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Des cellules souches contre les séquelles d’un AVC

Une étude américaine montre des récupérations motrices inédites après des accidents vasculaires cérébraux.

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Publié le 02 juin 2016 à 20h56, modifié le 03 juin 2016 à 11h38

Temps de Lecture 4 min.

C’est un nouveau pas pour la médecine régénératrice. En injectant des cellules souches directement dans le cerveau de patients souffrant de séquelles d’un accident vasculaire cérébral (AVC), une équipe américaine a obtenu une amélioration de leur déficit moteur, sans complications notables avec un an de recul. Les résultats de cet essai préliminaire conduit par l’équipe de Gary Steinberg (université de Stanford, Californie), pionnière dans ce domaine, sont publiés dans la revue Stroke datée du 2 juin.

A l’échelle mondiale, les AVC représentent la deuxième ou troisième cause de mortalité, et la première cause de handicap. En France, ils frappent chaque année environ 150 000 personnes. La majorité de ces accidents neurologiques, dits ischémiques, résultent de l’obstruction d’une artère nourricière du cerveau par un caillot.

Le meilleur traitement est une désobstruction en urgence, dans les six premières heures, du vaisseau bouché. Celle-ci fait appel à des médicaments, et de plus en plus, à une technique de thrombectomie, qui consiste à piéger le caillot dans un filet et à le retirer, en passant par l’artère fémorale. Malgré cette prise en charge et la rééducation, la majorité des patients conserve des séquelles motrices ou intellectuelles.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Traiter en urgence les prémices d’un AVC

Une vingtaine d’essais cliniques en cours

Depuis les années 2000, un vaste champ de recherche s’est ouvert pour essayer de réparer les dégâts cérébraux post-AVC grâce à des cellules souches. Plusieurs types cellulaires sont à l’étude, les plus fréquemment utilisés étant les cellules souches mésenchymateuses, provenant de la moelle osseuse ou de tissu adipeux de donneurs.

Principaux avantages : la transplantation de telles cellules ne nécessite pas de traitement immunosuppresseur, et les données de sécurité sont rassurantes. Plus d’une vingtaine d’essais cliniques sont en cours dans le domaine de l’AVC, les cellules souches étant administrées, selon les cas, par voie veineuse, artérielle ou intracérébrale.

Gary Steinberg et ses collègues ont sélectionné dix-huit patients, victimes d’un accident neurologique six mois à trois ans plus tôt, avec des séquelles principalement motrices. Certains ne pouvaient plus marcher, d’autres n’avaient plus l’usage d’un bras…

Les chercheurs ont eu recours à des cellules mésenchymateuses modifiées génétiquement pour faciliter leur différenciation en cellules neurales. Elles ont été injectées directement dans le cerveau au niveau de la zone lésée. Hormis des réactions locales mineures, attendues et réversibles, aucun problème de tolérance n’a été relevé. Et au-delà de la sécurité de la procédure, qui était le premier objectif de l’étude, les auteurs ont observé une efficacité.

Alors que l’état neurologique des patients était stable, il s’est amélioré après l’injection. L’évolution a été mesurée objectivement avec des échelles d’évaluation classiques, et constatée cliniquement. « Ce n’était pas simplement qu’ils ne pouvaient pas bouger leur pouce et qu’ils en deviennent capables. Des patients qui étaient en fauteuil roulant remarchent », s’enthousiasme Gary Steinberg dans le communiqué de presse associé à l’article.

Ces bénéfices ne sont pas dus directement à la transplantation des cellules souches, puisque celles-ci ont disparu au bout d’un mois. Elles agissent surtout en aidant le cerveau à se réparer et à cicatriser, par la sécrétion de diverses substances.

« Six mois après un AVC, les lésions neurologiques sont en général fixées, et jusqu’ici, nous n’avions pas grand-chose à proposer à ces patients. Si les résultats de cette étude peuvent être confirmés, ce sera une grande avancée », estime le professeur Jean-Marc Orgogozo, ancien chef du service de neurologie du CHU de Bordeaux.

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Le professeur Didier Leys (service de neurologie et pathologie vasculaire du CHU de Lille) insiste aussi sur la nécessité de mener d’autres essais, avec un effectif plus important, et en comparant l’évolution des patients recevant des cellules souches à celle de patients non traités. L’équipe de Stanford s’attelle justement à une telle étude, pour laquelle elle va recruter 156 patients. Elle sera menée en double aveugle, ce qui signifie que ni le patient ni l’investigateur ne sauront si le traitement a été réellement effectué (certains des patients subiront en fait une « fausse » intervention chirurgicale).

« Médecine régénératrice »

« Cette publication dans Stroke constitue une étape très importante dans le champ de la thérapie cellulaire des AVC, car on est passé de petites études confidentielles à un travail solide, mené par une équipe sérieuse et expérimentée », souligne le docteur Olivier Detante, neurologue à l’unité neurovasculaire du CHU de Grenoble et chercheur, membre d’ECell France, le réseau national de médecine régénératrice.

Ce spécialiste, qui travaille depuis dix ans dans ce domaine, coordonne un projet européen, Resstore, qui prévoit d’évaluer une thérapie cellulaire chez 400 patients dans les quinze jours suivant leur accident vasculaire cérébral. Le protocole diffère de celui des Américains puisque les cellules souches proviennent de tissus adipeux et seront injectées en intraveineux. L’étude, qui attend le feu vert des autorités réglementaires, pourrait commencer d’ici à l’automne.

Pour Olivier Detante, la thérapie cellulaire pourrait bien un jour devenir une stratégie de choix pour réduire les séquelles des AVC. « Dans les décennies à venir, la médecine régénératrice va amener une révolution dans beaucoup de pathologies chroniques, ajoute-t-il. Pour l’instant, c’est dans le domaine de l’infarctus du myocarde que les publications sont les plus nombreuses, mais des centaines d’études cliniques sont en cours dans de multiples champs : diabétologie, rhumatologie… »

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