Dans le monde agricole, la mort est dans le pré

À l’approche du Salon de l’agriculture et à l’aune de nouveaux cas, l’écho du phénomène a pris de l’ampleur. Dans les allées du parc des Expositions de la porte de Versailles, le sujet, dont on dit qu’il est tabou dans le milieu paysan, s’aborde désormais à voix grave, mais haute. « J’ai harangué François Hollande quand il est passé samedi », raconte Laurence, la cinquantaine, éleveuse en Mayenne. Je lui ai crié : « On est en train de mourir ! » Il m’a répondu : « Je vous comprends. » C’est tout. Laurence arrête là son récit, les yeux écarquillés comme pour dire « hallucinant ! » Tirant sur le col de son chemisier, elle montre le tee-shirt qu’elle porte en dessous et sur lequel elle a écrit, au marqueur, les mêmes mots – On est en train de mourir. « La police nous a demandé de les cacher, à moi et à mes deux copines. On nous a dit que nous n’avions pas l’autorisation préfectorale de manifester… »

L’édition du salon 2017 n’a pas, jusqu’à présent, donné lieu à d’autre coup d’éclat. L’an dernier, François Hollande et Manuel Valls avaient écopé de huées et de mots salés sur leur passage. L’écho du drame que traverse le secteur agricole s’est fait, cette année, plus feutré. « Ça n’explose plus, s’inquiète un homme, ça encaisse en sourdine, ça se résigne face à une crise généralisée… » Et ça meurt.

Les statistiques restent encore trop partielles pour lier directement le nombre de suicides chez les producteurs au marasme socio-économique qui frappe l’agriculture française depuis bientôt dix ans. Aucune enquête sanitaire ne rapporte de données datant d’avant 2007. « Et, jusqu’en 2015, la qualification de suicide n’était pas mentionnée sur les certificats de décès », rappelle Véronique Maeght-Lenormand, médecin-conseil à la Mutualité sociale agricole (MSA), qui n’exclut pas que les chiffres avancés soient sous-évalués.