La Russie prévoit un test de déconnexion à Internet en vue d’une cyberguerre

Le développement de son propre réseau national autonome devrait aussi permettre au Kremlin de renforcer le contrôle des internautes sur son territoire.
La Russie prévoit un test de déconnexion à Internet en vue d'une cyberguerre

La Russie envisage de déconnecter brièvement le pays d’Internet pour se préparer à l’éventualité d’une cyberguerre, a rapporté l’agence de presse russe RosBiznesKonsalting (RBK) le 8 février. Le développement de son propre réseau national autonome devrait aussi permettre au Kremlin de renforcer le contrôle des internautes sur son territoire.

Internet est depuis plusieurs années le terrain de bataille d’une guerre cybernétique mondiale cristallisant de nombreuses tensions géopolitiques. Régulièrement accusée de mener des cyberattaques, la Russie prépare désormais ses arrières, en assurant l’indépendance de son réseau. En 2017 déjà, le Ministère des Communications annonçait son intention d’acheminer localement 95 % du trafic Internet d’ici 2020.

Le pays envisage désormais de passer à la pratique : un test de déconnexion au réseau mondial est prévu avant le 1er avril (la date et la durée exacte de cette expérimentation n’ont pas encore été précisées).

Cyberguerre froide

Cette déconnection planifiée – durant laquelle les sites russes seront inaccessibles aux internautes à l’extérieur du pays – fait suite à une proposition de loi présentée au Parlement russe en décembre 2018. Celle-ci oblige les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) à garantir l’indépendance de l’espace Internet russe (Runet). Une façon de se protéger au cas où des puissances extérieures voudraient lui couper l’accès au réseau mondial, et plus largement de se prémunir des cyberattaques.

À plusieurs reprises en effet, des pays de l’OTAN ont annoncé qu’ils envisageaient une réponse plus ferme aux cyberattaques que la Russie est accusée d’avoir menées : ingérence dans l’élection américaine de 2016, cyberattaque contre l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) à La Haye, offensive contre l’Agence mondiale de dopage… Les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la Norvège, l’Espagne, le Danemark et les Pays-Bas pourraient ainsi abandonner leur posture défensive et s’en prendre directement aux réseaux ennemis.

Un intranet made in Russia

La loi – approuvée par le président Poutine – prévoit la création d’un système d’adressage web (DNS) russe, qui fonctionnerait indépendamment des serveurs internationaux. Le trafic Internet mondial transite habituellement par les serveurs racines du DNS contrôlés par une douzaine d’organisations (dont aucune n’est située en Russie). Les autorités russes ont donc mis en place une sauvegarde locale du DNS qu’ils ont déjà testée en 2014, puis à nouveau l’an dernier, précise le site ZDNet.

Selon l’agence de presse russe RBK, tous les FAI seraient d’accord avec cette loi, mais inquiets de sa mise en œuvre technique, qui pourrait selon eux entraîner des perturbations majeures du trafic Internet russe. 

Vers une censure à la Chinoise ?

Toutes les communications devraient passer par des serveurs contrôlés par le gouvernement. Le trafic Internet national sera inspecté par le Roskomnazor, l’organisme de surveillance des télécommunications de Russie, qui redirigera tout le trafic Internet vers des points d’échanges qu’il contrôle. Il s’assurera de cette façon que les informations échangées par les internautes russes restent à l’intérieur du pays, et ne soit pas intercepté par des serveurs à l’étranger. La création d’un tel réseau autonome pourrait mener à un système de censure semblable au grand pare-feu chinois, suggère BBC News.

L’entrée en vigueur de plusieurs lois russes restreignant la liberté sur le Web suscite déjà l’inquiétude de l’opposition et des organisations de défense des droits de l’homme : en août 2017, quelques centaines de personnes manifestaient dans le centre de Moscou pour un « Internet libre ». En cause : l’interdiction de réseaux virtuels privés (VPN) et autres outils permettant de naviguer sur le net sans révéler son identité, mais aussi le blocage de nombreux sites comme Dailymotion, LinkedIn ou Telegram sur le territoire national.

 

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