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TribuneGrands projets inutiles

Le gaspillage et les intérêts privés remportent les Jeux olympiques de Paris 2024

Ce mercredi, à Lima (Pérou), le Comité international olympique entérinera, faute de concurrent, la désignation de Paris pour l’organisation des Jeux en 2024. L’auteur de cette tribune s’indigne d’une candidature motivée par les seuls intérêts privés, au détriment de la population.

Jacques Boutault est maire (EELV) du 2e arrondissement de Paris.

Jacques Boutault.

La candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024 a été l’occasion d’une intense et coûteuse campagne de matraquage médiatique, sans faire l’objet d’aucune consultation.

Refusé sans débat, le référendum auprès des Parisiennes et Parisiens, demandé par les écologistes, était légitime. Durant la campagne municipale de 2008, Anne Hidalgo s’était d’ailleurs prononcée contre l’organisation des Jeux olympiques (JO) à Paris.

Aujourd’hui soutenu par un front politique allant de la maire de Paris à Valérie Pécresse [présidente Les Républicains de la région Île-de-France], et du Parti communiste à En marche, ce choix « fait un peu plus penser à l’URSS qu’à un pays à forte tradition démocratique », selon l’expression de l’économiste du sport Jean-Pierre Gayant, très critique aussi de la présentation budgétaire faussement avantageuse des jeux parisiens.

Le simple « dossier » de candidature de la ville de Paris a coûté quelque 100 millions d’euros (dont la moitié de fonds publics), sans qu’aucune comptabilité analytique nous dise précisément à quoi et surtout à qui ont été affectés ces fonds.

Les JO ne créent rien pour le sport pour toutes et tous 

À l’heure où la lumière commence à se faire sur les phénomènes de corruption lors de l’attribution des derniers JO (à Rio), une totale transparence est pourtant indispensable.

Fiasco sur le plan démocratique, fiasco annoncé sur le plan économique, les JO ne promettent sur le plan environnemental que l’écoblanchiment habituel des grands projets inutiles et un cortège de dettes écologiques. Ici, un stade nautique de sept hectares à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) dans un département qui manque de bassins-écoles et dont la moitié des collégien-ne-s aujourd’hui ne sait pas nager.

Là, une extension de l’artificialisation des sols au détriment du parc de Bercy (12e arrondissement de Paris), dans une zone stratégique en cas de crue de la Seine, pour complaire à la folie des grandeurs de l’AccorHotels Arena, qui peine pourtant déjà à se remplir. 

La Seine fera l’objet d’un intense travail de dépollution et il sera possible d’y organiser une épreuve de natation, nous dit-on. On s’interroge sur cet étrange fonctionnement qui consiste à laisser un fleuve souillé, impraticable à la nage de longues années, puis soudain, à l’heure de la rigueur la plus stricte, de trouver des millions d’euros pour le nettoyer en vue d’une épreuve de quelques heures.

Les JO ne créent rien pour le sport pour toutes et tous. Alors que Paris a un budget d’investissement de 46 millions d’euros pour le sport du quotidien, celui qu’on pratique à l’école, en club, pour la santé ou par plaisir dans les équipements sportifs municipaux (stades, gymnases, piscines, etc.), la seule candidature de la ville a déjà coûté plus du double. Et les milliards déversés pour les JO ne changeront rien aux carrelages vétustes de la piscine de quartier, aux vestiaires qui ne ferment plus, au revêtement usé du terrain de sport. La caravane des Jeux passera et laissera derrière elle l’Île-de-France toujours aussi démunie en infrastructures sportives. La région olympique restera au regard de sa population la plus mal lotie en la matière, avec des dettes en héritage et ses yeux pour pleurer.

Un dispositif exonérant d’impôt les entreprises partenaires « d’éventuels » Jeux olympiques 

Non, les JO verts que certains veulent nous vendre n’existent pas, et les écologistes que nous sommes ne peuvent se satisfaire des indulgences écologiques délivrées par telle ou telle organisation environnementale. « Paris 2024 », ce n’est que la forme la plus attractive de la marchandisation de notre territoire, où la vraie compétition n’est pas tant sportive que commerciale. Le Comité international olympique (CIO) lui-même est avant tout une immense machine à cash qui laisse la facture aux villes hôtes, de Montréal à Athènes et de Sydney à Rio. Même Londres, donnée en exemple de capacité à maitriser les coûts, a présenté une facture de 13 milliards d’euros alors que la capitale britannique s’était engagée pour 3 milliards. Les JO londoniens ont même coûté 27 milliards, si l’on tient compte des dépenses de sécurité publique. Paris annonce aujourd’hui fièrement des JO à 6,2 milliards d’euros…

En réalité, les JO sont surtout une bonne affaire financière pour le CIO lui-même et les entreprises sponsors. Les territoires qui se lancent dans la course à la désignation se livrent à une compétition qui n’a rien de sportive. La première épreuve olympique, c’est le dumping économique ! Paris, empressée d’obtenir les JO, contrairement à Los Angeles, qui a bien mieux négocié, mettra en place une fiscalité totalement conforme aux recommandations du CIO, tandis que la métropole californienne a pu imposer ses conditions et bénéficiera de la marque « JO » jusqu’en 2028.

Cette reddition fiscale s’est traduite à l’Assemblée nationale dès décembre 2014 par l’adoption d’un dispositif exonérant d’impôt les entreprises partenaires « d’éventuels » Jeux olympiques. Déjà mis en œuvre lors de l’Euro 2016, ce cadeau fiscal du public au privé sera donc réitéré en 2024 et devrait entraîner un manque à gagner de quelque 200 millions d’euros pour le contribuable.

Face à la machine JO, notre place d’écologistes est aux côtés de tous les mouvements citoyens et locaux

Cette exonération d’impôts et taxes des sociétés sponsors s’accompagne en outre d’un espace publicitaire réservé et exclusif dans un rayon de 300 mètres autour de toutes les infrastructures et lieux d’épreuves. Tout cela, bien entendu, sans que l’on connaisse avec précision les conditions d’éligibilité au titre envié de sponsor officiel — si ce n’est le versement d’un gros chèque —, seul le CIO étant décisionnaire.

Les écologistes ne se battent pas contre le sport, ils dénoncent ce qui est devenu une foire commerciale internationale à grand spectacle. Ils pointent des sportifs sélectionnés dès le plus jeune âge, trop fréquemment dopés, entraînés comme des bêtes de concours, sans considération pour les accidents de santé que subissent de plus en plus précocement les anciens sportifs de haut-niveau.

Face à la machine JO, notre place d’écologistes est donc aux côtés de tous les mouvements citoyens et locaux, en première ligne pour faire face aux pressions de toutes sortes, publicitaires ou politiques. En première ligne aussi pour proposer une autre vision de la ville et des territoires : CDG express, Airbnb, Coca, tourisme de masse, consommation, et croissance qui accompagnent et que véhiculent les JO ne sont pas un horizon indépassable. Ils sont au contraire le monde que l’écologie propose de laisser derrière nous.

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