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"On n'est pas là pour se faire tuer" : l'émotion des agents pénitentiaires après la mort de deux d'entre eux dans l'Eure

- Mis à jour le
Par
  • France Bleu

Des personnels pénitentiaires en deuil et sous le choc se sont rassemblés ce mercredi matin devant leurs prisons respectives partout en France après la mort de deux d'entre eux dans l'attaque d'un fourgon dans l'Eure mardi. Des agents profondément touchés par le drame qui a touché leurs collègues.

Les personnels pénitentiaires étaient appelés à se rassembler ce mercredi matin. Ici devant la prison de Carquefou, près de Nantes. Les personnels pénitentiaires étaient appelés à se rassembler ce mercredi matin. Ici devant la prison de Carquefou, près de Nantes.
Les personnels pénitentiaires étaient appelés à se rassembler ce mercredi matin. Ici devant la prison de Carquefou, près de Nantes. © AFP - Estelle Ruiz

"On n'est pas là pour se faire tuer" répète, visiblement ému, le secrétaire régional et local UFAP-Unsa devant le centre pénitentiaire de Caen bloqué par une soixantaine d'agents ce mercredi dès 6h. "On ne peut pas accepter d'avoir des missions, de partir le matin et de se dire qu'on ne va pas rentrer le soir. On est là pour faire un métier, on aime notre métier, mais on n'est pas là pour se faire tuer" confie-t-il à France Bleu Normandie. Après la mort de deux agents pénitentiaires dans l'attaque d'un fourgon dans l'Eure ce mardi, plusieurs centres de détention, maisons d'arrêt et autres prisons sont bloqués ce mercredi matin en France. Un appel à la mobilisation a été lancé par l'intersyndicale pour les surveillants pénitentiaires sous le choc.

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À Caen, d'où venaient Arnaud Garcia et Fabrice Moello, les deux agents tués dans l'attaque, l'émotion est particulièrement vive. “On pense énormément aux familles des victimes. Tous les collègues connaissaient ces agents. Pour certains, ils étaient amis” témoigne Frédéric Liakhoff, du syndicat FO Justice. Lors de la minute de silence respectée devant le centre pénitentiaire, 150 à 200 personnes, dont le préfet du Calvados, étaient rassemblées. Un moment fort à l'issue duquel un représentant du personnel a interpellé le préfet : "Plus jamais ça, Monsieur le préfet" lui a-t-il lancé.

"On sait qu'on est en danger"

Devant la maison d'arrêt de Laval, Sophie Romagner témoigne sur France Bleu Mayenne qu'elle a conscience que sa vie peut parfois être menacée dans son métier : "C'est quelque chose qu'on a toujours eu au-dessus de la tête, on sait qu'on est en danger, on n'a pas envie de mourir, on a envie de rentrer chez nous le soir". "Nous sommes en deuil" ajoute la secrétaire départementale du syndicat UFAP-Unsa de la Mayenne qui insiste : "On a une prime de risque, d'ailleurs, on est régulièrement menacé de mort, insulté, on nous crache dessus, on est victime d'agressions physiques, mais nous, on n'est pas là pour mourir !".

Une quinzaine d'agents pénitentiaires de la prison de Cherbourg mobilisés pour l'opération "prison morte".
Une quinzaine d'agents pénitentiaires de la prison de Cherbourg mobilisés pour l'opération "prison morte". © Radio France - Pierre Coquelin

"C'est toute la pénitentiaire qui est endeuillée" lance un représentant FO Justice devant le centre pénitentiaire de Riom en Auvergne. "C'est un choc d'avoir des collègues exécutés de cette manière" témoigne également à Nîmes un syndicaliste FO Pénitentiaire au micro de France Bleu Gard Lozère. Pas de banderoles ou de slogans affichés devant la maison d'arrêt gardoise. "Il n'y a pas à mettre en avant tel ou tel syndicat, nous sommes tous unis dans ce deuil".

