Manifestation contre la communauté LGBT à Bogor, en Indonésie, le 9 novembre 2018

Manifestation contre la communauté LGBT à Bogor, en Indonésie, le 9 novembre 2018

afp.com/Sandika Fadilah Rusdani

Budi Ahmad, un habitant de l'ouest de Sumatra de 29 ans, vivait jusque là son homosexualité sans se cacher. Mais il s'inquiète pour sa sécurité depuis que des parlementaires et des extrémistes religieux s'en prennent à la communauté LGBT.

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"Nous avons peur des violences ciblées", explique celui qui préfère utiliser un pseudonyme pour un entretien avec l'AFP.

Son style, hors des codes masculins traditionnels, attire l'attention : "Certaines personnes m'évitent. Quand je vais retirer de l'argent à un distributeur, par exemple, certains me dévisagent. Ça n'avait jamais atteint ce niveau", note-t-il.

"Il pourrait y avoir davantage de persécutions et nous avons peur d'assister à des chasses aux homosexuels", s'inquiète-t-il

Les relations homosexuelles sont légales en Indonésie, à l'exception de la province d'Aceh, la seule de l'archipel d'Asie du Sud-Est à appliquer la loi islamique (charia).

Mais l'opinion publique est plutôt hostile à cette communauté et la répression encouragée par des leaders extrémistes met à mal la réputation de tolérance de l'Indonésie.

Plusieurs centaines de manifestants ont dénoncé les pratiques homosexuelles la semaine dernière à Bogor, ville au sud de la capitale Jakarta, alors que des responsables politiques réclament de nouveaux pouvoirs pour emprisonner et "rééduquer" les homosexuels.

Les autorités locales ont demandé à plusieurs mosquées de la province de l'ouest de Java de prêcher contre les "dangers de l'homosexualité". Et la principale organisation musulmane du pays, Nahdlatul Ulama, qui compte 80 millions de membres, a appelé à réprimer les relations entre les personnes de même sexe.

Les inquiétudes ont redoublé depuis que le président indonésien Joko Widodo a choisi le prédicateur islamiste conservateur Ma'ruf Amin comme colistier en vue des élections du printemps prochain.

Ce choix devrait permettre au chef de l'Etat de gagner des voix dans l'électorat le plus attaché à l'islam. Mais les plus libéraux s'inquiètent des prises de position antihomosexuelles de ce nouvel allié.

- des boucs émissaires pour les politiques -

"Les élections d'avril 2019 pourraient encourager les politiciens à faire de la communauté LGBT des boucs émissaires pour gagner des points de façon cynique", avertit Kyle Knight, chargé d'un programme de recherche sur les droits de la communauté pour Human Rights Watch, qui craint des violences.

L'an dernier la police a arrêté quelque 300 personnes dans la communauté, invoquant le plus souvent une loi antipornographie, selon Human Rights Watch.

En novembre, 10 femmes "suspectées d'être lesbiennes" ont été arrêtées dans la province de l'ouest de Sumatra, après que huit lesbiennes et transgenres eurent été placées en détention en octobre.

Dans la province de Lampung, il y a plusieurs semaines, la police a arrêté trois personnes transgenres et les a aspergé avec une lance à incendie : "un bain obligatoire" destiné à les purifier, selon les autorités.

Ce traitement est "inhumain et dégradant", s'est indigné Usman Hamid, directeur exécutif d'Amnesty International pour l'Indonésie, interrogé par l'AFP. Et c'est "absolument proscit par le droit international".

- situation critique à Aceh -

Les politiques multiplient les initiatives antihomosexuels. "Nous poursuivons nos efforts pour éradiquer (les comportements) LGBT parce qu'ils sont vraiment destructeurs," observe ainsi le vice-gouverneur de la province de l'ouest de Sumatra Nasrul Abit.

Les parlementaires indonésiens discutent d'une modification du code civil qui pourrait rendre les relations sexuelles hors mariage illégales, et placerait ainsi les couples homosexuels hors la loi. Et le ministère de la Santé a dit préparer un guide médical qui classifie l'homosexualité de "trouble mental".

C'est cependant dans la province conservatrice d'Aceh que la situation est la plus critique.

Un couple d'hommes gays a reçu des coups de bâton en public pour avoir enfreint la législation islamique locale qui bannit l'homosexualité. Et la police de la province a publiquement humilié une dizaine de personnes transgenres en leur coupant les cheveux et les forçant à porter des vêtements masculins.

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