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Ukraine : la Russie pourrait avoir déjà commencé à "hacker" les preuves de ses crimes de guerre, pour échapper à la justice

Guerre en Ukraine
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Les combats en Ukraine continuent mais la Russie, elle, pourrait déjà préparer l'après-guerre. Selon une experte en cybersécurité, le Kremlin s'emploie à effacer et altérer les preuves de ses crimes de guerre conservées dans les systèmes numériques des pays adversaires, dans une déferlante de cyberattaques.

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Alors que la guerre en Ukraine a entamé sa troisième année, la bataille sur le terrain continue d’être largement documentée sur les réseaux sociaux et les médias internationaux. Elle se double d’une cyber-guerre qui, elle, mise sur la discrétion.

Pourtant, en cette "super année" d’élections à l’échelle internationale, marquées par la propagation des conflits armés, les menaces numériques sont décuplées.

2 776 attaques en moins de deux ans

Dans un document publié en juillet 2023, le Parlement européen notait qu’au 31 mai de la même année, l'Institut CyberPeace comptabilisait 1 998 cyberattaques et opérations perpétrées par 98 acteurs différents depuis le début du conflit, en Ukraine, en Russie et dans des pays alliés de Kiev. En septembre, la même entité décomptait 2 776 cyberincidents orchestrés par 106 acteurs différents. Bref, le cyberespace est d’ores et déjà un terrain de guerre, et la tendance s’accélère.

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EN IMAGES
Ukraine – Russie : les avions militaires de la guerre

L’organisme note le rôle prépondérant des acteurs reliés à l’État russe People's CyberArmy et Sandworm (le plus actif des acteurs de la menace parrainés par l'État) ou encore Fancy Bear. Dans le top 5 des secteurs ciblés en Ukraine figurent l’administration publique, le secteur financier, les médias, le secteur des technologies de l'information et de la communication et, bien sûr, le secteur de l’énergie. Les menaces virtuelles plébiscitées par la Russie sont utilisées pour déstabiliser les opérations militaires ukrainiennes et la gouvernance de Kiev, perturber le réseau énergétique et les institutions.

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"La Russie reste une cybermenace de premier plan car elle affine et utilise ses capacités d'espionnage, d'influence et d'attaque", note l’Agence américaine de cyberdéfense. Le Kremlin "s'attache particulièrement à améliorer sa capacité à cibler les infrastructures critiques", en Ukraine et à l’internationale.

De fait, dans les pays alliés de l’Ukraine en guerre, 1896 cyberincidents ont été répertoriés entre le début du conflit et septembre 2023 par CyberPeace. Cinq pays sont des cibles privilégiées : la Pologne, la Lituanie, l’Allemagne, les États-Unis et l’Estonie. Une dominante localisée à la frontière européenne avec la Russie. Mais dans l’Ouest de l’Europe, de curieux évènements ont aussi été rapportés aux médias.

Ainsi, notait Le Monde en avril, l’entreprise de cybersécurité appartenant à Google Mandiant a récemment dévoilé les détails des déclarations de la chaîne Telegram CyberArmyofRussia_Reborn, qui revendiquait le sabotage par des pirates informatiques du groupe Sandworm de la centrale hydroélectrique de Courlon-sur-Yonne (Yonne) en France. L’intrusion avait en fait été dirigée contre… un moulin dans un village de 300 habitants dans la Marne.

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Il y a quelques semaines, ce sont cette fois les lampadaires de la ville de Leicester, en Angleterre, qui sont restés allumés toute la journée, conséquence d’une cyberattaque ayant complètement déréglé le système, rappelle Radio France.

"Nous estimons avec une grande confiance que Sandworm est considéré par le Kremlin comme un instrument de pouvoir agile, capable de servir les intérêts nationaux et les ambitions de la Russie, y compris les efforts visant à saper les processus démocratiques dans le monde entier", affirmait récemment Mandiant.

