Derrière l’« État islamique », les Kurdes, vraies cibles d’Erdogan

Pendant des années, la Turquie a soutenu les djihadistes de l’«État islamique» qui transitent par son territoire. La guerre déclarée par Ankara ne vise pas tant à éradiquer l’«EI» qu’à juguler les victoires obtenues sur le terrain par les Kurdes. D’où les attaques visant le PKK d’Abdullah Öcalan.

Publié le 27 juillet 2015

Soumise à de nombreuses critiques et pressions depuis plusieurs mois pour son attitude pour le moins ambiguë vis-à-vis de l’organisation de l’« État islamique » (Daech) et son refus de participer aux frappes de la coalition dirigée par les États-Unis, la Turquie vient de changer de stratégie. Prenant prétexte d’un attentat dans la ville de Suruç, où 32 jeunes militants d’une organisation de gauche venus aider à la reconstruction de Kobané (Kurdistan de Syrie) ont trouvé la mort, Ankara a décidé de lancer des raids aériens sur les positions djihadistes. Dans le même temps était annoncée la signature d’un accord entre la Turquie et les États-Unis – tous deux membres de l’Otan pratiquement depuis sa création –, permettant aux avions américains d’utiliser les bases turques.

Un timing impeccable. On pourrait qualifier ainsi ce qui s’est passé en Turquie en moins d’une semaine. Quatre jours après l’attentat-suicide meurtrier attribué à l’« État islamique » (« EI ») qui a visé des militants turcs de la Fédération des associations des jeunes socialistes (marxistes) venus dans la ville frontalière de Suruç (sud) et qui comptaient se rendre à Kobané (Kurdistan de Syrie), des chasseurs F-16 de l’armée de l’air turque ont bombardé des cibles de l’organisation djihadiste en territoire syrien. Immédiatement après, le premier ministre, Ahmet Davutoglu, prenait l’air martial. « L’opération menée contre l’“EI” a rempli son objectif et ne s’arrêtera pas », affirmait-il devant la presse. « Ce qui s’est passé depuis quelques jours montre que la situation n’est plus sous contrôle, renchérissait le président et homme fort du pays, Recep Tayyip Erdogan, ce n’est pas une opération d’une nuit, elle continuera avec détermination. » Un vocabulaire intéressant quand on y songe. « La situation n’est plus sous contrôle. » Elle l’était donc. Or, ladite situation se matérialisait ainsi : passage de milliers de recrues venus remplir les rangs de l’« État islamique » en Syrie alors que tous les soutiens à Kobané étaient bloqués, transit quasi officiel d’armes, de munitions et de matériels lourds, y compris à l’aide de train, et enfin pactisation de l’armée turque avec les éléments de Daech (l’acronyme arabe de l’« EI »). Un contrôle « made in Erdogan », en quelque sorte.

Les mots-clés associés à cet article


à lire aussi

Trois hauts responsables syriens jugés à Paris pour « crimes contre l’humanité »

Monde

Publié le 21.05.24 à 07:38

Au procès de Kobané, « La résistance, c’est la vie ! »

Monde

Publié le 20.05.24 à 19:49

Selahattin Demirtas, à nouveau condamné par le régime d'Erdogan

Monde

Publié le 16.05.24 à 18:52

Vidéos les plus vues

Des plaintes, des plaintes... et pas de condamnations ?

Publié le 31.05.24 à 11:05

L'appel de l'Humanité pour la reconnaissance d'un État palestinien

Publié le 30.05.24 à 15:55

Liquidation de Fret SNCF : à Paris, les cheminots de toute l’Europe réunis pour faire front

Publié le 29.05.24 à 18:52

Extrême droite : le mauvais Mouv' de Radio France

Publié le 28.05.24 à 16:37

Manifestation en soutien à la Palestine du 27 mai : la stupeur après l’attaque du camps de réfugiés à Rafah

Publié le 28.05.24 à 11:55