Le diesel « signe extérieur de pauvreté », selon « L'Argus »

Le journal spécialisé dans l'automobile relève un lien étroit, dans les départements, entre densité de diesel et nombre de ménages non imposés.

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La route départementale est celle que les Français parcourent le plus... en diesel par nécessité économique.

La route départementale est celle que les Français parcourent le plus... en diesel par nécessité économique.

© DR

Temps de lecture : 4 min

En France, hier encore, on aimait le diesel et ses vertus économiques. À tel point que 68 % des automobilistes roulent encore au diesel en 2018, par nécessité plus souvent que par conviction. Mais alors que le prix du gazole à la pompe vient de dépasser dans 20 % des stations-service celui du litre d'essence et que les manifestations de Gilets jaunes marquent ce 17 novembre, le bien-fondé de cette énergie est remis en cause, provoquant l'incompréhension des usagers.

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Souvent évoqué, le clivage ville-campagne est pourtant une réalité et une composante importante de la grogne des Gilets jaunes. En effet, dans les départements ruraux, les trajets quotidiens sont beaucoup plus longs que dans les zones urbanisées, où existent assez souvent des solutions crédibles de substitution. Pourtant, ignorant ce fait capital, le gouvernement va obliger de nombreux ménages à une rapide reconversion automobile qu'ils n'avaient pas inscrite dans leur budget.

Cette révision, loin des ministères et des beaux raisonnements écologistes, s'annonce déchirante pour de nombreux foyers qui ne font pas partie des plus favorisés. Le gouvernement l'a bien compris en mettant en place des mesures d'aides à la conversion, sauf que les ménages n'avaient absolument pas envisagé de changer une voiture qui leur convient encore pour plusieurs années. Et c'est la France dite « profonde » qui est frappée en premier lieu.

Non imposés

Les départements où les automobilistes roulent le plus en véhicule diesel sont en effet aussi ceux où résident le plus de ménages non imposés, selon l'étude publiée samedi par L'Argus. Notre confrère conclut ainsi que le diesel est devenu un « signe extérieur de pauvreté ». En pleine mobilisation des Gilets jaunes, le journal a comparé, pour chaque département, le pourcentage de véhicules roulant au gazole dans le parc de véhicules particuliers, avec le taux de ménages non imposables.

<p>Le rapprochement des deux cartes de France, entre taux de diesélisation et de non imposition, établit un constat flagrant</p> ©  L'Argus

Le rapprochement des deux cartes de France, entre taux de diesélisation et de non imposition, établit un constat flagrant

© L'Argus


Il en ressort deux cartes de France très semblables : les départements où habitent le plus de ménages non imposés sont généralement aussi ceux où circulent le plus de véhicules diesel. Il s'agit de départements urbanisés, mais marqués par la désindustrialisation (Nord, Pas-de-Calais, Moselle) ou de territoires ruraux et excentrés.

De la même manière, les territoires ruraux ne sont pas tous logés à la même enseigne : la riche Côte-d'Or, les caves champenoises de la Marne ou encore les fertiles plaines beauceronnes du Loiret affichent à la fois une faible part de ménages non imposables et un taux de diésélisation inférieur à la moyenne nationale. En revanche, les territoires les plus excentrés et les plus fragiles sont marqués par un parc diésélisé à plus de 72 % : Massif central, Limousin, Bretagne, Pays de Loire et Poitou, ou encore la Somme, l'Aisne, le Calvados, la Haute-Saône, la Haute-Marne, etc.

Il y a diesel et diesel

À l'opposé, les zones urbaines dynamiques (Île-de-France, Lyonnais, Nantes, Bordeaux, Toulouse, etc.) présentent la physionomie radicalement différente. C'est aussi le cas de territoires ruraux plus prospères (Côte-d'Or, Loiret…).

« Libre à chacun de rouler en coupé, cabriolet ou 4x4 au gasoil, de préférer l'agrément de conduite du diesel, de choisir d'équiper son entreprise en diesel pour des raisons fiscales, ou simplement d'acheter un véhicule d'occasion diesel parce que l'offre en essence est inexistante », note L'Argus.

Il y a en effet des diesels hauts de gamme et dernier cri en matière de filtration des émissions, mais ils sont encore peu représentés en pourcentage du parc roulant. Mais la part du diesel en valeur absolue s'étiolant de mois en mois alors même que plusieurs constructeurs ont déjà annoncé son abandon va créer une scission dans les différents territoires français.

