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La grande souffrance du jeune médecin

Une enquête inédite montre que 28 % des étudiants en médecine en milieu hospitalier seraient dépressifs.

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Par Solveig Godeluck

Publié le 13 juin 2017 à 01:01

Epuisés, désespérés. La première grande enquête sur la santé mentale des jeunes blouses blanches en milieu hospitalier, à laquelle « Les Echos » ont eu accès, fait froid dans le dos. Publiée ce mardi par quatre syndicats d'étudiants en médecine et de jeunes médecins, qui doivent être reçus au ministère de la Santé dans la journée, elle se fonde sur 21.800 questionnaires recueillis depuis le début de l'année et sur une méthode éprouvée, l'échelle de Snaith et Zigmond, pour identifier les maux des répondants. Résultat : les deux tiers d'entre eux souffrent d'anxiété (66,2 %) et 27,7 % seraient en dépression. Par ailleurs, d'après les déclarations, 23,7 % auraient des idées suicidaires, dont près de 6 % dans le mois précédant l'enquête.

On comprend mieux pourquoi cinq internes se sont donné la mort depuis novembre, et le retentissement médiatique du livre « Omerta à l'hôpital. Le livre noir des maltraitances faites aux étudiants en santé » (Michalon, 2017). « On ne s'attendait pas à des chiffres aussi alarmants, commente Leslie Grichy, vice-présidente de l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) et future psychiatre. Nous sommes une population à risques, car les conditions de travail sont difficiles. Mais la situation s'est détériorée pour des raisons financières : dans le service de psychiatrie où je travaille, il n'y a qu'une infirmière pour 27 patients, contre deux ou trois il y a dix ans. »

Du coup, 74 % des externes, internes, chefs de clinique assistants et apparentés disent être fatigués « souvent », voire « très souvent ». En resserrant le panel sur les 8.800 internes et apparentés assistants chefs de clinique, qui sont à plein temps à l'hôpital, on peut constater que l'immense majorité travaille trop et ne se repose pas assez. Un quart seulement (26 %) disent ne pas dépasser le plafond légal de 48 heures hebdomadaires. Et un tiers effectue plus de 60 heures !

Pis, le repos de sécurité, créé en 2002 et qui oblige à s'arrêter 11 heures suite à 24 heures consécutives en poste, n'est respecté qu'une fois sur deux. Si l'on extrait de l'échantillon les 20 % d'internes en santé publique qui ne sont pas astreints à des gardes de nuit, car ils ne travaillent pas à l'hôpital, 45 % des sondés ne prennent pas leur repos de sécurité. « C'est une histoire de mentalités plus que d'effectifs, souligne Leslie Grichy. Pour certains chefs de service âgés, il est normal que nous en bavions autant qu'eux à l'époque. »

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Risques d'erreurs

Alors qu'ils tombent de fatigue, ces jeunes médecins risquent de faire des erreurs. Ils craquent d'autant plus facilement qu'ils sont confrontés tous les jours à la souffrance et à la mort. De plus, dans ce huis clos très hiérarchisé qu'est l'hôpital, nombre d'entre eux subissent des violences psychologiques : seuls 42,3 % disent y avoir échappé, et 10,8 % en vivent « souvent » ou « très souvent ». Mais la plupart n'osent pas en parler, regrette Leslie Grichy, qui connaît bien la question, puisqu'elle a participé à la création de la cellule d'écoute des internes des hôpitaux de Paris, en février 2015. « C'est tabou. Les internes qui m'appelaient étaient convaincus d'être les seuls à ne pas aller bien et donc d'être de mauvais médecins », ajoute-t-elle.

Face à ces agressions, 24,6 % de l'ensemble des sondés disent être « rarement », voire « pas du tout » soutenus par leurs supérieurs hiérarchiques. L'encadrement est parfois inexistant. De plus, les praticiens installés ne prennent en considération leurs jeunes collègues que vers la fin de leurs études, lorsqu'ils sont là en permanence.

Solveig Godeluck

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