C’est une prise de position qui fera grand bruit. Le Conseil national de l’Ordre des médecins s’apprête à annoncer mercredi 19 septembre, à l’occasion d’une audition à l’Assemblée nationale, qu’il ne voit aucun obstacle à l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules.

« Nous considérons que cette demande est essentiellement sociétale, explique à La Croix le docteur Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie du Conseil national de l’Ordre des médecins. Si la société veut une AMP élargie, nous estimons que c’est à elle de trancher. Sur ce sujet sensible, il n’est pas dans notre rôle de dire ce qui est bien ou ce qui est mal. L’Ordre des médecins n’est pas une instance moralisatrice. »

Ce responsable estime que « le rôle des médecins est d’apaiser les souffrances, qu’elles soient physiques ou psychologiques. Or, le désir d’enfant est une souffrance, et le médecin est là pour l’entendre ». Il balaie l’argument, utilisé par les opposants à l’extension de la PMA, selon lequel il s’agirait là d’ouvrir un « droit à l’enfant ». « On devrait plutôt parler du droit d’accéder à une technique médicale spécialisée », répond-il.

« Il nous semble inacceptable de hiérarchiser les demandeurs »

Clairement favorables à une évolution législative donc, les représentants des médecins n’en soulignent pas moins les « conséquences » d’une extension de la PMA. Et notamment, la diminution possible du stock de gamètes. « Comment fera-t-on ?, s’interroge le docteur Faroudja. Il nous semble inacceptable de hiérarchiser les demandeurs. Couples homosexuels, hétérosexuels et femmes seules doivent être traités sur un pied d’égalité. » Quid de la GPA ? « Pour l’instant, la question ne se pose pas. Mais il est évident que nous aurions sans doute une position beaucoup plus réservée. »

Ce responsable de l’Ordre défend également « la liberté des médecins ». Faut-il prévoir une clause de conscience pour ceux qui se refuseraient à pratiquer la PMA dans certaines conditions ? « Le droit actuel, qui permet au médecin de refuser un acte médical pour des raisons personnelles à condition qu’il avertisse son patient et le dirige vers un autre praticien, est suffisant. Le refus doit être possible dans certaines circonstances, mais il ne doit jamais reposer sur la seule orientation sexuelle des patients, ce serait contraire aux règles de la déontologie », répond le docteur Faroudja.

L’Académie de médecine insistait sur « l’intérêt supérieur de l’enfant »

En attendant, la position de l’Ordre se démarque de celle prise au printemps par l’Académie de médecine. Dans sa contribution envoyée au Comité consultatif national d’éthique, celle-ci avait insisté sur « l’intérêt supérieur de l’enfant ». « L’assistance médicale à la procréation avec donneur prive volontairement l’enfant de la relation structurante avec deux adultes de sexe différent », pouvait-on y lire.

De fait, le corps médical semble assez largement divisé sur cette question, à en croire un sondage Exafield/Quotidien du médecin (1) réalisé en mai dernier. Si 44 % des médecins approuvaient l’extension de la PMA aux couples de femmes, 45 % s’y opposaient (11 % ne se prononçaient pas). Par ailleurs 44 % étaient pour l’extension aux femmes seules, 48 % contre.

La clause de conscience « en danger »

La prise de position de l’ordre des médecins ne manque pas de provoquer des réactions parmi les médecins les plus réservés. « Bien entendu il y a une souffrance chez certaines femmes, mais il faut prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant », réagit Raphaël Nogier, médecin lyonnais à l’origine d’une pétition signée par 1 700 de ses confrères pour s’opposer à l’extension de la PMA au nom de la défense du « rôle de la médecine ».

« Tout cela n’est pas très sérieux », commente de son côté le président du Centre catholique des médecins français (CCMF), Bertrand Galichon. « Nous ne sommes pas là pour répondre à n’importe quelle demande. À partir du moment où on tient de tels propos, on met clairement en danger la clause de conscience. » Il voit dans cette prise de position une « remise en cause fondamentale de la place des soignants dans la société ». Avant d’interroger : « Allons-nous vers un horizon où les médecins seront simplement tenus de répondre aux demandes de la société sans pouvoir réfléchir sur leur fonction première ? »

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Le calendrier de la révision

25 septembre 2018. Avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE).

18 octobre. Adoption d’un rapport par l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques (Opecst).

Mi-novembre. Publication du rapport de la mission parlementaire d’information sur la révision des lois de bioéthique (Assemblée nationale).

Fin novembre. Présentation du projet de loi en conseil des ministres.

Début 2019.Débat parlementaire.

(1) Enquête réalisée par Exafield sur un panel de 535 médecins libéraux.