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Nettoyer les égouts et les WC à main nue, une purge mortelle pour les "Intouchables"

Photo publiée sur la page Facebook de l'organisation Safaai Karmachari Andolan.
Photo publiée sur la page Facebook de l'organisation Safaai Karmachari Andolan.
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Asphyxiées sous terre, terrassées par les maladies... De nombreuses personnes meurent chaque année en Inde en raison de leur travail consistant à nettoyer les égouts, les toilettes ou encore les fosses sceptiques. Des décès ne donnant souvent lieu à aucune indemnité pour les familles, puisque ce travail est officiellement interdit dans le pays... depuis plus de 20 ans.

En Inde, de nombreux habitants font leurs besoins en plein air. C'est le cas des trois quarts de la population rurale – qui représente 68 % de la population totale du pays (1,2 milliard d'habitants) – notamment car beaucoup n'ont pas de WC chez eux. Cette situation engendre de graves problèmes d’insalubrité et implique de nettoyer les rues et les caniveaux régulièrement. En outre, une grande partie des toilettes ne sont pas raccordées aux égouts, ce qui suppose de les vider fréquemment.

Nettoyer les excréments dans les rues et les caniveaux, déboucher les canalisations et les égouts, vider les fosses sceptiques… Ces tâches sont presque toujours effectuées à main nue – au mieux avec quelques outils comme des seaux – par des Intouchables (ou Dalits), des individus exclus du système des castes et se trouvant au plus bas de l’échelle sociale, et plus précisément par des femmes. Ils seraient plusieurs centaines de milliers à faire ce travail, voire plusieurs millions selon certaines sources.

Photo publiée sur la page Facebook de Safaai Karmachari Andolan. Presque la totalité de ces travailleurs sont des femmes.

Selon Safaai Karmachari Andolan, une organisation luttant pour l’éradication de ces métiers, 1 268 personnes seraient mortes en travaillant dans les égouts entre 2014 et 2016, bien que le nombre de ces décès soit difficile à évaluer précisément.

"Beaucoup de travailleurs meurent asphyxiés dans les bouches d’égout"

Nikhil Srivastav est un chercheur indien de l’institut RICE, travaillant notamment sur les questions sanitaires dans les villages.

La plupart des décès surviennent dans les bouches d’égout, à cause du manque d’oxygène. Certains meurent également sous terre après avoir inhalé des gaz nocifs, comme le monoxyde de carbone, ou en raison d’accidents, tels que des explosions de gaz ou des effondrements.

Funérailles de trois travailleurs, décédés en raison d'un accident. Vidéo de l'ONG VideoVolunteers.

Par ailleurs, les travailleurs en contact avec les excréments humains et les ordures ont très souvent des problèmes de santé : nausées, vomissements, diarrhée, maux de tête, infections aux yeux, anémie, maladies respiratoires et de la peau… Ce n’est pas étonnant puisqu’ils travaillent généralement sans aucune protection, car on ne leur en donne pas. Sans compter qu’ils n’ont en général pas accès aux services de santé. [Ces travailleurs sont souvent exclus des programmes de santé en raison de leur appartenance sociale. Environ 80 % des personnes travaillant dans les égouts mourraient donc avant l’âge de la retraite, selon le syndicat des égoutiers, NDLR.]

D’après la Cour suprême, en cas de décès, les familles peuvent théoriquement obtenir un million de roupies [13 355 euros, sachant que ces travailleurs gagnent généralement autour de 40 euros par mois, NDLR]. Mais en réalité, cette indemnité est très difficile à obtenir puisque les autorités font comme si ce travail n’existait pas, dans la mesure où il est officiellement interdit par la loi.

De fait, l’embauche de personnes pour enlever manuellement les excréments humains est interdite par la loi depuis 1993. Une nouvelle loi a ensuite durci les sanctions en 2013 : enfreindre la législation est désormais passible d’une peine allant jusqu’à cinq ans de prison et 50 000 roupies d’amende (soit 668 euros).

Vidéo de l'ONG VideoVolunteers.

"Ces lois ont aggravé la situation des travailleurs"

On pourrait penser que ces lois sont une bonne chose, mais elles n’ont pas fait disparaître ces pratiques et personne n’a jamais été condamné depuis 23 ans.

La loi de 1993 a même aggravé la situation des travailleurs. D’une part, ils ont continué à faire le même travail qu’avant, mais en ayant peur d’être punis. D’autre part, de nombreuses municipalités ont officiellement cessé d’employer des personnes pour réaliser ces tâches. Mais comme il faut bien que les villes soient nettoyées et qu’elles n’ont généralement pas investi pour mécaniser ce travail, elles l’ont externalisé auprès de sociétés privées. Sauf que ces dernières sont généralement encore moins regardantes concernant l’hygiène et la sécurité... Du coup, les autorités ont une attitude un peu hypocrite par rapport à cette question.

Enfin, la loi de 2013 est censée aider les travailleurs à se réorienter, sauf qu’elle ne se penche absolument pas sur l’ostracisme dont ils sont victimes quand ils souhaitent changer de travail. Dans les zones rurales par exemple, comme tout le monde se connaît, si l’un d’eux essaie d’ouvrir une petite épicerie, il aura probablement très peu de clients, en raison de son statut social de Dalit. Bien que la Constitution indienne interdise de discriminer quelqu’un en raison de sa caste, un quart de la population continue en effet d’éviter tout contact avec les Dalits. [Ces derniers sont victimes de discrimination permanentes, dans tous les secteurs, NDLR.]

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