Assignation à résidence

Afin de mieux mettre en évidence la corrélation, L'Argus a illustré ces données sur un graphique, où chaque département est représenté par un point, positionné en fonction de la part de ménages fiscaux imposés et du pourcentage de véhicules diesel dans le parc. Le lien entre fragilité économique et équipement en diesel n'en apparaît que plus flagrant.

<p>Les Français ne sont pas tous égaux lors de leurs déplacements</p> ©  L'Argus

Les Français ne sont pas tous égaux lors de leurs déplacements

© L'Argus

« En raisonnant à l'échelle de l'unité départementale, preuve est faite que les plus fragiles seront les plus impactés par les mesures anti-diesel », juge Thibaut Frank, éditorialiste de L'Argus, et pas seulement sur le plan financier : avec l'interdiction pure et simple du diesel planifiée pour 2024 à Paris et 2030 pour l'Île-de-France, c'est toute une population rurale qui pourrait alors subir une véritable assignation à résidence, qui ne ferait qu'accentuer encore la fracture territoriale ».

Cette publication intervient le jour où des Gilets jaunes se rassemblaient samedi à travers le pays contre la hausse des prix des carburants. Le ministère de l'Intérieur dénombrait en fin de matinée plus de 2 000 rassemblements et 120 000 manifestants en France.

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Commentaires (39)

  • sudlub

    Car certains véhicules (allemands, évidemment…) coutent très cher, sont luxueux, performants et sont achetés par une clientèle socio-prof ++.
    Je ne vais pas les lister, mais Audi, BMW et Mercédès, et d'autres, en produisent.
    On est loin de la Clio ou de la 207 du pauvre…
    Donc ne pas généraliser, même si la France est le pays où nos "élites" détestent le plus la bagnole.
    Il fut un temps où notre pays était premier en Europe pour l'innovation automobile, le design, la technique. C'est bien fini, de nos usines ne sortent plus que de petits modèles qui ne font plus rêver.
    L'écologie punitive cher à M. Hulot (grand amateur d'hélico…) est passée par là.

  • Danielou44

    Bonjour Mr le professeur !
    il y a une chose importante que vous oubliez, c'est qu'une moyenne des salaires ne veut strictement rien dire ! Il serai plus judicieux et plus honnête de votre part, de donner le pourcentage de petits, moyens et gros salaires, mais voila cette moyenne est beaucoup plus avantageuse dans certain cas pour les technocrates qui vivent dans leur bulle de leur soit disant savoir, déconnectés de la population qui les entoure, nul besoin de sortir de " l'ENA ou avoir fait de longues études pour comprendre l'arnaque de cette technocratie considérée comme des "élites " dont est issu la majorité de nos gouvernants !

  • Jean-Louis

    Cette étude de L’Argus, est sociologique...

    Si on lui rajoute un 3ème axe en Z, croisant les emplois qu’offrent les villes, dénombrant tous ceux, occupés par des gens, dont la résidence principale si situe, au-delà des couronnes desservies par les Transports En Commun, bus tram, RER, or TER régionaux, à l’heure.

    Elle devient politique, d’un côté des gens, sans TEC, dans leurs droits, à utiliser une voiture, pour aller travailler en ville, de l’autre, des citadins, comme échoués dans les villes, voulant les quitter.
    En causes : dégradation de la qualité de vie, pollution atmosphérique, sonore, entassements, immeubles dégradés. Puis une épouvantable désorganisation, boostant la demande du marché immobilier, une bulle spéculative ? Conduisant à la hausse sans fin des loyers, des charges... Etc. , des citadins contraints de se serrer la ceinture.

    Partir à la campagne, là où c’est abordable, des jeunes cadre commencent à le faire, en négociant des journées de Télétravail... C’est peut-être là le noyau de condensation des nouvelles citée du milieu du XXIème siècle...

    Pour les autres, déménager dans ces couronnes desservies par les TEC, ne peut pas être vu comme une amélioration de la qualité de vie, puisque s’opère partout une densification des villes champignons des années 1950. Une razzia des espaces verts, des parkings ext. , pour y ajouter encore & toujours des cubes, blocs, certes BBC, mais, des serres en été, puisque des apparts mono-façades, inventilables, c’est la doxa crochue en vogue, des requins de l’immobilier, le nez dans leur guidon...

    Et quand ceux-ci disposent d’une grande friche industrielle, c’est pour y recycler l’inoxydable quadrilatère soviétisé, des années 1950 : saucissonnage de rues à l’équerre, rétrécies par les Diesel poubelles ventouses des riverains, et faites pour les plaisir des uns, ces fumant saltos en scooter, à se poser la question, du pourquoi, des baignoires en béton, surplombant les voies bitumées...