LES PLUS LUS
Publicité
Politique

Réformes : les syndicats aussi ont du mal à suivre

Embarqués dans un tourbillon de négociations, les partenaires sociaux se disent "essorés" par le rythme du gouvernement.

Emmanuelle Souffi , Mis à jour le
Manifestation jeudi à Paris pour dénoncer la hausse de la CSG.
Manifestation jeudi à Paris pour dénoncer la hausse de la CSG. © Reuters

Sous la pression du calendrier. Sollicités tous azimuts par le gouvernement, les partenaires sociaux, depuis l'élection d'Emmanuel Macron , négocient à la chaîne. Un peu comme des hamsters pris dans une roue qui tourne à plein régime… Voilà l'image qu'emploient certains syndicalistes pour définir ce tourbillon de consultations. Exemple avec la semaine du 5 mars : le lundi, Muriel Pénicaud présentait la réforme sur la formation professionnelle . Le mardi démarrait une concertation sur le statut des travailleurs handicapés. Et le mercredi, le Premier ministre lançait des discussions sur l'égalité femmes-hommes et les agressions sexuelles et sexistes au travail.

Publicité
La suite après cette publicité

Réformes ferroviaire , de la fonction publique, échanges sur la loi Pacte, négociation sur l'encadrement, restructuration des branches… Le marathon sur l'assurance chômage, la formation professionnelle et l'apprentissage a beau être terminé, le rythme n'a pas ralenti pour autant. "C'est un véritable raid! commente Jean-­Michel Pottier, vice-président de la CPME. Le gouvernement applique une stratégie militaire : on commence par faire exploser une bombe médiatique assourdissante, ensuite on fait un tir de saturation. Et nous, on est aux ordres." 

Des forçats de la négociation

Ce négociateur patronal sait de quoi il parle, et pas simplement parce qu'il fut sous-officier voilà quelques années. Lui comme ses compagnons ont la désagréable impression d'être condamnés à jouer les forçats de la négociation, mais sans décider du plan de bataille et avec le couteau sous la gorge. "On est tous sidérés par cette boulimie, reconnaît Gilles Lecuelle, secrétaire national de la CFE-CGC. Il y a des sujets sur lesquels la solution est déjà là, et nous, on doit juste trouver l'équation qui y mène. A se demander si c'est pas de l'emballage, tout ça…"

"

'Depuis que tu es en retraite, on ne te voit plus', me dit ma femme

"

Pour chaque dossier, le ministère du Travail concocte un document d'orientation hyper cadré. Censée jouer les boussoles, "cette table des matières" balise en vérité un parcours bien défini. Frustrant, forcément. "La méthode est très technocratique ; le cadrage, c'est celui de la campagne électorale, raconte, un brin amère, Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT. Quelque 50.000 dossiers sont ouverts en même temps ; pour nous, c'est difficile de tenir. Sans parler de nos équipes en interne et sur le terrain."

Week-ends qui n'en sont plus vraiment, coups de fil ou textos nocturnes du ministère du Travail, vacances ajournées… Fin décembre, tout le monde s'avouait essoré. "Le calendrier nous oblige à faire vite et à mettre nos vies privées entre parenthèses. Mais c'est aussi ça, le militantisme", relativise ­Michel Beaugas, qui pilote le secteur emploi-formation-assurance chômage pour FO. Son homologue à la CFE-CGC se souvient encore de ce tour de Corse passé à s'arrêter sur des parkings pour répondre à des journalistes, en plein mois d'août, sur la réforme du Code du travail! "'Depuis que tu es en retraite, on ne te voit plus', me dit ma femme", plaisante Jean-Michel Pottier.

La suite après cette publicité

La CFE-CGC, comme d'autres, a dû renforcer son équipe de juristes

Des dizaines de réunions officielles, des rendez-vous du soir, des études à ingurgiter et des dossiers à préparer… Négocier, ce n'est pas simplement rester assis autour d'une table durant des heures ou se faire prendre en photo devant le perron d'un ministère. La CFE-CGC, comme d'autres, a dû renforcer son équipe de juristes. Mais aussi de communicants. Car aller vite multiplie les risques de faux pas. "On en est presque réduits à faire du superficiel", déplore Gilles Lecuelle. Sur la réforme du Code du travail , à force de courir après le calendrier, des coquilles se sont glissées dans les textes. Qu'il a fallu rattraper avec une 6e ordonnance. La CPME redoute déjà un "accident industriel type RSI", quand la formation professionnelle entrera dans sa phase législative, avec des systèmes informatiques inopérants lors de leur mise en œuvre. Quand le Premier ministre leur a demandé le 7 mars s'ils souhaitaient négocier ou juste être consultés sur l'égalité femmes-hommes, tous les syndicats ont opté pour la seconde option. Chat échaudé craint l'eau froide… 

Contenus sponsorisés

Sur le même sujet
Publicité