répondre, sans condescendance ni tabou. Battre Marine Le Pen ne peut plus être synonyme de nier l'exaspération légitime des électeurs du Front National. S'il veut être efficace, juste, légitime et pérenne, notre système doit être au service de tous et ne plus laisser les préoccupations de millions de Français en périphérie des grandes politiques publiques. Ces exigences sont lourdes mais elles sont nécessaires. Les alertes sont de plus en plus sérieuses, les appels au "Front Républicain" de moins en moins efficaces. La colère, qui s'est exprimée par le vote Marine Le Pen autant que par le vote Mélenchon (et quelques autres), est de plus en plus forte.
Emmanuel Macron annonce vouloir gouverner autrement. Il ne tient désormais qu'à lui que sa victoire, dans 15 jours, soit le début d'autre chose. Mais plus que la volonté personnelle, dont il est toujours possible de douter et qui s'émousse parfois face aux temps et aux difficultés, c'est dans nos institutions qu'il faut trouver la garantie de cette évolution.
Face à un Président de la République qui représentera un français sur cinq, mais en même temps un mouvement de défense de la République qui le dépasse, l'Assemblée Nationale aura un rôle essentiel.
Même s'il sera sans doute dur de faire émerger un unique groupe majoritaire, et peut être même, parce qu'il sera difficile de faire émerger un groupe majoritaire, nous avons là l'opportunité historique d'en finir avec le jeu stérile des alternances binaires. Cette opportunité, il faut la saisir, afin qu'émerge au lendemain des élections législatives une majorité non tant de cohabitation, mais plutôt "d'union nationale". C'est ce que nous devons espérer et appeler de nos vœux: voir, à côté de l'élection d'Emmanuel Macron –car l'élection de Marine Le Pen paralyserait les institutions et priverait le Parlement de tout rôle–, l'élection d'une Assemblée Nationale portant haut les valeurs de la Droite de Gouvernement et plus haut encore la volonté de travailler ensemble au service du pays.
Pour cela, il faut sonner la mobilisation générale afin que la Droite s'organise et se rassemble au-delà des esprits partisans.
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