La F1 veut réduire graduellement son empreinte carbone et affirme pouvoir obtenir un bilan carbone neutre en 2030. Dès la saison prochaine, des mesures vont être prises pour compenser les émissions de gaz à effet de serre, lors des week-ends de Grands Prix. Mais est-ce vraiment réaliste pour ce sport qui émet en moyenne par saison l'équivalent de l'empreinte carbone de 25 000 ménages français ? 

La F1 est décriée pour son empreinte environnementale. Qu’à cela ne tienne, la fédération de Formula 1 vient d’annoncer sa "neutralité carbone" pour 2030. Pour cela, elle annonce des actions menées à la fois sur la réduction des émissions des voitures de course, sur la compensation carbone, mais aussi sur le recyclage et le compostage des déchets des différents grands prix.
La F1 a du pain sur la planche. Avec une puissance de 1 000 chevaux sous le capot, une voiture de course consomme en moyenne 45 litres pour 100 km, selon un ingénieur Renault interrogé par Ouest France. C’est peu par rapport à sa puissance mais à titre de comparaison, une voiture classique à essence va consommer en moyenne 6 litres au 100… Ensuite, il faut multiplier cette consommation par le nombre de kilomètres par grands prix – 305 kilomètres à chaque fois -, sur toute la saison (21 courses auxquelles il faut ajouter les essais) et le nombre de voitures engagées, 20 en 2019…
Une empreinte carbone équivalente à celle de 25 000 ménages français
Et cela n’est que la face immergée de l’iceberg. Seuls 0,7 % des émissions sont émises par les moteurs et 7,3 % par les activités organisées sur les circuits (activités sponsor, consommation d’énergie, diffusion télévisée…). Les opérations les plus polluantes sont l’acheminement du matériel (45 %), les déplacements des personnels (27,7 %) et le fonctionnement des bureaux et usines (19,3 %). Au total, une saison de F1 produit près de 256 000 tonnes de CO2, "soit une empreinte carbone équivalente à celle de 25 000 ménages", calcule le Parisien.
Depuis quelques années, le sport automobile travaille sur des systèmes de motorisation hybrides, plus petits, plus performants, et la réduction de la consommation de carburant. D’autres initiatives voient désormais le jour pour réduire l’empreinte carbone du championnat : au niveau du roulage en piste, des déplacements ou le travail dans les usines des équipes. En parallèle, des programmes de compensation carbone et de capture du CO2 dans l’air ont également été évoqués par l’organisation.
Un exemple "caricatural" de la course à la neutralité carbone
L’initiative s’inscrit dans la longue lignée des entreprises et événements qui déclarent des ambitions de neutralité carbone. Et c’est ce qui fait bondir Jean-Marc Jancovici, associé fondateur de carbone 4."Cette déclaration du monde de la F1 est exemple nécessairement cocasse, mais emblématique, de cette course à la neutralité carbone. Mais cela n’a pas de sens de déclarer la neutralité au niveau d’une organisation prise isolément, comme si on pouvait la détacher du reste du monde, ni à cet horizon de temps", explique l’ingénieur spécialisé en énergie climat.
"En outre, la compensation offre l’illusion confortable d’un problème qui peut être "annulé" par une action qui, au sein de l’entreprise, n’est l’affaire que d’une personne (celle qui achète les crédits). En fait, personne ne peut être neutre dans son coin. Ce qui est possible, c’est d’être aligné sur une trajectoire vers la neutralité pour la planète dans son ensemble. C’est un autre défi qu’un simple slogan !", ajoute-t-il.
Certains pilotes enfoncent le clou. "Cela ne colle pas avec le sport motorisé. (…) C’est pour faire semblant. C’est pour dire : regardez, on est green, c’est génial", estime ainsi l’ancien champion du monde Jacques Villeneuve. L’enjeu de communication est en effet important pour le sport automobile. Il doit notamment rassurer les sponsors alors que la F1 est la cible des associations environnementales qui dénoncent son impact carbone impressionnant.
Les retombées de la R&D
Pour garder son acceptabilité dans les prochaines années, la F1 n’a donc pas le choix et doit s’adapter. Le grand plan de décarbonisation est d’ailleurs soutenu par plusieurs écuries. Renault et McLaren ont d’ores et déjà annoncé leur soutien et leurs propres mesures. Car ils comptent aussi en bénéficier.
La F1 a toujours servi de laboratoire de recherche pour l’industrie automobile. Il s’agit cette fois d’orienter la R&D sur l’impact environnemental. "Cette approche correspond aux attentes de nos supporters, de nos clients, de nos partenaires, de nos employés et de nos actionnaires, a ainsi déclaré Zak Brown, le directeur général de McLaren. Nous pensons que le sport automobile peut mettre en œuvre le développement durable à travers des technologies déterminantes, pour transformer notre industrie en vitrine pour l’avenir".
Béatrice Héraud @beatriceheraud 

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