Dans l'Hérault, le drame qui s'est produit dans l'Eure rappelle de mauvais souvenirs à certains surveillants rassemblés devant le centre pénitentiaire de Béziers. En 2019, à Tarascon, dans les Bouches-du-Rhône, deux hommes lourdement armés avaient tiré au fusil d'assaut sur un fourgon du PREJ (pôle de rattachement des extractions judiciaires) de Béziers pour libérer un détenu, heureusement sans faire de blessé parmi l'escorte pénitentiaire.

"Je n'ai jamais connu d'événements aussi graves"

Une émotion partagée par des magistrats venus pour certains se joindre aux surveillants pénitentiaires mobilisés, comme à la maison d'arrêt de Grenoble-Varces lors de la minute de silence respectée à 11h en hommage aux victimes de l'attaque. "J'ai trente ans de carrière, je n'ai jamais connu d'événements aussi graves, mon soutien est absolu, total pour les agents du ministère de la Justice concernés" affirme Éric Vaillant, procureur de Grenoble.

Au centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, Marion Maréchal, tête de liste pour le parti "Reconquête !" aux élections européennes, a rencontré les personnels pénitentiaires mobilisés.

"Il faut qu'on sache ce qui s'est passé"

L'intersyndicale a été reçue ce mercredi après-midi par le ministre de la Justice. Dès ce mercredi matin, les représentants des agents pénitentiaires évoquaient un armement trop léger des personnels lorsqu'il faut convoyer des détenus. Le commando qui a attaqué le convoi pénitentiaire pour faire évader un détenu dans l'Eure était lourdement armé et visiblement très préparé, selon une source proche du dossier. "Il faut qu'on sache ce qui s'est passé et qu'on nous donne les moyens pour ce genre d'extractions, a insisté Frédéric Cavazzoli, délégué Force ouvrière de la prison de Mauzac, sur France Bleu Périgord. "Si on y va juste avec nos petits pistolets, on va se faire dézinguer tous les quatre matins". Même réflexion chez un syndicaliste pénitentiaire basé à Brest, indigné sur France Bleu Breizh Izel : "En face, on a des armes lourdes, des armes de guerre. Avec notre Sig Sauer, qu'est-ce qu'on peut faire face à ça ?". Par ailleurs, les véhicules ne sont pas blindés. "Et ils sont sérigraphiés. Nous sommes une cible mouvante."

D'autres pointent des extractions judiciaires injustifiées, selon eux. "Parfois, on sort des détenus, et on fait 400 ou 500 kilomètres pour une signature" explique Julien Decurninges, représentant Force ouvrière Justice en Champagne-Ardenne. Il demande à ce que les magistrats puissent se déplacer pour certains profils de détenus. "C'est des faits qu'on dénonce tous les jours depuis qu'on a repris les extractions judiciaires qui étaient dévolues avant aux forces de l'ordre. Mais à chaque fois, il faut répondre dans l'urgence aux magistrats ", souligne de son côté Laurent Boitrand, secrétaire général adjoint du syndicat pénitentiaire UFAP-Unsa en Franche-Comté. "Moins d'extractions et sûrement davantage de visios" réclame Eric Fievez, secrétaire de la CFDT pénitentiaire sur France Bleu Normandie. "Mais pour cela, il faut travailler ça avec les magistrats. Il faut que les magistrats mettent de l'eau dans leur vin et acceptent aussi de faire plus de visios et de se déplacer dans les établissements, surtout pour les lourdes peines et les futures lourdes condamnations", détaille-t-il.

Le manque de moyens humains et matériels est dénoncé dans tous les rassemblements organisés ce mercredi en France. "Et on a beau nous dire qu'on peut recruter plus, mais personne ne se présente au concours vu la pénibilité du boulot" regrette un syndicaliste posté devant la maison d'arrêt de Chambéry, en Savoie.

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