Les hackeurs russe veulent saper la justice

Si les États s’affolent des cybermenaces déployées par la Russie en tant de guerre, ils pourraient tout aussi bien s’inquiéter de ce qui les attend dans l’après-guerre, estime dans une analyse pour War on the Rocks Rhiannon Neilsen, chercheuse en cybersécurité au Centre pour la sécurité et la coopération internationales (CISAC) de l'université de Stanford.

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Selon elle, le président russe Vladimir Poutine est d’ores et déjà en train de brouiller les lignes de la justice de l’après-guerre. "Des pirates informatiques russes des services fédéraux de sécurité et de la direction principale des renseignements auraient pris pour cible le bureau du procureur général de l'Ukraine, l'entité chargée de documenter les crimes de guerre commis par les combattants russes sur le sol ukrainien, note-t-elle. Dans le même temps, la Cour pénale internationale a déclaré avoir été piratée, après avoir 'détecté une activité anormale' dans ses systèmes".

L'objectif de ces attaques : accéder aux preuves des crimes de guerre de la Russie, et les détruire, ou du moins les falsifier pour "éviter les poursuites".

La manipulation des preuves

S’il est connu que les États criminels utilisent le cyberespace et les médias sociaux pour organiser, financer, exécuter et célébrer leurs faits d’armes, la capacité de se débarrasser des preuves pour éviter de payer le prix pénal de ses actions introduit une nouvelle préoccupation dans cette guerre.

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"Si les pirates russes parviennent à récupérer des informations relatives à des affaires de crimes de guerre, leur objectif (selon le bureau du procureur général ukrainien) sera d'extrader les auteurs présumés affiliés à la Russie afin qu'ils échappent aux poursuites", note Rhiannon Neilsen.

Dans cette logique, les "intrus" dans les fichiers de la justice ukrainienne et internationale peuvent tout aussi bien décider de manipuler les preuves et de les remplacer par d'autre, fictives et générées par l'IA, et ce à l'insu des opérateurs du système.

“Ils peuvent aussi faire croire que les forces ukrainiennes ont commis des crimes de guerre : mutilation de cadavres russes, viol de soldats russes ou torture de prisonniers de guerre russes", explique la chercheuse en cybersécurité.

Et même si cette pratique n’est pas avérée, la simple prise de conscience que la Russie est en capacité de la mettre en œuvre pourrait suffire à jeter le doute et la méfiance sur les institutions, incapables de se fier aux éléments versés aux dossiers de justice.

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Des "coffres-forts" de preuves sur les réseaux sociaux

Face à terrifiante perspective, Rhiannon Neilsen préconise d’accorder une attention accrue sur la cyberféfense des dépôts numériques des institutions judiciaires. "Il est primordial, dit-elle, de préserver l'intégrité des preuves des crimes de guerre afin de faciliter la justice pour les vies perdues et les violations flagrantes des droits."

En second lieu, elle appelle les entreprises de médias sociaux à développer des "coffres-forts de preuves" ou des "casiers de preuves" archivant les documents sensibles et violents publiés puis "bannis" par les modérateurs sur les réseaux sociaux : ils peuvent constituer des éléments de preuve pour des dossiers criminels.

Une initiative avait déjà été entreprise dans ce domaine : trois mois après l'invasion massive de l'Ukraine en 2022, quatre législateurs du Congrès américain ont demandé aux dirigeants de TikTok, YouTube, Twitter et Meta de préserver et d'archiver les éventuelles preuves de crimes de guerre commis en Ukraine.

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Enfin, l’experte explique l’importance des messages publics ukrainiens pour contribuer à "vacciner" les individus contre la désinformation par le biais du "prebunking" (par opposition au debunking). Mais, insiste-t-elle, la guerre est loin d’être finie. Sitôt la bataille sur le terrain ukrainien terminée, une autre commencera, pour les preuves, et la vérité.

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