La demande devient insoutenable. Le sable, deuxième ressource la plus exploitée après l'eau, est devenu indispensable à plusieurs secteurs, dont le BTP. Pour "rendre visible l'invisible", le PNUE vient de créer une plateforme inédite capable de suivre et surveiller le dragage du sable en milieu marin. Sur les 50 milliards de tonnes de sable utilisées chaque année, 6 milliards sont aspirées des fonds marins, avec des conséquences environnementales désastreuses.

C’est la deuxième ressource la plus utilisée après l’eau. On pourrait croire que le sable est une matière illimitée. Et pourtant, sa surexploitation est de plus en plus pointée du doigt. Nécessaire dans la composition du verre, du béton, des ordinateurs, tablettes, smartphones, panneaux solaires, dans l’agro-industrie… le sable est devenu indispensable à nos modes de vie. À tel point que l’ONU estime que chaque année l’humanité utilise environ 50 milliards de tonnes de sable.
Avec ce volume, "nous pourrions construire un mur de dix mètres de haut sur dix de large tout autour de l’équateur", a ainsi comparé lors d’une conférence de presse Pascal Peduzzi. Autre image parlante : l’équivalent d’une ville comme Paris est construite dans le monde tous les cinq jours. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), dont cet expert est membre, vient justement de publier une plateforme inédite capable de "rendre visible l’invisible". Baptisée Marine Sand Watch, elle suit et surveille le dragage du sable dans le milieu marin en utilisant les données AIS (systèmes d’identification automatique). 
Sable

Un million de camions par jour draguent les océans 


Si le PNUE s’est concentré sur le fond des océans, c’est qu’il estime que chaque année 6 milliards de tonnes de sable y sont arrachées. C’est "l’équivalent de plus d’un million de camions par jour ou de deux kilogrammes par jour et par personne", avance Pascal Peduzzi, directeur du centre d’analyse des données pour le PNUE. Les navires extracteurs sont comme des "aspirateurs" qui "broient les fonds marins" et les "stérilisent", faisant disparaître les micro-organismes océaniques et mettant en danger la biodiversité et les ressources halieutiques, selon l’expert.
La demande "commence à prendre des proportions gigantesques", prévient-il alors que les rivières transportent dans les mers et océans entre 10 et 16 milliards de tonnes de sédiments chaque année. Une étude de l’Université de Leiden parue en mars 2022 prévoyait d’ailleurs que la demande pour le béton et le verre dans les bâtiments résidentiels et commerciaux du monde entier allait croître de plus de 500% dans certaines zones comme l’Afrique de l’Ouest et de l’Est. En Inde, ce sera +294% et dans certains pays d’Asie du sud +269% ! 

Une ressource stratégique


Or la gouvernance de ces ressources est épinglée par les chercheurs. "La surexploitation du sable a généralement entraîné la destruction des écosystèmes, l’érosion des rivages, la perte de biodiversité et la perte de nourriture", écrit l’auteur principal de l’étude Xiaoyang Zhong. "Les conséquences sociales peuvent inclure une résilience réduite aux catastrophes et une augmentation de la corruption et de la criminalité". Et de fait, les mafias du sable sévissent en Inde, au Maroc, au Sénégal, et dans d’autres pays, pillant ainsi les ressources.
Le PNUE recommande de considérer le sable comme une ressource stratégique à préserver. Hasard du calendrier, au moment où le PNUE dévoilait sa plateforme d’observation d’extraction du sable dans les mers et les océans, l’association IADC, représentant le secteur, a publié un document recensant les meilleures pratiques de dragage responsables. "La tension croissante entre développement humain et résilience planétaire nous pousse à repenser notre façon de travailler et de vivre", écrit-elle. Parmi les recommandations : la transparence des activités, ne pas effectuer de dragage dans des sites sensibles ou encore la réalisation et le respect d’études d’impact environnemental et social. 

Marina Fabre Soundron avec AFP
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