Guyanes : les conséquences écologiques désastreuses de la ruée vers l'or

Pratique illégale, l’orpaillage est l’une des plus grandes menaces sur le Plateau des Guyanes, aussi bien pour la nature que pour ses habitants.

De Juliette Heuzebroc
PHOTOGRAPHIE DE Randy Olson

Près de 100 ans après le chef-d’œuvre de Chaplin, comment la ruée vers l’or peut-elle encore être d’actualité ? Il suffit de se rendre sur le Plateau des Guyanes, en Amazonie, pour réaliser l'expansion de l’orpaillage, aux graves conséquences environnementales, sanitaires et économiques. Le parc amazonien révèle que la région a fait face à une augmentation de 78 % du nombre de sites clandestins destinés à l’activité aurifère seulement sur ces 6 derniers mois.

 

L’ORPAILLAGE, UN ENJEU INTERNATIONAL

La première préoccupation à laquelle font face les défenseurs de l’environnement lorsqu’il s’agit d’orpaillage est la déforestation massive. Plus de 17 000 hectares de la forêt amazonienne ont été rasés au cours de la seule année 2015. En plus de détruire l’écosystème et les ressources naturelles indispensables, on estime que ce phénomène conduit chaque année à la libération d’environ 200 000 tonnes de carbone dans l’atmosphère. L’autre problème majeur de cette pratique est à la fois sanitaire et environnementale, et implique le mercure.

Dans la pratique, le mercure est ajouté à la matière aurifère extraite. L’ensemble est chauffé, ce qui permet d’évacuer le mercure et de ne laisser que l’or brut dans la batée. Ainsi, le mercure se transforme en vapeur nocive relâchée directement dans l’atmosphère. Et lorsque l’on sait que pour obtenir 1 kilo d’or, il faut utiliser 1,3kg de mercure, le compteur s’affole. Mais le mercure ne pollue pas que l’air que nous respirons.

Lors de l’extraction de l’or, les garimpeiros (chercheurs d’or) creusent le sol à l’aide de jets à très haute pression. La pression exercée provoque une forte érosion des sols qui relâchent le mercure naturellement présent. Cette propagation dans l’eau crée une réaction biologique qui transforme le mercure en Méthylmercure, fort neurotoxique. Ce dernier va contaminer la chaîne alimentaire des plantes aquatiques jusqu’à l’homme, fortement dépendant des poissons d’eaux vives pour son alimentation.

Dans ces régions aurifères, la contamination des adultes est 1,5 fois supérieure au seuil jugé tolérable par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Les cours d’eau doivent également faire face au phénomène de turbidité, c’est-à-dire l’augmentation de la teneur en eau de matières qui la troublent. Cette turbidité défavorise l’oxygénation des plantes et entraîne la destruction de la vie aquatique par asphyxie.

PHOTOGRAPHIE DE National Geographic

L’AGGRAVATION DE LA SITUATION GUYANAISE

Une étude coordonnée par la WWF et l’ONF International, en collaboration avec les institutions forestières et environnementales guyanaises, vient de révéler que 157 000 hectares avaient été détruits entre 2001 et 2015 dans le cadre de l’exploitation aurifère. Environ 72 % de cette disparition a eu lieu entre 2008 et 2015, ce qui est symptomatique d’une forte accélération du phénomène. Si on assiste à une amélioration de la situation en Guyane française, ce n’est pas pour autant bon signe. Il s’agit juste d’un déplacement de l’activité illégale puisque, toujours entre 2008 et 2015, 95 % de la déforestation liée à l’orpaillage avait lieu au Guyana et au Suriname, des régions frontalières. En Guyane, c’est environ 500 hectares de forêt qui sont rasés chaque année pour assouvir la soif des chercheurs d'or ; c'est le premier facteur de déforestation du territoire.

Ce rapport alarme également sur la condition des anciens cours d’eau devenus des bassins boueux suite à l’extraction intensive. Résultat ? Plus de 5 840 km de cours d’eau détruits, sans compter l’ensemble des eaux contaminées en aval des sites d’orpaillage. À ce jour, il n’existe presque plus de cours d’eau sain en Guyane. Cette grave faute environnementale devient une grave situation sanitaire. Les eaux stagnantes favorisent fortement le développement du paludisme dans la région et les camps de garimpeiros, premiers exposés, contribuent à sa propagation en faisant office de souche virale.

Aucun des pays concernés ne bénéficient d’une contrepartie à sa destruction, même pas économique, puisque l’or est systématique exfiltré du territoire. Les autorités ont énormément de mal à modérer ces activités illégales, en particulier sur l’Oyapock et le Maroni, fleuves principaux pour la circulation du trafic. Les habitants et les institutions environnementales attendent avec impatience la création d’une coopération transfrontalière entre les autorités guyaniennes, surinamaises, brésiliennes et françaises pour mettre en place des mesures judiciaires, inexistantes à ce jour.

 

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