Le désastre écologique se comprend mieux en images, et le photojournaliste Samuel Bollendorff l’a bien compris. En 2018, il a fait le tour du monde. Et il revient avec des preuves. Celles de faunes, de flores et de vies humaines dévastées par la suprématie de grands groupes industriels.
« J’ai fait le tour de la Terre en 2018. Ça ne prend que quelques heures tant elle est petite, fragile. Et où que mon regard se soit porté, il s’est perdu dans l’obscurité. Un fleuve mort sur 650 km, des poissons déformés, des forêts radioactives, des enfants qui naissent sans yeux, des mafieux qui trafiquent des déchets nucléaires, des déchets plastiques à la dérive au milieu d’un océan, devenus les premiers maillons d’une chaîne alimentaire dégénérée.
Qu’avons-nous laissé faire ? »
Ainsi commence le photoreportage « Contaminations » de Samuel Bollendorff. Exposé à la galerie Fait & Cause dans le 4ème arrondissement de Paris et réalisé en collaboration avec des journalistes du Monde, ce tour de la Terre en photos a tout du film d’horreur. En textes et en images, il relate comment nos pollutions industrielles – chimiques, minières ou nucléaires – empêchent toute forme de vie de se développer ou de subsister sur le long terme.
Alberta – Canada / Samuel Bollendorff
David contre Goliath
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Maladies et malformations génétiques, déforestation, érosion de la biodiversité, plastique dérivant à foison dans les océans… le bilan de l'ère industrielle est terrible. Inconfortable, surtout.
« Face à ces constats, le discours de communication des industriels sont d’une cynique violence, poursuit le photographe. Les porte-paroles des compagnies pétrolières revendiquent une énergie verte à propos des sables bitumeux, les pollueurs brésiliens, connus pour leur corruption, ne sont pas condamnés, et à Fukushima, l’exploitant de la centrale fait du lobbying pour rejeter ses millions de litres d’eaux contaminées dans l’océan… et les taux de cancers augmentent en flèche. Mais les industriels n’ont pas un dollar à perdre. Après eux, le déluge ! »
Pour le lanceur d’alerte, le point de non-retour est déjà franchi. De l’Amérique du Nord au Japon, en passant par le Brésil, l’Océan Pacifique et la Russie, ses photos racontent toutes la même histoire. Celle de vies contraintes d’évoluer sous l’hégémonie de groupes impitoyables, de la ville fantôme d'Anniston rebaptisée « Toxic Town » en Alabama - la société Monsanto y a fabriqué des tonnes de produits toxiques pouvant engendrer des cancers, des effets sur les systèmes immunitaire, nerveux, endocrinien... - aux eaux orangées de la commune de Regencia au Brésil, zone encore sinistrée depuis la coulée de boue toxique causée par la société minière Samarco, en 2015.
Anniston – Alabama – USA / Samuel Bollendorff
« Aujourd’hui, on peut acheter n’importe quoi, n’importe quelle décision sanitaire ou écologique »
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Mais ce qui frappe reste avant tout le marasme, au sens propre comme figuré, dans lequel vivent les locaux des régions visitées. Le degré de corruption, aussi. À Dzerjinsk, capitale de l’industrie chimique en Russie, le journaliste évoque la présence d’un « trou noir » non identifié par les Ministères. Il fait 18 mètres de profondeur, est directement relié à une nappe phréatique et contient à lui seul 6 000 m3 de déchets liquides toxiques, 9 000 m3 de semi-liquides et 55 000 m3 de déchets durcis.
Sur place, un ancien ouvrier des usines Plexiglas est interviewé et fait le bilan : « on déversait tout sur le sol, vers la rivière Oka. Avant on fermait les yeux sur certaines règles mais il n’y avait pas de corruption comme maintenant. Aujourd’hui, on peut acheter n’importe quoi, n’importe quelle décision sanitaire ou écologique ».
Allez y faire un tour, c’est gratuit. Déprimant, certes, mais riche en chiffres et en témoignages. Une bonne façon de se rendre compte de l’ampleur des dégâts. Et de vouloir changer les choses.
C'est déplorable... de lire encore une fois « Aujourd’hui, on peut acheter n’importe quoi, n’importe quelle décision sanitaire ou écologique » fait frémir.